Fusions : anticiper la négociation du nouveau statut collectif
11 juillet 2017
Toute opération de transfert d’entreprise nécessite la révision du nouveau statut collectif applicable au personnel dans la structure d’accueil : il en va donc ainsi pour les opérations de fusion.
Le statut collectif, automatiquement mis en cause par l’opération juridique de transfert, doit faire l’objet d’une nouvelle négociation après la réalisation de l’opération au sein de la structure d’accueil.
La loi Travail1 autorise, depuis le 10 août 2016, lorsqu’est envisagé un transfert d’entreprise, la négociation par anticipation du nouveau statut collectif, et ce suivant deux types d’accord :
- soit un accord de transition destiné aux seuls salariés transférés2 ;
- soit un accord d’adaptation, destiné aux salariés transférés et à ceux de l’entreprise d’accueil3.
L’accord de transitionÂ
Cet accord a pour objet d’opérer un rapprochement entre les stipulations des accords mis en cause et celles en vigueur dans l’entreprise d’accueil afin de les rendre compatibles et de sécuriser la période transitoire pour les salariés. La négociation intervient entre les employeurs des deux entreprises concernées et les syndicats représentatifs dans l’entreprise qui emploie les salariés transférés. L’accord entre en vigueur à la date de réalisation du transfert, il est conclu pour une durée limitée à trois ans et s’applique à l’exclusion des dispositions conventionnelles portant sur le même objet applicables dans l’entreprise d’accueil.
Seuls les salariés présents dans l’entreprise au moment où l’accord est conclu et dont le contrat est transféré sont concernés par l’accord de transition.
L’accord d’adaptation
Il a pour objet de fixer par anticipation un nouveau statut collectif unique pour l’ensemble du personnel de la société d’accueil, en harmonisant la situation de l’ensemble du personnel des entreprises concernées, dont les futurs embauchés. Cet accord est négocié par les employeurs et les syndicats représentatifs en place dans chacune des entreprises concernées. Le taux de l’audience des syndicats est apprécié dans leurs entreprises respectives.
Le nouvel accord se substitue aux accords mis en cause et révise les accords applicables dans l’entreprise d’accueil. Il entre en vigueur à la date de la réalisation du transfert et peut être conclu pour une durée déterminée de cinq ans ou indéterminée. Il est impossible de négocier un accord anticipé en cas de changement d’activité.
Dans ce cas, seul l’article L. 2261-14 du Code du travail s’applique, qui prévoit la négociation d’un accord de substitution postérieurement au changement d’activité.
Si aucun accord n’est trouvé avant la date du transfert, la négociation s’engagera dans les trois mois suivant le transfert d’entreprise, en vue de la conclusion d’un accord pouvant prendre effet dès la date du transfert et au plus tard avant la fin du délai légal de survie de douze mois, soit pour l’adaptation aux dispositions conventionnelles nouvellement applicables, soit pour l’élaboration de nouvelles dispositions4.
A défaut d’accord de remplacement conclu dans le délai d’un an à compter de l’expiration du préavis de dénonciation de trois mois, si les salariés concernés ne se voient plus maintenus leurs avantages individuels acquis, en application du texte dénoncé, ils conservent cependant le montant annuel de leur rémunération au cours des douze derniers mois5.
Au regard de ces enjeux financiers, les employeurs ont tout intérêt à s’engager dans une démarche active de négociation du statut collectif le plus en amont possible de l’opération de transfert envisagée et ce malgré le caractère hypothétique de celle-ci, en ayant conscience de l’impact de ces négociations sur sa confidentialité.
Notes
1 N°2016-1088 du 8 août 2016.
2 Art. L. 2261-14-2 du Code du travail.
3 Art. L. 2261-14-3 du Code du travail.
4 Art. L. 2261-14 du Code du travail.
5 Art. L. 2261-14 al. 2 du Code du travail
Auteur
Françoise Albrieux-Vuarchex, avocat associé, droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre Lyon
Fusions : anticiper la négociation du nouveau statut collectif – Article paru dans La Lettre des Fusions-Acquisitions et du Private Equity, supplément n°1419 du magazine Option Finance du 19 juin 2017
A lire également
Opérations de restructuration domestiques ou transfrontalières : effets et lim... 29 juin 2017 | CMS FL
Les obligations des entreprises face au droit à la déconnexion des salariés... 4 octobre 2017 | CMS FL
L’accès des syndicats à l’Intranet de l’entreprise bientôt généralisÃ... 4 janvier 2017 | CMS FL
Que peuvent attendre les entreprises de la loi El Khomri ?... 17 octobre 2016 | CMS FL
Activité durant un arrêt de travail pour maladie, quelle sanction pour le sala... 25 septembre 2020 | Pascaline Neymond
Fiscalité du mali de fusion : distinguer le vrai du faux... 11 juillet 2017 | CMS FL
Suspension du contrat de travail ne signifie pas suspension du mandat d’un... 3 juillet 2020 | Pascaline Neymond
Accords de préservation et de développement de l’emploi : la primauté du co... 12 décembre 2016 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente