Déficits en report : quelle portée donner à l’arrêt Serena Caoutchouc ?
Le Conseil d’Etat vient de se prononcer (CE 25 octobre 2017 n°401403 Serena Caoutchouc) dans une affaire dans laquelle une société souhaitait bénéficier, sur agrément et en vertu de l’article 209, II du Code Général des Impôts (CGI), du transfert à son profit des déficits en report d’une filiale dont elle avait repris l’activité à la suite d’une dissolution sans liquidation. L’administration refusait ce transfert au motif, notamment, que l’activité de la société dissoute avait subi des changements significatifs au cours d’exercices antérieurs à l’opération.
La décision précise, entre autres sujets, qu’il convient d’examiner la seule activité à l’origine des déficits dont le transfert est demandé – et non l’activité globale de la société dissoute – pour déterminer si un changement significatif de ladite activité s’oppose au transfert des déficits.
La question peut se poser de savoir si la règle applicable en cas de cessation d’activité par changement d’activité réelle, entraînant en principe la perte de l’ensemble des déficits en report (article 221, 5 du CGI) ne devrait pas être interprétée en retenant le même raisonnement. La réponse est délicate car le texte de l’article 221, 5 n’est pas rédigé de la même façon que celui de l’article 209.
Il n’en demeure pas moins que les dispositions de l’article 221,5 peuvent s’avérer sévères puisque, à l’heure actuelle, les entreprises concernées par ce type de situation sont contraintes, pour éviter que certaines opérations d’adjonction ou d’abandon d’activités n’emportent cessation d’entreprise, de demander un agrément en démontrant qu’elles sont indispensables à la poursuite de l’activité à l’origine des déficits et à la pérennité des emplois (article 221, 5-c du CGI).
Toutefois, et nous l’avions déjà indiqué dans ces colonnes (Option Finance du 24 juin 2013), il semblerait équitable de prévoir, et ce dans tous les cas, que si l’entreprise est en mesure d’identifier précisément l’origine du déficit en report, elle devrait pouvoir continuer de reporter la fraction du déficit correspondant à l’activité préexistante et maintenue sur les bénéfices futurs résultant de cette même activité. Cette solution mériterait d’être inscrite clairement dans les textes et nous ne pouvons qu’inciter les entreprises à se doter d’outils leur permettant d’assurer le suivi de leurs résultats par activité pour le cas où une telle modification textuelle interviendrait.
Auteur
Stéphanie Riou-Bernard, avocat en droit fiscal