Holdings animatrices : le Conseil d’État plus pragmatique que l’Administration
Le Conseil d’État considère que l’éligibilité des holdings animatrices à un régime de faveur peut procéder de la loi, et non de la doctrine administrative, dès lors que l’activité d’animation présente un caractère principal.
L’accès à certains régimes fiscaux de faveur est réservé aux titres détenus dans des sociétés exerçant une activité « professionnelle », c’est à -dire industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, voire financière. La loi ne prévoit pas les mêmes avantages pour les sociétés «patrimoniales», gérant leur propre patrimoine mobilier ou immobilier.
Il en résulte que les sociétés holdings en sont en principe exclues, sauf si elles animent les filiales de leur groupe, auquel cas elles sont reconnues exercer ce faisant une activité professionnelle. Mais l’Administration, qui considère que le principe même de leur éligibilité procèderait d’une faveur de sa part, n’a jamais défini de critères précis de l’animation de groupe.
Des contribuables avaient cédé les titres d’une holding et revendiqué le bénéfice de l’exonération des plus-values réalisées par les dirigeants de PME partant à la retraite (Code général des impôts, article 150-0 D ter), mais l’Administration l’a refusé au motif que la société n’aurait pas exercé une activité professionnelle pendant le délai de cinq années précédant la cession, requis par la loi. Par sa décision du 13 juin 2018 (plénière fiscale n°395495 et autres), le Conseil d’État a engagé une salutaire mise en ordre, en se prononçant pour la première fois sur le sujet des holdings animatrices. Cette décision livre plusieurs enseignements.
Tout d’abord, l’éligibilité des holdings animatrices procède de la loi, s’agissant du régime concerné. Par ailleurs, le régime est ouvert à une holding qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, a pour activité principale « la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques ».
L’animation constitue l’activité principale de la société dès lors que la valeur réelle des participations dans les filiales animées représente plus de 50% de son actif total. Ainsi, en particulier, une holding qui détient des filiales non éligibles ou non animées ou des liquidités (grâce, par exemple, aux dividendes reçus des filiales) ne peut ni se voir refuser le bénéfice du régime de faveur si ces détentions sont minoritaires, ni le voir réduit par un prorata, dès lors que la loi n’en a prévu aucun dans cette situation.
Autre élément important : la caractérisation de l’animation. Les statuts de la holding prévoyaient l’animation, mais la société n’avait conclu une convention d’animation avec ses filiales (assistance en matière de stratégie et de développement) que dans le courant de la période examinée. La décision confirme néanmoins le caractère animateur de la holding après avoir relevé plusieurs points. Tout d’abord, une communauté de dirigeants entre la holding et la filiale (détenue à 95%).
Ensuite, des procès-verbaux de conseils d’administration de la filiale attestant de la participation de la holding, de longue date, à la conduite de la politique des filiales du groupe, faisant état de plusieurs actions concrètes qui allaient au-delà de l’exercice des attributions qu’elle tirait de sa seule qualité d’actionnaire.
Une première étape très constructive est franchie avec cette décision du Conseil d’État, pour l’imposition des plus-values. Le juge administratif n’est cependant pas compétent pour l’impôt sur
la fortune (biens professionnels) et les droits de donation et de succession (pactes Dutreil), pour lesquels l’animation revêt aussi une grande importance. Espérons que la Cour de cassation fera preuve du même pragmatisme.
Auteurs
Luc Jaillais, avocat associé, droit fiscal
Florent Ruault, avocat, spécialiste des impôts directs au sein du département de doctrine fiscale