Economie collaborative : quels revenus échappent à l’impôt ?
Face à l’essor croissant de l’économie collaborative et des revenus générés via des plates-formes en ligne, l’administration fiscale a décidé de clarifier le régime fiscal applicable aux particuliers qui se livrent à cette nouvelle activité. Son instruction, publiée au BOFiP le 30 août 2016, fait le point sur les revenus qui doivent être déclarés par les particuliers et ceux qui sont exonérés d’impôt sur le revenu.
Une exonération limitée aux activités de « co-consommation »
Par principe, les revenus perçus par des particuliers dans le cadre de leurs activités sont imposables à l’impôt sur le revenu.
Toutefois, l’Administration admet désormais formellement ne pas taxer les revenus issus de l’économie collaborative, à condition de respecter les deux conditions cumulatives suivantes :
1/ La première condition concerne la manière dont le contribuable délivre sa prestation : ses revenus doivent provenir de la « co-consommation ». Ce terme, créé spécialement par l’Administration, signifie que le contribuable qui propose un service doit également en bénéficier.
Le covoiturage est donc éligible, tandis que la location de son véhicule en est exclue. Le co-cooking (organisation de repas à domicile avec partage des frais engagés pour les convives) est visé par l’exonération tandis que la préparation de repas à livrer ne l’est pas. Il est également admis d’exonérer l’activité qui consiste à proposer des sorties de plaisance en mer avec d’autres particuliers.
2/ La seconde condition concerne le montant des gains : les revenus exonérés ne doivent pas excéder le « partage des frais ». Il s’agit des coûts directs engagés à l’occasion de la prestation, à l’exclusion de la part du contribuable.
Pour appréhender cette notion de partage de frais, l’Administration présente l’exemple d’un trajet de covoiturage, à ne pas confondre avec des activités de taxi ou de VTC. La quote-part des frais d’essence et de péages engagés pour les passagers est exonérée, contrairement à celle du prestataire-conducteur du véhicule. En pratique, le contribuable devra pouvoir justifier l’itinéraire parcouru ainsi que les frais correspondants ; pour ce faire, l’Administration admet l’application du barème kilométrique forfaitaire.
Sous réserve de respecter ce cadre très précis (et de pouvoir le justifier le cas échéant), le contribuable est exempté de toute obligation déclarative s’agissant de ses revenus collaboratifs.
Des précisions attendues mais jugées sévères par l’écosystème collaboratif
La clarification apportée par Bercy s’inscrit dans sa volonté d’identifier et de tracer les gains croissants générés par l’économie collaborative.
Cet objectif est également à l’origine de l’obligation d’information qui pèse depuis le 1er juillet 2016 sur les sites Internet qui organisent la vente, la location ou le partage d’un bien ou d’un service entre particuliers.
Conformément aux dispositions de l’article 242 bis du CGI (issu de la Loi de finances pour 2016), les plates-formes doivent désormais informer leurs utilisateurs du droit social et fiscal applicable à leurs activités à l’occasion de chaque transaction. Elles doivent également leur transmettre, en janvier de chaque année – et pour la première fois à compter du 1er janvier 2017 – un relevé des recettes réalisées via leur intermédiaire au cours de l’année précédente.
Nul doute que les précisions administratives énoncées plus haut aideront les plates-formes à se conformer à leurs nouvelles obligations, dans l’attente de la publication du décret en Conseil d’Etat qui avait été annoncé dans la Loi de finances pour 2016.
En tout état de cause, les acteurs de l’écosystème collaboratif se montrent aujourd’hui sceptiques quant au champ d’application très limité de l’exonération d’impôt tel que défini par l’administration fiscale.
En effet, il convient de préciser que, dans l’hypothèse où le revenu réalisé par le contribuable dans le cadre de son activité de « co-consommation » excèderait le partage des frais, ce revenu serait imposable au premier euro.
En outre, sont exclues du régime de faveur de très nombreuses activités pratiquées par les particuliers à travers des plates-formes de mise en relation, notamment :
- la vente ou la location de biens entre particuliers (y compris le petit matériel) ;
- la location de voiture entre particuliers ;
- la location de sa résidence principale ou secondaire ;
- les prestations de services entre particuliers (jardinage, bricolage, ménage, baby-sitting, etc.).
S’agissant du covoiturage, on peut souligner que les frais liés à l’acquisition et à l’entretien du véhicule, ainsi que la fraction de carburant et de péage afférente au conducteur, ne peuvent pas bénéficier du régime d’exonération.
En espérant que ces mesures rigoureuses ne viennent pas nuire au développement de cette économie d’avenir, on comprend que la logique soutenue par l’Administration est d’opposer clairement des activités de nature commerciale, en ce qu’elles génèrent un profit taxable, du partage de frais relatif à des dépenses engagées de toute façon.
Auteur
Stéphanie Némarq-Attias, avocat spécialisé en matière d’impôts directs