Déséquilibre significatif : confirmation de la condamnation d’une enseigne de la grande distribution à une restitution de 61 millions d’euros
En seulement quelques mois, la Cour de cassation a rendu trois arrêts, les 4 octobre 2016 (voir notamment notre article sur LEXplicite), 25 janvier 2017 et du 26 avril 2017 confirmant les condamnations d’enseignes de la grande distribution pour avoir soumis leurs fournisseurs à un déséquilibre significatif.
C’est ainsi que dans son arrêt du 25 janvier 2017, la Cour de cassation a approuvé l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er juillet 2015 qui avait condamné la société GALEC- groupement d’achat des centres Leclerc (Cass. com., 25 janvier 2017, n°15-23.547).
Plus précisément, le déséquilibre significatif condamné dans cette affaire portait sur le versement d’une ristourne de fin d’année (RFA) prévue par la convention unique conclue entre le GALEC et ses fournisseurs en application de l’article L.441-7 du Code de commerce.
Selon les juges parisiens, ces RFA ne correspondaient à aucune contrepartie réelle et étaient payées de surcroît par un système d’acomptes réglés dans un délai plus court que celui des marchandises.
Parmi les différents moyens du pourvoi invoqués pour tenter d’obtenir la cassation de l’arrêt d’appel, deux retiennent plus particulièrement l’attention en ce qu’ils critiquaient directement la possibilité pour le juge de caractériser un déséquilibre significatif résultant d’une RFA qui, selon les termes du pourvoi, constitue une « simple réduction du prix » :
- le premier affirmait que la décision n°2010-85 du 13 janvier 2011 du Conseil constitutionnel avait considéré que la notion de déséquilibre significatif était suffisamment précise au regard du principe de la légalité des délits et des peines dans la mesure où elle figurait déjà dans le Code de la Consommation au titre de la prohibition des clauses abusives. Or, l’article L.212-1 du Code de la consommation dispose que l’appréciation du caractère abusif des clauses ne peut pas porter sur l’adéquation du prix au bien vendu.
Cet argument est cependant rejeté par la Cour de cassation pour laquelle les « similitudes » entre les deux notions n’excluent pas qu’il « puisse exister entre elles des différences de régime tenant aux objectifs poursuivis par le législateur dans chacun des domaines ». En l’occurrence, les juges relèvent que les personnes protégées par ces deux textes ne sont pas les mêmes et que l’interdiction de contrôler le prix posée par le Code de la consommation n’a pas été reprise dans le Code de commerce ; - le second reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré que la RFA devait avoir pour cause une obligation prise par le distributeur à l’égard du fournisseur alors que la loi LME du 4 août 2008 a instauré le principe de libre négociabilité des prix et supprimé l’obligation de justifier toute réduction du prix du fournisseur par l’existence d’une contrepartie.
Ce second moyen est également rejeté au motif que l’article L.441-7 du Code de commerce impose aux parties de formaliser leurs négociations dans une convention écrite qui doit « permettre à l’administration d’exercer un contrôle a posteriori sur la négociation commerciale et sur les engagements pris par les cocontractants ». La Cour de cassation considère ainsi que le principe de la libre négociabilité n’est pas sans limite et que l’absence de contrepartie ou de justification aux obligations prises par les cocontractants peut être sanctionnée sur le fondement de l’article L.442-6, I 2° du Code de commerce.
Enfin, selon la Cour de cassation, ce n’est pas le niveau des prix consentis qui fonde le déséquilibre significatif en l’espèce mais le mécanisme de mise en œuvre d’une ristourne de fin d’année.
L’arrêt du 25 janvier 2017 a un impact considérable sur le GALEC puisqu’il confirme que ce dernier doit rembourser 61 millions d’euros au Trésor public, à charge pour ce dernier de les restituer aux fournisseurs ayant supporté la RFA litigieuse.
Auteur
Vincent Lorieul, avocat , droit de la concurrence et de la distribution