L’appréciation de la durée du préavis doit tenir compte de la situation de dépendance du partenaire commercial
Par un arrêt du 7 janvier 2015, la cour d’appel de Paris avait condamné la société Saint-Gobain pour avoir mis fin à la relation commerciale qu’elle entretenait avec un distributeur de bouteilles sans avoir recherché si ce dernier était en situation de dépendance économique pour fixer la durée du préavis de rupture (CA Paris, 7 janvier 2015, n°12/17844).
L’article L.442-6 I 5° du Code de commerce prévoit qu’engage la responsabilité de son auteur le fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».
Si la lettre de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce prévoit que l’appréciation de la durée du préavis s’apprécie au regard de la durée de la relation commerciale, il est de jurisprudence constante que d’autres circonstances doivent être prises en compte pour fixer cette durée et notamment l’état de dépendance économique dans laquelle se trouve le partenaire évincé.
C’est ce qu’a confirmé récemment la Cour de cassation (Cass. com., 4 octobre 2016, n°15-14.025).
En l’occurrence, la société Saint-Gobain avait consenti un préavis d’une durée de seize mois pour une relation de seize années alors que les premiers juges l’avaient portée à trente-six mois afin de tenir compte de l’état de dépendance économique du partenaire évincé, au moment de la notification de la rupture.
La Cour rappelle que la dépendance économique résulte notamment de la difficulté pour le distributeur d’obtenir d’autres fournisseurs des produits équivalents dans des conditions économiques comparables. Au cas particulier, l’état de dépendance de la société évincée résultait de la structure du marché du verre de bouteille, caractérisée par le contrôle du duopole Owen-Illinois et Saint-Gobain et de l’existence d’autres fournisseurs trop spécialisés ou disposant d’une gamme peu étendue. La société Saint-Gobain avait l’exclusivité de certaines caractéristiques colorimétriques d’une teinte très appréciée de la clientèle, de sorte que les sources d’approvisionnement de ces produits à un coût satisfaisant étaient limitées. Or, elle représentait, en sa qualité de fournisseur de la société victime, 64% du chiffre d’affaires de celle-ci.
Auteur
Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris