Egalité réelle entre les femmes et les hommes : apprendre à gérer les nouveaux droits des pères salariés
29 octobre 2014
La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes vise à favoriser un partage plus équilibré des responsabilités parentales dès la naissance et permettre aux pères qui souhaitent s’investir auprès de leurs enfants, aussi bien avant leur naissance, par le biais d’autorisations d’absence pour assister aux examens médicaux, qu’après, par le biais d’une protection contre le licenciement.
L’employeur doit rapidement intégrer ces nouveaux droits, qui font l’objet de sanctions dissuasives.
L’octroi de trois autorisations d’absences maximum pour assister à certains examens médicaux obligatoires
La salariée enceinte bénéficie d’autorisations d’absence pour se rendre aux sept examens médicaux prénataux obligatoires prévus par le code de la santé publique. Dorénavant, le conjoint salarié de la femme enceinte ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité (Pacs) ou vivant maritalement avec elle bénéficie également d’une autorisation d’absence pour se rendre à trois de ces examens médicaux obligatoires au maximum (Art. L. 1225-16 C. trav.).
Il faut relever que ce droit, indépendant du lien de filiation, s’appliquera donc même si le compagnon de la mère n’est pas le père de l’enfant.
La rédaction maladroite du texte laisse à penser que les absences du second parent n’entraîneront aucune diminution de la rémunération mais qu’elles ne seront pas assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels au titre de l’ancienneté dans l’entreprise. En effet, pour ces derniers avantages, le texte vise expressément et uniquement «la salariée».
Il semble enfin que l’employeur ne peut s’opposer à cette absence même si elle perturbe le fonctionnement de l’entreprise.
L’interdiction de licencier le second parent pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant
Le nouvel article L. 1225-4-1 du Code du travail étend la protection contre le licenciement de la femme salariée durant les quatre semaines suivant l’expiration de son congé maternité aux pères salariés. Ainsi l’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant, sauf faute grave de l’intéressé ou en cas d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.
L’objectif affiché de cette mesure est avant tout de «protéger les pères souhaitant bénéficier de leur congé de paternité». Toutefois, les moyens mis en œuvre par le législateur semblent disproportionnés au but recherché, dans la mesure où le congé paternité n’est que de onze ou de dix-huit jours consécutifs. De surcroît la rédaction finale du texte conduit à protéger tous les pères même s’ils ne prennent pas de congé de paternité.
La première difficulté consistera à déterminer le bénéficiaire de cette protection puisque celle-ci est accordée au «salarié pendant les quatre semaines suivant la naissance de son enfant». A priori, la protection devrait s’appliquer uniquement au père biologique de l’enfant, dès lors que le projet de loi visait initialement «un homme salarié». Lors des débats, cette formulation a été remplacée par la mention définitive «du salarié», «afin de mettre en conformité la formulation de cet article avec celle habituellement retenue par le code du travail». Toutefois, cette protection ayant pour but de protéger le salarié désirant prendre son congé de paternité, cette dernière pourrait être étendue par la jurisprudence à tous les bénéficiaires du congé de paternité. Or, bénéficient du congé de paternité, en plus du père de l’enfant, le conjoint salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle (Art. L. 1225-35 C.trav.). Une lecture théologique étendrait donc le champ d’application de la protection.
La seconde difficulté potentielle pour l’employeur consistera à avoir connaissance de la naissance de l’enfant et donc de l’existence de la protection. Par analogie avec la protection du conseiller prud’homme ou de l’administrateur d’une caisse de sécurité sociale, la protection du salarié ne pourra vraisemblablement jouer que si ce dernier a informé l’employeur de la naissance de son enfant au plus tard lors de l’entretien préalable ou s’il rapporte la preuve que l’employeur en avait alors connaissance (Cass. soc. 14 septembre 2012, n°11-21.307, Cons. Const. 14 mai 2012, n°2012-242).
La troisième difficulté concerne le décompte du délai de quatre semaines. En effet, il a été récemment jugé que la période de protection de quatre semaines suivant le congé de maternité était suspendue par la prise de congés payés (Cass. soc. 30 avril 2014, n°13-12.321). Dès lors, il est vraisemblable que la prise de congés payés ou d’un congé de paternité durant la période de protection suspendra le délai de quatre semaines.
Ces incertitudes sont d’autant plus importantes que le licenciement irrégulier intervenu pendant cette période de protection sera certainement jugé nul, à l’instar de la sanction applicable au licenciement de la salariée à son retour de congé maternité et pourrait conduire, à une interdiction de soumissionner aux marchés publics.
De nouvelles sanctions en cas de violation des règles relatives à l’égalité homme-femme
Le législateur a créé de nouveaux cas d’interdiction de soumissionner aux marchés publics notamment pour les personnes :
- qui ont fait l’objet depuis moins de cinq ans d’une condamnation définitive pour délit de discrimination (art. 225-1 C. pén.) ou ;
- d’une condamnation pour avoir résilié le contrat de travail d’un salarié en considération de la situation de famille ou ;
- qui n’ont pas respecté l’obligation qui pèse sur les entreprises de plus de 50 salariés, d’engager des négociations annuelles sur les objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
Auteurs
Alain Herrmann, avocat associé en droit social
Mathieu Rodrigues, avocat en droit social
A lire également
La loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle es... 7 janvier 2022 | Pascaline Neymond
La clause de mobilité : où faut-il s’arrêter ?... 15 octobre 2014 | CMS FL
Entreprises en difficulté et redressement judiciaire : comment motiver la remis... 14 octobre 2020 | CMS FL Social
Index égalité professionnelle : état des lieux et perspectives – analys... 24 novembre 2020 | CMS FL Social
Anticorruption : quand la prévention devient obligation... 17 mai 2016 | CMS FL
Les innovations malheureuses de la Loi El Khomri en matière de franchise... 19 juillet 2016 | CMS FL
Se défaire d’une activité non-profitable : l’impossible arbitrage ?... 2 novembre 2016 | CMS FL
L’obligation de reclassement en cas d’inaptitude à tout emploi enfin allég... 5 octobre 2015 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente