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Intéressement : les dernières précisions de la Cour de cassation

Intéressement : les dernières précisions de la Cour de cassation

Par deux arrêts récents, la Cour de cassation apporte d’utiles précisions d’une part, sur les conditions dans lesquelles les primes d’intéressement bénéficient d’une exonération de cotisations sociales (Cass. civ. 2ème, 12 mai 2022, n°20-22.367), d’autre part, sur les conditions dans lesquelles les salariés en congé de reclassement peuvent bénéficier des accords d’intéressement (Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-16.404).

 

Conséquences du dépôt tardif de l’accord d’intéressement sur l’exonération des sommes versées

Pour rappel, aux termes de l’article L.3312-4 du Code du travail, les sommes versées aux bénéficiaires d’un accord d’intéressement n’ont pas le caractère d’élément de salaire pour l’application de la législation du travail et sont exclues de l’assiette des cotisations de sécurité sociale.

Pour ouvrir droit aux exonérations, l’accord doit avoir été conclu avant le 1er jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet (C. trav., art. L.3314-4) et déposé par voie dématérialisée dans un délai de 15 jours à compter de la date limite fixée pour sa conclusion (C. trav., art. D3313-3).

 

A défaut de remplir ces deux conditions, si l’accord produit bien ses effets entre les parties, il n’ouvre droit aux exonérations que pour les périodes ouvertes postérieurement au dépôt (C. trav., art. L.3315-5).

 

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté (Cass. soc., 12 mai 2022, n°20-22.367), une entreprise a conclu le 23 septembre 2014 un accord d’intéressement pour la période allant du 1er avril 2014 au 31 mars 2017 en retenant pour période de calcul celle de son exercice comptable fixé du 1er avril d’une année au 31 mars de l’année suivante.

A la suite d’un contrôle URSSAF, l’entreprise s’est vu notifier un redressement correspondant aux cotisations sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015 au motif que si l’accord avait été signé dans les délais requis – soit le 23 septembre 2014, et donc avant le 1er octobre 2014 – il avait été déposé le 12 novembre 2014 alors qu’il aurait dû l’être, au plus tard, le 15 octobre 2014.

L’URSSAF considérait ainsi que seules les deux périodes allant du 1er avril 2015 au 31 mars 2016 et du 1er avril 2016 au 31 mars 2017 auraient dû bénéficier de l’exonération.

 

La cour d’appel ayant confirmé le redressement, l’employeur s’est pourvu en cassation. A l’appui de son pourvoi, il faisait notamment valoir que :

 

    • le dépôt tardif d’un accord d’intéressement régulièrement conclu n’est pas de nature à emporter la perte des droits à exonération d’autant plus lorsque l’exercice en cours n’est pas clos au jour de ce dépôt ;
    • l’article D. 3313-1 qui précise les conditions de dépôt de l’accord d’intéressement ne fait pas de cet acte une condition d’accès aux exonérations de cotisations et contributions sociales, pas plus que l’article L. 3315-5 du Code du travail qui traite uniquement des exonérations fiscales applicables à l’intéressement et non des droits à exonération des cotisations et contributions sociales prévus à l’article L. 3312-4 ;
    • à supposer même que l’absence de dépôt de l’accord d’intéressement dans les délais légaux puisse avoir une incidence sur les droits à exonération de l’intéressement versé, ce droit à exonération est en toute hypothèse ouvert postérieurement à ce dépôt, soit pour la période courant du 12 novembre 2014 au 31 mars 2015.

 

Pour écarter l’argumentation de l’employeur et confirmer la décision de la Cour d’appel, la Cour de cassation, après avoir rappelé que l’accord d’intéressement déposé hors délai n’ouvre droit aux exonérations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt, approuve l’application de ce texte par les juges du fond, qui en ont déduit que l’accord n’ouvrait droit aux exonérations de cotisations que pour les périodes de calcul ouvertes postérieurement à son dépôt, soit les exercices ouverts à compter du 1er avril 2015, et non pour la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015.

En statuant ainsi, la Cour de cassation confirme que la conclusion de l’accord d’intéressement, comme son dépôt dans les délais impartis, constituent bien des conditions de fond au bénéfice immédiat de l’exonération de cotisations de sécurité sociale sur les sommes versées au titre de l’intéressement.

La prudence est donc de mise pour les entreprises qui renouvellent actuellement leur accord d’intéressement, et plus particulièrement pour celles dont la période d’exercice court du 1er janvier au 31 décembre, pour lesquelles les accords doivent être conclus au plus tard le 30 juin et déposés au plus tard le 15 juillet.

 

Droits des salariés en congé de reclassement en matière de répartition de l’intéressement

Pour mémoire, le congé de reclassement doit être proposé aux salariés dont le licenciement pour motif économique est envisagé dans toutes les entreprises et les groupes d’au moins 1000 salariés.

Lorsque le salarié accepte ce congé, celui-ci est pris pendant la durée du préavis – que le salarié est dispensé d’effectuer – et quand sa durée excède celle du préavis, le terme de ce dernier est reporté jusqu’à la fin du congé de reclassement.

Il en résulte que le salarié en congé de reclassement demeure lié à son employeur par un contrat de travail jusqu’au terme du congé de reclassement.

