Arrêt sur les dispositions de l’avant-projet de loi « évolution du logement en matière d’aménagement numérique »
L’avant-projet de loi relatif à l’évolution du logement et l’aménagement numérique (ELAN), dont le dépôt au Parlement est prévu au 1er trimestre 2018, s’articule autour de trois axes : construire mieux et moins cher, répondre aux besoins de chacun, favoriser la mixité sociale et améliorer le cadre de vie.
Sur ce dernier point, le Gouvernement entend introduire diverses mesures tendant à faciliter et à accélérer le déploiement de réseaux à très haut débit (THD).
En premier lieu, et pour faciliter le déploiement des pylônes de téléphonie mobile, le projet de texte instaure diverses exceptions à l’obligation de détenir l’accord de l’Architecte des bâtiments de France (ABF) et, le cas échéant, de se conformer à ses prescriptions, pour les demandes d’autorisation ou déclarations préalables de travaux portant sur des immeubles patrimonialement protégés.
Un article L.632-2-1 serait ainsi inséré dans le Code du patrimoine, prévoyant que l’ABF sera consulté, pour avis seulement :
- sur les projets d’antennes-relais de radiotéléphonie mobile et leurs systèmes d’accroche au sol, ainsi que sur leurs locaux ou installations techniques ;
- à propos des immeubles déclarés insalubres à titre irrémédiable en application de l’article L.1331-28 du Code de la santé publique ou ayant fait l’objet d’un arrêté de péril, à l’exception des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques.
En cas de silence de l’ABF dans le délai de deux mois, son avis serait réputé donné.
En deuxième lieu, l’avant-projet de loi complète l’article L.2122-1-3 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) qui comporte diverses exceptions à l’obligation de mise en concurrence des titres d’occupation domaniale, en y insérant le nouvel alinéa suivant :
« 6° Lorsque le titre d’occupation est délivré à un opérateur de réseaux de communications électroniques ouverts au public pour l’installation d’équipements nécessaires au respect d’obligations ou d’engagements pris auprès de l’Etat ou d’une collectivité territoriale portant sur le déploiement de ces réseaux ».
En effet, la question se pose encore de savoir si les titres sollicités par les exploitants d’un réseau ouvert au public sont soumis à l’obligation de mise en concurrence préalable issue de l’ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques.
Deux arguments permettent d’ores et déjà de pencher vers une réponse négative :
- d’une part, s’agissant des opérateurs de réseaux d’initiative publique qui sollicitent l’octroi de droits de passage pour l’exécution d’une convention de délégation de service public dont ils sont titulaires, cette convention a été soumise à une procédure de publicité et de mise en concurrence formalisée ;
- d’autre part, lorsqu’un opérateur souhaite bénéficier de droits de passage pour exploiter son propre réseau, il pourrait lui être fait application du 1° de l’article L.2122-1-3 du CGPPP qui permet de délivrer le titre à l’amiable « lorsqu’une seule personne est en droit d’occuper la dépendance du domaine public en cause ».
Toutefois, faute de position doctrinale ou jurisprudentielle arrêtée sur ce point, le nouveau texte aura le mérite de clarifier l’état du droit et de faciliter l’octroi des permissions de voirie comme des conventions d’occupation domaniale nécessaires au déploiement des réseaux THD (fixes ou mobiles).
En troisième lieu, le projet entend simplifier les modalités de mise en œuvre des servitudes instituées en vue de permettre l’installation, l’exploitation et l’entretien de réseaux de communications électroniques, sur et au-dessus des propriétés privées, y compris à l’extérieur des murs ou des façades, afin notamment de permettre aux opérateurs de déployer plus simplement et plus rapidement leurs câbles optiques aériens.
A ce titre, l’article L.48 du Code des postes et des communications électroniques (CPCE) serait modifié de sorte à prévoir les avancées suivantes :
- la réduction de trois à un mois du délai minimal laissé aux propriétaires et copropriétaires pour formuler leurs observations sur la demande de servitude ;
- la suppression de la condition d’existence d’une servitude ou d’une convention de passage antérieure pour l’obtention d’une nouvelle servitude.
Enfin, le Gouvernement entend modifier l’article L.33-13 du CPCE, pour élargir le champ du contrôle des engagements de déploiement des opérateurs de communications électroniques.
Rappelons qu’à ce jour, cet article est rédigé comme suit : « Le ministre chargé des communications électroniques peut accepter, après avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les engagements, souscrits auprès de lui par les opérateurs, de nature à contribuer à l’aménagement et à la couverture des zones peu denses du territoire par les réseaux de communications électroniques et à favoriser l’accès des opérateurs à ces réseaux.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en contrôle le respect et sanctionne les manquements constatés dans les conditions prévues à l’article L.36-11″.
Face aux retards importants de déploiement des opérateurs en zone d’initiative privée (ou « zone AMII »), l’avant-projet de loi tend à étendre le périmètre géographique du mécanisme de contrôle existant en intégrant les engagements des opérateurs pris sur tout le territoire, y compris en dehors des zones peu denses.
Toutefois, au vu des modifications inscrites dans l’avant-projet de loi et des annonces du Gouvernement en décembre 2017, on comprend que le ministre se fondera sur « les engagements pris devant lui par les opérateurs » sans précision aucune sur les critères d’acceptation (modalités de formalisation, niveau de précision exigé, etc.), ni sur le niveau de sanction (nécessairement dissuasif) encouru par les opérateurs en cas de non-respect de leurs propres engagements.
Or, pour garantir l’effectivité de cet article et le caractère impératif des engagements de déploiement des opérateurs, il conviendrait de préciser le degré de détail des engagements (calendrier de déploiement, périmètre géographique…) et les modalités de souscription de ces engagements (convention, acte unilatéral transmis par courrier…). La fixation a posteriori de ces critères laisserait subsister un doute sur la sincérité de l’objectif recherché.
Il sera ainsi intéressant de suivre les débats parlementaires sur le projet de loi, comme sur la proposition de loi tendant à sécuriser et à encourager les investissements dans les réseaux de communications électroniques déposée au Sénat le 10 novembre 2017.
Auteur
Audrey Maurel, avocat, droit des communications électroniques
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