Egalité professionnelle : quelle articulation des différentes obligations de négociation et de consultation ?
15 avril 2015
La Loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a réuni en une seule et même négociation annuelle celle relative aux objectifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures permettant de les atteindre, ainsi que la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs visant à définir et programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération.
Bien que cette loi ait procédé à une simplification des obligations en la matière, il n’en demeure pas moins que l’articulation entre les différents dispositifs existants demeure complexe et appelle donc des éclaircissements.
L’obligation annuelle de négociation pour les entreprises de plus de 50 salariés
Aux termes de l’article L. 2242-5 du Code du travail, l’employeur est tenu d’engager chaque année une négociation sur les objectifs d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, ainsi que les mesures permettant de les atteindre en vue de la conclusion d’un accord.
Cette négociation intervient par principe au niveau de l’entreprise. A cet égard, l’existence d’un accord de branche ou de groupe n’a pas vocation à exonérer l’employeur de son obligation. Précisons néanmoins que la négociation peut intervenir au niveau de l’établissement, sous réserve que les organisations syndicales représentatives ne s’y opposent pas et qu’il existe une représentation syndicale au niveau de chacun des établissements. Tous les établissements de l’entreprise devront alors être couverts par un accord d’établissement.
Préalablement à sa conclusion, le projet d’accord est soumis à la consultation du comité d’entreprise.
Les objectifs d’égalité professionnelle contenus dans l’accord collectif doivent s’articuler autour de domaines d’actions comprenant l’embauche, la formation, la promotion professionnelle, la qualification, la classification, les conditions de travail, la sécurité et la santé au travail, la rémunération effective et l’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.
Pour chaque domaine d’action, l’accord fixe les objectifs de progression, programme les actions qui permettront d’atteindre ces objectifs et définit des indicateurs pour suivre ces actions et mesurer le degré de réalisation des objectifs de progression.
La négociation doit s’appuyer sur les éléments figurant dans le rapport sur la situation économique de l’entreprise ou dans le rapport de situation comparée, en fonction de l’effectif de l’entreprise (voir infra).
Dès lors qu’un accord comportant de tels objectifs et mesures a été signé dans l’entreprise, l’obligation de négocier devient triennale. Rappelons toutefois que la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes doit faire l’objet d’un suivi dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires effectifs (NAO).
L’accord doit alors être déposé auprès de la DIRECCTE selon les modalités de droit commun.
Relevons que si les entreprises dont l’effectif est inférieur à 50 salariés n’ont pas l’obligation d’être couvertes par un accord collectif, elles sont tenues, de manière générale, de prendre en compte les objectifs en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et les mesures permettant de les atteindre1.
L’échec des négociations : l’établissement annuel d’un plan d’action unilatéral
Les entreprises de plus de 50 salariés non couvertes par un accord collectif relatif à l’égalité professionnelle ont l’obligation de mettre en place un plan d’action unilatéral. La négociation doit être néanmoins privilégiée en premier lieu.
A défaut d’accord ou de plan unilatéral, l’entreprise est passible d’une pénalité financière correspondant au maximum à 1% de la masse salariale brute2, sous réserve que la société n’ait pas remédié à sa défaillance dans les six mois suivant le constat de carence établi par la DIRECCTE.
En outre, une sanction a été instituée par la Loi du 4 août 2014, à savoir l’interdiction de soumissionner à un marché public ou à une convention de partenariat public-privé s’appliquant aux entreprises qui n’auront pas mis en œuvre la négociation au 31 décembre de l’année précédant le lancement de la procédure d’appel d’offre. Néanmoins, les entreprises ont la faculté de régulariser leur situation ou d’engager les démarches en ce sens jusqu’à la date à laquelle elles soumissionnent.
En l’absence d’accord collectif, la NAO sur les salaires effectifs porte également sur la définition et la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes.
Le plan d’action unilatéral peut être conçu au niveau de l’établissement ou de l’entreprise. Dans ce dernier cas, le plan d’action unilatéral devra être décliné et adapté au niveau de chacun des établissements, avant consultation du comité d’établissement puis transmission au comité central d’entreprise3.
Ce plan d’action unilatéral a exactement le même contenu que l’accord collectif, dont une synthèse est portée à la connaissance des salariés par voie d’affichage sur le lieu de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité dans l’entreprise. La synthèse est également tenue à la disposition de toute personne qui en fait la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un.
Enfin, le plan d’action est déposé auprès de la DIRECCTE dans les mêmes conditions que l’accord collectif.
Relevons enfin qu’indépendamment du plan d’action unilatéral cité ci-avant, l’employeur a l’obligation de présenter chaque année au comité d’entreprise un plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En conséquence, il convient d’être particulièrement vigilant quant au respect des dispositions légales en matière d’égalité professionnelle compte tenu de l’importance des sanctions encourues.
Des obligations différentes en fonction de l’effectif de l’entreprise
- Entreprises de moins de 300 salariés
L’accord collectif ou à défaut, le plan d’action unilatéral, pour les entreprises de moins de 300 salariés, doit porter sur au moins trois des domaines d’action cités plus haut.
Le plan d’action unilatéral doit s’inscrire dans le rapport annuel sur la situation économique de l’entreprise. Ce rapport unique doit être remis tous les ans par l’employeur au comité d’entreprise et porte notamment sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes.
- Entreprises de plus de 300 salariés
L’accord collectif ou, à défaut, le plan d’action unilatéral d’une entreprise comportant un tel effectif doit porter sur au moins quatre des domaines d’action mentionnés ci-dessus.
Le plan d’action unilatéral doit s’inscrire dans le rapport sur la situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes. Ce rapport doit être soumis pour avis au comité d’entreprise ou à défaut aux délégués du personnel. Dans les entreprises comportant des établissements multiples, ce rapport est transmis au comité central d’entreprise.
Pour les entreprises dont l’effectif est supérieur à 300 salariés, l’engagement en premier lieu d’une négociation en vue de la conclusion d’un accord sur l’égalité professionnelle apparaît indispensable. En effet, à défaut de procès-verbal de désaccord joint obligatoirement au plan d’action unilatéral lors du dépôt auprès de l’autorité administrative, l’entreprise encourt la pénalité financière et ce même lorsqu’elle est couverte par un plan d’action unilatéral4.
En définitive donc et si l’on ne peut que souligner les vertus de ces obligations, leur mise en œuvre pratique dans les entreprise s’avère d’une complexité bien éloignée des objectifs de simplification affichés par les pouvoirs publics.
Notes
1 Article L. 1142-5 du Code du travail
2 Article L. 2242-5-1 du Code du travail
3 Circulaire DGT du 28 octobre 2011, point 3.2.
4 Circulaire DGT du 18 janvier 2013
Auteurs
Pierre Bonneau, avocat associé en droit du travail, droit pénal du travail et droit de la protection sociale
Maïté Ollivier, avocat en droit social
*Egalité professionnelle : quelle articulation des différentes obligations de négociation et de consultation ?* – Article paru dans Les Echos Business le 15 avril 2015
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