Fiscalité du mali de fusion : distinguer le vrai du faux
La fusion entre deux sociétés peut conduire à constater comptablement un mali, c’est-à-dire un écart négatif entre l’actif net reçu par l’entité absorbante à hauteur de sa participation dans l’entité absorbée et la valeur comptable de cette participation.
Lorsque la fusion est réalisée en valeurs comptables (cas le plus fréquent), le mali de fusion a vocation à être décomposé entre un mali technique ou « faux mali », correspondant aux plus-values latentes sur éléments d’actif dans les comptes de l’absorbée (déduction faite des passifs non comptabilisés par l’absorbée, en l’absence d’obligation comptable), non déductible fiscalement et, le cas échéant, une perte déductible correspondant à la dépréciation, au moment de la fusion, de la participation détenue dans l’absorbée, dite « vrai mali ».
Le mali technique est désormais amortissable – VRAI
Le règlement ANC 2015-06 du 23 novembre 2015 a modifié les règles comptables applicables au mali technique de fusion pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2016. Désormais, le mali technique doit être comptabilisé dans un sous-compte spécifique à chaque actif apporté auquel il se rattache. Le mali ainsi affecté suit les règles d’amortissement de l’actif sous-jacent. Ce n’est que lorsqu’il ne peut être affecté à aucun actif qu’il est, par défaut, inscrit en «fonds commercial». Les malis figurant au sous-compte « fonds commercial » au 1er janvier 2016 ont ainsi dû être reclassés, au choix du contribuable, en fonction des plus-values existantes à la date de la fusion ou en fonction des plus-values existantes à la date de première application du règlement ANC 2015-06.
En cas de fusion placée sous le régime de faveur, le mali technique n’ayant pas de valeur fiscale, les charges ultérieures affectées au mali (en cas de sortie d’actif, de dépréciation ou d’amortissement) ne peuvent donner lieu à déduction. A l’inverse, en cas de fusion placée sous le régime de droit commun, les dotations aux amortissements du mali technique affecté aux actifs amortissables devraient désormais être déductibles fiscalement.
Le mali technique doit figurer sur l’état de suivi des plus-values en sursis – FAUX
L’ordonnance n° 2015-681 du 18 juin 2015 a supprimé l’obligation d’indiquer la valeur du mali technique dans l’état de suivi des plus-values en report d’imposition au titre des exercices clos à compter du 20 juin 2015. A cet égard, la direction de la législation fiscale a confirmé à l’Institut des avocats conseils fiscaux que le règlement ANC 2015-06 n’a pas modifié cette dispense.
Le mali ne doit pas tenir compte du déficit transféré par l’absorbée – FAUX
Les règles comptables applicables en matière de fusion tiennent compte de la notion d’impôt différé, actif ou passif, et regardent l’économie d’impôt correspondant au déficit transmis de l’absorbée à l’absorbante comme un impôt différé actif, à prendre en compte pour le calcul du mali.
Encore faut-il que la transmission des déficits soit certaine, celle-ci étant subordonnée à l’obtention préalable d’un agrément de l’administration fiscale, accordé sous diverses conditions.
A cet égard, le Conseil d’État vient de juger1 que les déficits fiscaux de la société absorbée doivent être pris en compte pour déterminer le mali, quand bien même l’agrément pour le transfert des déficits n’aurait pas encore été obtenu à la date d’effet de la fusion, l’agrément étant de droit lorsque les conditions sont satisfaites.
Une décision logique (une solution inverse aurait conduit l’absorbante à déduire deux fois les mêmes pertes, l’une au titre du vrai mali, l’autre à raison des déficits fiscaux transmis) qui devra être prise en compte par l’absorbante lorsque le vrai mali constaté sera déductible fiscalement (c’est-à-dire, fusions placées hors du champ du régime des plus-values à long terme sur titres de participation).
Note
1 Conseil d’État, 18 janvier 2017, n° 389004, Société Stago International.
AuteurS
Jean-Charles Benois, avocat counsel en droit fiscal
Vincent Forestier, avocat en fiscalité directe