Or, aux termes de l’article L.3342-1 du Code du travail, tous les salariés d’une entreprise compris dans le champ des accords d’intéressement et de participation ou des plans d’épargne salariale ont vocation à en bénéficier, sous réserve, le cas échéant, d’une condition d’ancienneté qui ne peut excéder trois mois.

 

Sur le fondement de cette disposition, la Cour de cassation a donc jugé en 2018 que « les titulaires d’un congé de reclassement, qui demeurent salariés de l’entreprise jusqu’à l’issue de ce congé en application de l’article L.1233-72 du Code du travail, bénéficient de la participation, que leur rémunération soit ou non prise en compte pour le calcul de la réserve spéciale de participation » (Cass. soc., 7 novembre 2018, n°17.18-936).

Compte tenu de la rédaction de l’article L. 3342-1, cette solution était transposable aux accords d’intéressement.

 

C’est ce que confirme la Cour de cassation dans un arrêt du 1er juin 2022 (n°20-16.404) dans lequel elle se prononce, pour la première fois à notre connaissance, sur les modalités de répartition de l’intéressement dans l’hypothèse d’un congé de reclassement.

 

A cet égard, il convient de rappeler que la répartition de l’intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle au salaire ou à la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice considéré ou retenir conjointement ces différents critères (C. trav., art. L.3314-5).

Lorsque l’accord prévoit une répartition uniforme, le salarié en congé de reclassement aura vocation à bénéficier d’une prime d’intéressement d’un montant identique à celle perçue par les autres salariés.

 

Dans cette affaire, une salariée avait conclu une convention de rupture conventionnelle pour motif économique dans le cadre d’un plan de départ volontaire, et bénéficié d’un congé de reclassement.

Elle avait ensuite saisi le Conseil de prud’hommes aux fins notamment d’obtenir le versement d’une certaine somme au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail résultant de l’application irrégulière de l’accord d’intéressement.

 

L’accord prévoyait une répartition de l’intéressement à hauteur de 50% en fonction de la durée de présence et à hauteur de 50% en fonction de la rémunération brute annuelle perçue au cours de l’exercice de référence.

Il précisait également que les absences résultant des congés payés, des jours de récupération du temps de travail ou de repos supplémentaires, des congés d’ancienneté, des congés conventionnels, des congés de formation prévus au plan de formation, des congés de formation économique, sociale et syndicale, des heures de délégation, de la maternité, de l’accident du travail et du trajet et d’une façon générale des périodes légalement ou conventionnelles assimilées au travail effectif n’ont aucune incidence sur le droit à répartition.

 

Sur la répartition en fonction de la rémunération, il convient de rappeler que c’est à l’accord d’intéressement de définir la notion de salaire retenue, qu’il s’agisse du salaire effectivement versé ou de la rémunération habituelle des salariés (Guide de l’épargne salariale, juillet 2014), étant précisé que les salaires à prendre en compte au titre des périodes de congés, de maternité et d’adoption ainsi que des périodes de suspension consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle sont ceux qui auraient été perçus si le salarié avait été présent (C. trav., art. R.3314-3).

Dans l’affaire en cause, l’accord renvoyait pour la définition du salaire servant de base à la répartition aux règles retenues pour la taxe sur les salaires (CGI, art. 231).

 

Or, ainsi que le constate la Cour, l’allocation de reclassement qui excède la durée du préavis n’est soumise ni aux cotisations de sécurité sociale, ni à la taxe sur les salaires de sorte que l’allocation de reclassement n’entre pas dans l’assiette de répartition prévue par l’accord d’intéressement.

Considérant en outre que ni les dispositions légales ni les stipulations conventionnelles alors applicables ne prévoyaient la reconstitution du salaire pour la période de congé de reclassement excédant la durée du préavis, la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir décidé que l’employeur était fondé à ne prendre en compte que la prime d’ancienneté, effectivement versée pendant cette période, pour calculer la répartition de l’intéressement après l’expiration du préavis.

 

Sur la répartition en fonction de la durée de présence, la Cour rappelle que sont légalement assimilés à des périodes de présence pour la répartition de l’intéressement, le congé de maternité, d’adoption ou d’un enfant, les périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle auxquelles s’ajoutent, dans la rédaction actuelle du texte, les périodes de mise en quarantaine et le congé de deuil d’un enfant (C. trav., art. L. 3314-5).

La Cour de cassation approuve là encore les juges du fond d’avoir décidé qu’aucune disposition conventionnelle n’assimilait le congé de reclassement à du temps de travail effectif et que l’employeur était dès lors légitime à exclure les périodes de congé de reclassement du temps de présence pris en compte pour la répartition de l’intéressement.

 

Ces solutions sont transposables à la participation aux résultats qui comporte des dispositions similaires s’agissant des périodes assimilées à du temps de présence et des situations devant donner lieu à une reconstitution du salaire.

 

En cette matière, s’il existe désormais des précisions jurisprudentielles s’agissant de l’éligibilité des salariés en congé de reclassement à la participation et des modalités de répartition, dans un tel cas, de cette participation, la Cour de cassation ne s’est toujours pas prononcée sur la prise en compte de l’allocation de reclassement dans le calcul de la réserve spéciale de participation.

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