Droit d’auteur : une nouvelle décision concernant la notion de communication au public et la création de lien hypertexte
Des photographies ont été reproduites sans autorisation de l’auteur sur un site Internet confidentiel, rendu plus facilement accessible à de nombreux internautes par des liens hypertextes édités sur un site Internet plus visité. Le créateur des liens hypertextes a été poursuivi en contrefaçon par les titulaires de droits.
Dans le prolongement de sa jurisprudence Svensson (CJUE, 4e ch., 13 février 2014, C-466/12), la Cour de justice rappelle que trois critères doivent être analysés pour déterminer si les liens hypertextes constituent une nouvelle communication au public susceptible de contrefaire les droits de l’auteur : le concept de public nouveau, la notion de connaissance du caractère protégé de l’œuvre et le caractère lucratif de l’opération.
Par application de ces principes, l’édition d’un lien hypertexte vers une œuvre librement accessible sur Internet, avec le consentement de son auteur, ne constitue pas un nouvel acte de communication au public.
Dans la décision commentée, la Cour de justice précise sa position dans le cas où le titulaire des droits n’aurait pas consenti à la première mise en ligne de son œuvre ou à sa large diffusion, notamment par contournement de la confidentialité d’un site Internet (CJUE, 8 septembre 2016, C-160/15, GS Media BV c/ Sanoma et autres).
Afin d’apprécier si l’édition d’un lien hypertexte constitue un acte de communication au public, la Cour de justice s’attache à vérifier :
- d’une part, si le créateur du lien hypertexte « savait ou devait savoir que le lien hypertexte qu’[il] a placé donne accès à une œuvre illégalement publiée ». La preuve de la connaissance raisonnable se rapporte par tous moyens, et peut, notamment, résulter du fait que le titulaire des droits ait averti celui qui appose le lien ;
- d’autre part, le contexte dans lequel ce lien hypertexte est mis en ligne. Si un but lucratif est poursuivi, la Cour de justice considère qu’il induit la connaissance du caractère illicite de l’accès à l’œuvre, et la contrefaçon pourra être retenue. La Cour de justice ne donne pas de définition du but lucratif. Il ressort de la décision que ce dernier critère n’induit qu’une présomption réfragable de communication au public.
Ces différents critères permettent de mettre en balance les intérêts en présence avec d’une part, le droit d’auteur et, d’autre part, la liberté d’expression et d’information à laquelle les liens hypertextes participent.
Ces critères pourraient heurter la conception traditionnelle française du droit d’auteur, puisque les tribunaux considèrent, de manière constante, que tant le caractère lucratif, que la bonne ou mauvaise foi sont indifférents en matière de contrefaçon civile.
Auteurs
Prudence Cadio, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies