Quand la France envisage de passer à la vitesse supérieure pour sanctionner les dépassements de délais de paiement
On sait que les délais de paiement conventionnels1 ne peuvent, conformément à la directive européenne 2011/UE du 16 février 2011, dépasser par principe 60 jours à compter de l’émission de la facture ou par dérogation, 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture, à la condition que ce délai soit expressément stipulé par contrat et qu’il ne constitue pas un abus manifeste à l’égard du créancier.
L’amende administrative encourue lorsque le plafond du délai de paiement interentreprises n’est pas respecté ne peut, aujourd’hui, excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale (art. L. 441-6, I al. 9 et VI C. com.).
Ce dispositif est en pratique entré en vigueur le 3 octobre 2014 à la parution du décret n°2014-1109 du 30 septembre 2014 portant application des dispositions de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation 2qui renforcent les moyens de contrôle de l’autorité administrative chargée de la protection des consommateurs et adaptent le régime de sanctions.
En matière de pratiques restrictives de concurrence, le décret précise en outre les modalités de publication de la décision prononçant la sanction administrative : dans la presse, par voie électronique, ou par affichage (nouvel art. R. 465-2, III C. com.).
Malgré les nombreux contrôles menés (plus de 2 000 entreprises contrôlées et 110 sanctions déjà prononcées, pour 3,5 millions d’euros d’amendes, selon la DGCCRF3) et le renforcement des sanctions introduit par la loi de consommation4 et la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques5, les Pouvoirs publics viennent, après avoir effectué un bilan de l’efficacité de ces mesures, de présenter de nouvelles réformes à venir visant à renforcer une fois encore le régime des sanctions. Leur adoption ferait sans doute de la France l’Etat membre doté des plus sévères sanctions applicables en cas de non-respect des délais plafonds.
Sont ainsi envisagés le renforcement du dispositif des sanctions, avec un plafond par amende porté à 2 millions d’euros, la possibilité de prononcer et d’exécuter cumulativement plusieurs amendes contre les entreprises auteurs de multiples manquements, ainsi que la publication de toutes les sanctions.
Un décret paru le 29 novembre 20156 prévoit la publication des retards de paiement dans le rapport de gestion des entreprises à la date de clôture des comptes, aussi bien du côté clients que du côté fournisseurs. Ces informations font l’objet d’une attestation des commissaires aux comptes.
Si l’on peut saluer l’engagement à l’encontre des entreprises qui systématisent les retards de paiement en vue d’améliorer leur trésorerie, on se montrera en revanche plus réservé quant à l’opportunité de ces mesures et notamment de celle relative à la publication systématique de la sanction lorsque les manquements relevés concerneront un nombre très limité de factures pour lesquelles le plus souvent un litige (erreur sur le prix, la quantité livrée, etc.) ou un problème accidentel (informatique ou humain) seront à l’origine du retard. La publication du nom des entreprises sans distinguer celles qui ont rencontré des incidents de ce type de celles qui ont mis en œuvre une politique délibérée de retard de paiement sera sans doute source de contestations de la part des entreprises.
Par ailleurs, on peut regretter que le Gouvernement ne profite pas de cette réforme pour clarifier enfin la portée des textes à l’égard des contrats internationaux, que ces derniers concernent des transactions réalisées au sein de l’UE ou celles conclues avec des fournisseurs ou clients établis dans des pays tiers.
Notes
1 Hors régimes dérogatoires ou délais de paiement spécifique dans certains secteurs
2 Loi du 17 mars 2014 dite «loi Hamon»
3 Conférence de presse d’Emmanuel Macron du 23 novembre 2015
4 Loi du 17 mars 2014 dite «loi Hamon»
5 Loi du 6 août 2015 dite «loi Macron»
6 Décret n°2015-1553 du 27 novembre 2015 pris pour l’application de l’article L. 441-6-1 du Code de commerce
Auteur
Nathalie Pétrignet, avocat associée, spécialisée en matière de droit de concurrence national et européen, pratiques restrictives et négociation commerciale politique de distribution et aussi en droit des promotions des ventes et publicité.