Diminution progressive du taux normal de l’IS : des conséquences pratiques à anticiper !
La loi de finances pour 2017 prévoit une baisse du taux de l’IS à 28%, appliquée progressivement à l’ensemble des sociétés d’ici 2020 ; une baisse dont plusieurs effets méritent d’être anticipés.
L’article 11 de la loi de finances pour 2017, publiée au JO du 30 décembre 2016, inscrit la fiscalité française dans le sens de la baisse observée dans plusieurs pays européens, dans un contexte de renforcement de l’attractivité fiscale. Ainsi, en moyenne, les pays européens ont diminué de plus de 25% leurs taux d’IS entre 2010 et 2016, et le taux moyen est passé de plus de 32% à 23% en 2016. A titre d’exemple, le taux de l’impôt sur les sociétés est de 12,5% en Irlande, de 20% au Royaume-Uni, de 25% aux Pays-Bas et en moyenne de 30% en Allemagne.
En France, le taux d’imposition s’élève à près de 34,43% en tenant compte de l’IS au taux de 33,33% et de la contribution sociale de 3,3% de l’IS1. Ce taux serait ramené à 28,924% en tenant compte d’un l’IS au taux de 28% et de la contribution sociale.
Dans le cadre de cette course à l’attractivité fiscale, cette diminution du taux de l’IS apparaît comme d’autant plus nécessaire au vu de la relance par la Commission européenne de son projet d’harmonisation des règles d’assiette d’impôt sur les bénéfices au sein de l’Union européenne2.
Tour d’horizon du dispositif et de ses principales conséquences :
1. Calendrier d’application
Pour l’exercice 2017, seules les PME pourront bénéficier du taux de 28% qui, à ce stade, ne s’appliquera que jusqu’à 75 000 euros de bénéfices, le taux de 33,1/3% restant applicable au-delà. En pratique, sont à distinguer :
- Les PME qui bénéficient déjà du taux réduit de 15% sur la fraction de leur bénéfice ne dépassant pas 38 120 euros (CGI, art. 219, I-b) : l’économie représentera au maximum 1 967 euros (montant qui correspond à la baisse de taux de 33,1/3% à 28% sur la fraction de bénéfices entre 38 120 et 75 000 euros).
- Les autres PME, qui répondent aux critères européens3 des PME définis à l’annexe I du règlement UE n°651/2014 mais pas aux conditions plus strictes posées pour bénéficier du taux de 15% : l’économie représentera pour elles jusqu’à 4 000 euros (montant qui correspond à la baisse de taux de 33,1/3% à 28% sur la fraction de bénéfices jusqu’à 75 000 euros).
Pour l’exercice 2018, la loi étend à l’ensemble des entreprises -même non PME- l’application du taux de 28%, qui s’appliquera à ce stade dans la limite de 500 000 euros de bénéfices. L’économie pourra ainsi représenter jusqu’à 26 650 euros (montant qui correspond à la baisse de taux de 33,1/3% à 28% sur la fraction de bénéfices jusqu’à 500 000 euros).
Pour l’exercice 2019, une distinction devra être faite en fonction du chiffre d’affaires (CA) des entreprises :
- les sociétés réalisant plus d’un milliard d’euros de CA (consolidé dans les groupes intégrés) continueront à bénéficier du même barème de taux que pour l’exercice 2018, et donc d’une économie comparable et plafonnée à 26 650 euros ;
- les entreprises réalisant jusqu’à un milliard d’euros de CA bénéficieront du taux de 28% sur l’intégralité de leur bénéfice imposable (c’est-à-dire sans limitation aux seuls 500 000 premiers euros de bénéfices), de sorte que l’économie pourra être nettement plus significative. Ainsi une entreprise qui réaliserait un bénéfice imposable de 32 millions d’euros, par exemple, serait redevable d’un impôt sur les sociétés de 8 400 000 euros (au lieu de 10 000 000 euros avec le taux de 33,1/3%).
À compter de l’exercice 2020, le taux normal de l’IS de 33,1/3% laissera définitivement place au nouveau taux normal de 28%, représentant une diminution de taux de 16%, et donc une diminution comparable de la charge fiscale.
Notons également qu’à compter de l’exercice 2019, le champ d’application du taux réduit de l’IS de 15% (applicable à la fraction de bénéfice ne dépassant pas 38 120 euros) sera plus large : il s’appliquera aux entreprises qui réalisent un CA inférieur à 50 millions d’euros et qui sont détenues pour 75% au moins par des personnes physiques (ou par des sociétés respectant les mêmes conditions de chiffre d’affaires et de détention).
2. Revue des principales autres conséquences à anticiper
La baisse du taux de l’IS devrait entraîner un accroissement mécanique de la contribution sociale de 3,3% qui est calculée sur l’IS.
La baisse de l’IS entraînera aussi, mécaniquement, une hausse de la réserve de participation, cette dernière étant calculée à partir du bénéfice de l’exercice, duquel est retranché l’IS correspondant.
