Culpabilité d’un dirigeant selon l’AMF et non-lieu au pénal : les décisions sont-elles conciliables ?
A la suite de l’introduction en Bourse de la société Gemalto, l’un de ses dirigeants avait été sanctionné par la commission des sanctions de l’AMF le 10 novembre 2005, pour violation des règles d’information du public contenues dans le règlement général. Il lui était reproché d’avoir publié un document de référence mentionnant des informations erronées sur les conditions de prêts qu’il avait lui-même reçues d’une filiale de la société.
La cour d’appel de Paris a confirmé cette sanction par un arrêt du 20 mars 2007. Par la suite, ce dirigeant a été le sujet d’une instruction pénale pour délit de diffusion d’informations fausses ou trompeuses sur la situation de la société Gemalto. Le 24 janvier 2011, la juridiction d’instruction de Paris a estimé qu’il n’y avait pas lieu de le poursuivre sur le terrain de ce délit, faute de preuves de la connaissance, par lui, du caractère erroné des informations qu’il avait publiées.
Le dirigeant a estimé que ces deux décisions étaient contraires et demandait donc l’annulation de la première.
En somme, peut-on administrativement reprocher à un dirigeant d’avoir publié un document de référence comportant des informations erronées sur des prêts qui lui avaient été consentis et, en même temps, renoncer à le poursuivre pénalement pour diffusion de fausses informations au public ?
Oui, a répondu la Cour de cassation (Cass. civ. 2e, 10 janv. 2013, n°12-30.106), dès lors que « les deux décisions ne sont pas inconciliables dans leur exécution ». La solution est constante : pour obtenir l’annulation de décisions estimées contraires, il importe peu de montrer qu’il a été statué différemment sur les mêmes faits ; seul compte le fait que celles-ci sont inconciliables dans leur exécution.
Dans cette affaire, l’exécution de la décision de l’AMF était possible, même en présence de l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction les deux décisions n’étaient donc pas inconciliables dans leur exécution.
Cela étant, ici, le dirigeant a été poursuivi à deux reprises. Il aurait donc pu être condamné deux fois pour le même agissement. Cela doit-il surprendre ? A priori non, car le droit français admet depuis longtemps qu’une même personne peut être poursuivie et sanctionnée à deux reprises pour les mêmes faits, à la fois par une juridiction pénale et par une autorité administrative. Le cumul des poursuites et des éventuelles sanctions était donc ici tout à fait possible. Il reste que si le dirigeant avait été condamné au pénal, le montant global des sanctions prononcées n’aurait pas pu dépasser le montant le plus élevé des sanctions encourues à l’époque des faits.
A propos de l’auteur
Christophe Blondeau, avocat associé. Il traite plus spécifiquement des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity. Il couvre l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles notamment dans le secteur immobilier.
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 6 mai 2013
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