Convention de la Haye sur les accords d’élection de for : enjeux et perspectives pour les entreprises européennes
Le 11 juin 2015, l’Union européenne a approuvé la Convention de la Haye du 30 juin 2005 sur les accords d’élection de for (la « Convention de la Haye« ) avec une entrée en vigueur fixée au 1er octobre 2015.
Les accords d’élection de for (ou clauses attributives de juridiction) sont les stipulations par lesquelles les parties à un contrat décident de soumettre à la compétence d’une juridiction désignée tout litige relatif à ce contrat. À titre d’exemple, en matière de financements internationaux, l’enjeu de la juridiction compétente répond classiquement aux préoccupations de coûts et d’exécution. L’emprunteur favorisera la compétence des juridictions de son siège afin de s’épargner, en cas de litige, les coûts importants que représente un contentieux à l’étranger. Le prêteur, outre le coût du litige, souhaitera pouvoir saisir les juridictions du lieu où se situent les actifs de l’emprunteur. En effet, une décision de justice n’a de valeur effective que lorsqu’elle peut être reconnue et exécutée au lieu où se trouvent les actifs saisissables de l’emprunteur.
Les clauses attributives de juridiction, puis la reconnaissance des décisions qui en découlent, constituent donc un élément majeur dans la négociation des contrats internationaux puisqu’elles garantissent la prévisibilité juridique en cas de litige. .. A ce titre, elles peuvent faire l’objet d’intenses négociations. Dès l’évaluation des risques à laquelle procède toute partie à un contrat international, ce paramètre doit être pris en compte. Aussi, lorsqu’une juridiction est désignée par un accord d’élection de for, les parties doivent être assurées que seule cette juridiction sera fondée à connaitre de l’affaire en cas de litige et que la décision en résultant sera reconnue et exécutée à l’étranger.
En droit européen, les clauses attributives de juridiction sont régies par les dispositions du règlement UE n°1215/2012 (dit « Règlement Bruxelles I bis« ) qui a succédé le 10 janvier 2015 au règlement Bruxelles I. Cet instrument assure au sein de l’Union européenne l’efficacité des clauses attributives de juridiction ainsi que la reconnaissance et l’exécution des jugements des autres États membres de l’Union européenne en supprimant l’exequatur entre les États membres. Des difficultés peuvent toutefois survenir en dehors des frontières de l’Union européenne.
L’objectif de la Convention de la Haye est précisément d’y remédier. L’ambition affichée est de reproduire, en matière de conventions d’élection de for, l’œuvre de la Convention de New York du 10 juin 1958 régissant les conventions d’arbitrage1. En pratique, la Convention de la Haye garantit aux entreprises de l’Union européenne que les clauses juridictionnelles désignant la juridiction d’un État contractant (ayant ratifié la Convention de la Haye) seront respectées et que tout jugement rendu par un tribunal au sein d’un État contractant sera reconnu et exécuté dans les autres États contractants. Il convient de préciser que la Convention de la Haye s’appliquera à tout accord exclusif d’élection de for, désignant la juridiction d’un État contractant, conclu en matière civile et commerciale, à l’exception de certaines matières dont les contrats de transport et les contrats conclus avec un consommateur.
En l’état actuel du processus d’adhésion, la Convention de la Haye liera tous les États membres de l’Union européenne (à l’exception du Danemark) ainsi que le Mexique. Les États-Unis et Singapour y ont déjà apposé leur signature mais ne l’ont pas encore ratifiée. L’approbation par l’Union européenne devrait entrainer dans son sillage celle de ses principaux partenaires commerciaux. L’adhésion des États-Unis, de Singapour et peut-être de l’Australie en ferait une convention internationale importante à l’aune de laquelle seraient jugées les clauses attributives de juridiction prévues dans les contrats internationaux et destinées à trancher le fond du litige (par opposition aux mesures provisoires et conservatoires qui ne sont pas régies par la Convention de la Haye).
Au fil des ratifications à venir, l’intérêt de cet instrument ne fera que croître et favorisera l’essor du commerce international en renforçant la prévisibilité et la sécurité juridique, indispensables composantes de son développement. Le tout dans l’intérêt bien compris des entreprises européennes.
Note
1. Rapport Hartley-Dogauchi sur la Convention de la Haye de 2005, n°1 p. 30 / 790
Auteurs
Stéphanie de Giovanni, avocat en droit de la distribution et contrats internationaux.
Benjamin Guilleminot, avocat, responsable Financements Structurés