Du point de vue de certains mécanismes « anti-abus »
L’article 209 B I, 1° du CGI prévoit que lorsqu’une personne morale établie en France et passible de l‘IS exploite une entreprise hors de France ou détient directement ou indirectement plus de 50% des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique établie ou constituée hors de France et que cette entreprise ou entité juridique est soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du CGI, les résultats bénéficiaires de cette entreprise ou entité juridique sont imposables à l’impôt sur les sociétés en France. Un régime fiscal est considéré comme privilégié, au sens de l’article 238 A du CGI, dès lors que le montant des impôts sur les bénéfices ou sur les revenus auxquels est soumise la structure est inférieur de plus de la moitié à celui dont elle aurait été redevable en France dans les conditions de droit commun.
En application de l’article 212 I b du CGI, les intérêts servis à des entreprises liées ne sont admis en déduction que si l’entreprise qui les a versés démontre, à la demande de l’administration, que l’entreprise prêteuse liée est, au titre de l’exercice en cours, assujettie à raison de ces mêmes intérêts à un impôt sur le revenu ou sur le bénéfice dont le montant est au moins égal au quart de l’impôt sur les bénéfices déterminé dans les conditions de droit commun.
Pour l’application des dispositifs visés aux articles 209 B I, 1° et 212 I b du CGI, l’impôt sur les bénéfices de référence comprend, d’après les commentaires administratifs, l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun et les contributions additionnelles.
Du point de vue de l’intégration fiscale
La baisse envisagée devrait avoir des conséquences du point de vue de l’intégration fiscale. Pour l’exercice 2018, le taux d’IS de 28% s’appliquerait en effet pour l’ensemble des entreprises dans la limite d’un résultat fiscal de 500 000 euros (résultat fiscal d’ensemble dans les groupes intégrés). En 2019, le dispositif distingue les entreprises en fonction de leur chiffre d’affaires, fixant pour ce dernier un seuil de 1 milliard d’euros (CA consolidé dans les groupes intégrés).
Dans ce contexte, il conviendra d’être attentif, en 2018 et en 2019, à l’opportunité de la présence ou non (à l’entrée ou à la sortie) de certaines sociétés dans l’intégration, afin de ne pas franchir le seuil de 500 000 euros de résultat fiscal en 2018, ou de 1 milliard d’euros de CA en 2019.
Par ailleurs, et bien que le principe de liberté en matière de répartition d’impôt dans l’intégration fiscale ait été récemment réaffirmé par le Conseil d’Etat (CE, 13 octobre 2016, n°388410, SA SAFRAN), il n’en demeure pas moins que cette répartition ne doit pas conduire à porter atteinte à l’intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou actionnaires minoritaires (CE, 12 mars 2010, n°328424, Wolseley Centers France). Partant, les filiales intégrées qui auraient été soumises individuellement à un IS au taux de 28% ne devront pas, selon nous, dans le contexte où le groupe serait quant à lui soumis à un IS au taux de 33,33%, supporter une charge d’impôt supérieure à celle qu’elles auraient supportée en l’absence d’intégration fiscale (en l’absence de tolérance administrative énoncée à ce stade, à l’instar de la tolérance énoncée par la doctrine administrative BOI-IS-GPE-30-30-10 n°290 en ce qui concerne les contributions additionnelles à l’impôt sur les sociétés).
Du point de vue des impôts différés
Un impact est à noter du point de vue des impôts différés dès lors que, tant en normes françaises (CRC 99-02) qu’en normes IFRS (IAS 12), les actifs et passifs d’impôts différés doivent être évalués selon la méthode du report variable, c’est-à-dire en utilisant le taux d’impôt et les règles fiscales en vigueur à la clôture de l’exercice et qui seront applicables lorsque la différence future – l’économie ou la charge future d’impôt – se réalisera (règlement CRC n°99-02). Le taux d’imposition résultant de la loi nouvelle doit être pris en compte dans les états financiers pour l’évaluation des impôts différés à la date de clôture du 31 décembre 2016 dès lors que la loi est en vigueur à cette date. Ainsi, les impôts différés devront être calculés en tenant compte du taux d’imposition applicable à l’exercice de réalisation de l’imposition future.
Notes
1 L’IS au taux de 33,33% est augmenté de la contribution sociale de 3,3% de l’IS (après application d’un abattement annuel de 763.000 €) visée à l’article 235 ter ZC du CGI. Il convient de rappeler que l’imposition globale atteignait encore 38%, pour les grandes entreprises, après prise en compte de la contribution additionnelle à l’IS prévue par l’article 235 ter ZAA du CGI (qui a cessé de s’appliquer pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2016).
2 Projet ACCIS – proposition de directive COM (2016) 686 final présentée le 25 octobre 2016.
3 Les entreprises autonomes qui ont un chiffre d’affaires (CA) annuel inférieur à 50 millions d’euros (ou dont le bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros) sont des PME au sens du droit de l’Union européenne, si elles emploient moins de 250 salariés.
Auteurs
Christophe Leclère, avocat en fiscalité directe
Guillaume Duchene, avocat, droit fiscal