Contrôle Urssaf : un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ?
3 février 2015
Parmi les nouveautés de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 figure pour le cotisant la faculté, très encadrée, de conclure une transaction avec les organismes de sécurité sociale.
Selon les dispositions de l’article 2044 du Code civil, une transaction se définit comme «un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître».
En matière fiscale, la transaction fait depuis longtemps l’objet de dispositions spécifiques qui permettent à l’Administration d’accorder sur la demande du contribuable, par voie de transaction, une atténuation d’amendes fiscales ou de majorations d’impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s’ajoutent ne sont pas définitives (cf. article L 247 du Livre des procédures fiscales).
Il n’existait pas d’équivalent dans le Code de la sécurité sociale. C’est chose faite à présent.
La nouvelle procédure en matière de cotisations de sécurité sociale s’inscrit, comme exposé dans le projet de loi, dans une série de mesures -parmi lesquelles figure également la limitation de la durée des contrôles Urssaf pour les petites entreprises- supposées instaurer une relation de confiance entre les entreprises et les organismes de contrôle ainsi qu’un équilibre des droits et obligations des deux parties :
«Il s’agit de formaliser des engagements réciproques qui permettront d’améliorer tant la sécurité juridique que l’efficacité du recouvrement. Les cotisants gagneront en sécurité juridique par la limitation des délais des contrôles et l’encadrement des transactions pouvant être conclues avec les organismes.»
Ce n’est que la pratique -et l’esprit qui présidera aux négociations de telles transactions- qui permettra de dire si cet objectif est atteint et si les entreprises ont un intérêt à s’engager dans cette voie. Le choix de s’engager dans une voie transactionnelle dépendra également bien entendu des caractéristiques propres à chaque cas d’espèce.
A noter que les nouvelles dispositions du Code de la sécurité sociale sont impératives puisque toute transaction devra, à peine de nullité, respecter les conditions de fond et la procédure édictées par l’article L 243-6-5 précité et les textes qui seront pris pour son application.
Trois thèmes seulement peuvent faire l’objet d’une transaction.
La transaction ne peut porter, pour une période limitée à quatre ans –cette période de quatre années se justifie par le fait qu’un contrôle porte en principe sur trois années plus l’année en cours-, que sur :
- le montant des majorations de retard et les pénalités, notamment celles appliquées en cas de production tardive ou d’inexactitude des déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales ;
- l’évaluation d’éléments d’assiette des cotisations ou contributions dues relative aux avantages en nature, aux avantages en argent et aux frais professionnels, lorsque l’évaluation présente une difficulté particulière ;
- les montants de redressements calculés en application soit de méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation, soit d’une fixation forfaitaire du fait de l’insuffisance ou du caractère inexploitable des documents administratifs et comptables.
Ce qui ne peut en aucun cas faire l’objet d’une transaction : toute possibilité de transiger est exclue en cas de travail dissimulé ou lorsque le cotisant a mis en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle.
A quel moment peut-on transiger ? La loi prévoit que :
- les sommes dues ne doivent pas avoir un caractère définitif ;
- la possibilité de conclure une transaction sur un ou plusieurs chefs de redressements faisant suite à un contrôle et faisant l’objet d’un recours devant la commission de recours amiable de l’organisme de recouvrement est suspendue à compter de la date de ce recours et jusqu’à la date de la décision de cette commission. Cette possibilité n’est rétablie à l’issue de cette période qu’une fois saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale.
En d’autres termes, la conclusion d’une transaction peut intervenir en dehors de tout contrôle ou dans le cadre de celui-ci mais dans ce dernier cas, la transaction peut être conclue avant que la commission de recours amiable ne soit saisie ou après la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale.
En pratique, l’entreprise devra toujours veiller à ne se priver d’aucune voie de recours tant que la transaction n’est pas conclue.
Avec qui ? La loi donne compétence au directeur de l’Urssaf. Des dispositions réglementaires devraient préciser si, au-delà d’une certaine somme, l’ACCOS doit être saisie pour accord.
Une approbation nécessaire : la transaction devient définitive après accomplissement des obligations qu’elle prévoit et approbation de l’autorité compétente de l’Etat définie par voie réglementaire.
Portée : lorsqu’une transaction a été régulièrement conclue, plus aucune procédure contentieuse ne peut être engagée ou reprise pour remettre en cause l’objet de la transaction. Elle pourra toutefois, sur le fondement des dispositions du Code civil, être rescindée en cas d’erreur sur la personne ou sur l’objet de la contestation ou encore en cas de dol ou de violence. En outre, toujours selon les dispositions du Code civil, «la transaction faite sur pièces qui depuis ont été reconnues fausses est entièrement nulle».
La transaction conclue par le directeur de l’Urssaf engage l’organisme de recouvrement. Au-delà, le texte permet au cotisant de pouvoir s’en prévaloir auprès de son nouvel organisme de recouvrement en cas de changement d’implantation géographique.
Suivi : le directeur de l’Urssaf doit rendre compte le 30 juin de chaque année des transactions conclues l’année précédente.
Entrée en vigueur : ces dispositions s’appliqueront aux transactions conclues à compter d’une date fixée par un décret en Conseil d’Etat et au plus tard le 1er octobre 2015.
Auteur
Carole Rometti, avocat en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale.
« Contrôle Urssaf : un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès ? » est paru dans Les Echos Business le 2 février 2015
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