Droit des contrats : une loi de ratification à ne pas négliger !
La ratification de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats (ordonnance du 10 février 2016) est enfin intervenue avec la loi n°2018-287 du 20 avril 2018. Sans avoir l’importance du texte qu’elle ratifie, cette « réforme de la réforme » ne doit pas être négligée. Il suffit de signaler que se trouvent ainsi modifiés voire créés pas moins de 23 articles, la plupart situés dans le Code civil.
Au terme de cet épilogue, on peut regretter que la loi de ratification n’ait pas tranché une des questions les plus délicates suscitées par la réforme : celle de savoir quelles dispositions doivent être considérées comme étant d’ordre public et quelles autres dispositions jugées comme supplétives. On relèvera néanmoins que, parmi les textes considérés sans hésitation comme susceptibles d’être écartés du contrat par une clause adéquate, figure le très fameux article 1195 du Code civil, qui a introduit dans notre droit le mécanisme de l’imprévision.
Précisément, si on s’intéresse maintenant à quelques-unes des règles nouvelles issues de la loi de ratification qu’il faut avoir à l’esprit en matière de private equity, il faut mentionner ce mécanisme de l’imprévision. Le législateur a introduit dans le Code monétaire et financier un nouvel article L.211-40-1, disposant que « l’article 1195 du Code civil n’est pas applicable aux obligations qui résultent d’opérations sur les titres et les contrats financiers mentionnés aux I à III de l’article L.211-1 du présent code ».
Cet aménagement évitera, notamment, que dans les opérations de capital-risque l’exécution des promesses de rachat d’actions soit gênée par le jeu de l’article 1195. Il faut toutefois apporter deux précisions importantes. D’une part, le texte n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er octobre 2018. Autre façon de dire que, pour tous les contrats conclus jusqu’à cette date, il faudra penser à exclure le jeu de l’article 1195, si, du moins, tel est le souhait des parties. D’autre part, la disposition ne vise que « les titres et les contrats financiers » ; ce qui signifie que les opérations de cessions de parts de sociétés à responsabilité limitée, sociétés en nom collectif, sociétés civiles et autres groupements ne seront pas couvertes et qu’il faudra donc continuer à écarter l’article 1195.
Une autre modification importante concerne la définition des contrats d’adhésion, avec dans son sillage la possibilité de solliciter du juge qu’il déclare non écrite toute clause non négociable et prédéterminée d’un tel contrat créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (article 1171). Initialement, le contrat d’adhésion était celui « dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». Cette approche avait été critiquée car elle pouvait entraîner la qualification de contrat d’adhésion dans des cas où aucune négociation n’était effectivement intervenue, alors pourtant qu’une vraie liberté de négociation existait.
Pour limiter ce risque, il est désormais dit que le contrat d’adhésion est celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Peu importe donc que les clauses n’aient pas été négociées, il suffit qu’elles aient été négociables. De même puisque le texte mentionne « un ensemble de clauses », on peut penser que l’absence de négociabilité de quelques clauses isolées ne remettra pas en cause la qualification de contrat de gré à gré ; qualification qui semble être présumée puisque c’est à celui qui entendrait invoquer l’existence d’un déséquilibre significatif de démontrer l’existence de clauses non négociables. Pour se prémunir contre ce risque de requalification, il sera sans doute prudent de ne pas se contenter d’une clause indiquant que tout était négociable, mais de se pré-constituer la preuve (échange de mails, différentes versions en marked-up du contrat) que tel a effectivement été le cas.
Auteur
Arnaud Reygrobellet, of counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre