Application de l’arrêt Coty par une cour française : l’interdiction de revente sur les market places dans le cadre d’un réseau de distribution sélective est licite
Dans un arrêt du 28 février 2018 opposant le producteur de parfums de luxe Coty à la société Showroomprivé, la cour d’appel de Paris a eu l’occasion de se prononcer sur la question de la licéité de la clause d’interdiction de revente sur les market places (ou places de marché telles qu’Amazon ou ebay) alors que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait rendu un arrêt très attendu sur le sujet le 6 décembre 2017.
Interrogée par un juge allemand dans le cadre d’un litige concernant également la société Coty, la CJUE avait tranché la question estimant que, s’agissant des produits de luxe, les clauses d’interdiction de revente sur les market places n’étaient pas contraires à l’article 101 § 1 du TFUE.
Dans ce contexte, il était peu probable que la cour d’appel de Paris fasse de la résistance et juge que cette clause constitue une entente anticoncurrentielle comme elle l’avait décidé le 2 février 2016 dans une affaire opposant Caudalie au site 1001 pharmacies (CA Paris, 2 février 2016, n°15/01542).
La Cour d’appel n’a pas fait œuvre créatrice. Elle s’est contentée de reprendre l’argumentation de la Cour de justice estimant que cette clause est « appropriée pour préserver l’image de luxe desdits produits et ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi, car elle n’interdit pas de manière absolue aux distributeurs agréés de vendre sur internet les produits contractuels » (CA Paris, le 28 février 2018, n°16/02263).
Les prises de position de l’Autorité de la concurrence depuis 2012 dans le cadre des affaires Samsung et Adidas en faveur de la revente sur les market places sont passées sous silence au profit d’un avis de 2007 dans lequel le Conseil avait estimé que les craintes des fabricants des produits dermo-cosmétiques à l’égard des ventes de leurs produits sur les market places étaient fondées « tant que les plates-formes n’apport[ai]ent pas de garanties supplémentaires sur la qualité et l’identité des vendeurs » (pour plus de précisions sur ce point, voir notre article « La CJUE a tranché : la clause d’interdiction de revente sur les places de marché n’est pas contraire au droit de la concurrence », 17 janvier 2018).
Quant à son propre arrêt de 2016 dans lequel elle avait jugé que cette clause constituait une entente anticoncurrentielle, la Cour d’appel était bien obligée de l’écarter, celui-ci ayant fait l’objet d’une cassation (tombée à point nommé puisqu’elle permettait d’attendre que la Cour de justice se positionne sur la question – Cass, com., 13 septembre 2017, n°16-15.067).
Si cet arrêt était prévisible, étant donné les enjeux pour les têtes de réseau, il est plus confortable d’avoir la confirmation que les juges français se conforment strictement à la position de la CJUE.
Aujourd’hui, la question de l’application de cette jurisprudence aux autres produits que les produits de luxe reste en suspens. En effet, la CJUE a circonscrit sa réponse aux produits de luxe mais quid des autres produits vendus par l’intermédiaire d’un réseau de distribution sélective ?
Une cour de Hambourg a récemment estimé qu’une telle clause était permise même lorsqu’étaient en jeu d’autres produits que des produits de luxe. Nous attendons encore à ce jour la position des juges français.
Auteur
Marine Bonnier, avocat, droit de la concurrence et droit de la distribution