Consultation d’e-mails par l’employeur: rappel des principes
11 mai 2017
Les salariés estiment souvent que les e-mails qu’ils envoient ou qu’ils reçoivent sur leur lieu de travail restent confidentiels et ne peuvent être lus par l’employeur, quand bien même ils apparaissent sur l’ordinateur mis à leur disposition par ce dernier. A l’inverse, les employeurs considèrent fréquemment que dès lors qu’ils mettent un ordinateur à la disposition des salariés, ils disposent de la plus grande latitude pour consulter les e-mails émis ou reçus par ceux-ci.
C’est donc ici l’occasion de rappeler quelques principes simples. Il sera fait la distinction entre les messages et e-mails de nature professionnelle et ceux revêtant un caractère personnel.
1. Les messages et e-mails d’ordre professionnel
Les fichiers créés par un salarié à l’aide de l’ordinateur mis à sa disposition par l’employeur ainsi que les e-mails qu’il adresse ou reçoit sur ce même outil informatique, pour les besoins de son travail, sont présumés par principe avoir un caractère professionnel. L’employeur peut donc, normalement, les consulter librement (Cass. soc., 15 décembre 2010 ; Cass. Soc., 26 juin 2012).
L’employeur peut également faire constater par un huissier de justice, lorsqu’ils ne sont pas identifiés comme personnels, les e-mails provenant de la messagerie électronique mise à la disposition du salarié par l’entreprise (Cass. soc., 16 mai 2013) ou contrôler, hors la présence du salarié, les courriels et fichiers que le salarié a transférés sur son ordinateur de travail, à condition là encore qu’ils ne soient pas considérés comme personnels (Cass. soc. 19 juin 2013). La Haute cour a jugé également qu’une clé USB personnelle, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, est présumée utilisée à des fins professionnelles. L’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient (Cass. soc., 12 février 2013).
Au plan des principes, dès lors que l’e-mail a été envoyé ou reçu par le salarié au temps et au lieu de travail, et que son contenu est en rapport avec l’activité professionnelle, il est présumé revêtir un caractère professionnel. En tant que de besoin, l’employeur peut s’en prévaloir, notamment pour justifier une procédure disciplinaire ou un licenciement.
2. Les messages et e-mails d’ordre personnel
Les principes ci-dessus évoqués trouvent leur limite lorsque l’on se trouve en présence de messages ou d’e-mails de nature personnelle, ou si ces messages ont été émis ou reçus depuis la messagerie personnelle du salarié. Etant précisé que, pour ce faire, le caractère personnel des e-mails ou messages doit être apparent ou explicite (il a par exemple été jugé le 10 mai 2012 que la seule dénomination « mes documents » donnée à un fichier créé par un salarié sur son ordinateur professionnel ne lui confère pas un caractère personnel).
Depuis l’arrêt Nikon du 2 octobre 2001, on sait que l’employeur ne peut prendre connaissance des messages personnels d’un salarié sous peine de porter atteinte à la vie privée de celui-ci et au principe du secret des correspondances.
De cette règle, on peut tirer les enseignements suivants :
- les e-mails, messages ou fichiers clairement identifiés par le salarié comme étant personnels ou privés ne peuvent être consultés par l’employeur, surtout hors la présence du salarié (Cass. soc., 17 mai 2005) ;
- l’employeur ne peut pas consulter les e-mails provenant de l’adresse personnelle du salarié, de telle sorte que les e-mails figurant dans la messagerie personnelle d’un salarié ne peuvent être produits en justice par l’employeur (Cass. soc., 26 janvier 2016), y compris si la messagerie personnelle du salarié est accessible sur l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise (Cass. soc., 7 avril 2016).
Nonobstant ce qui vient d’être dit, les salariés doivent faire preuve de mesure et ne doivent pas oublier que l’ordinateur qui est mis à leur disposition pour l’exercice de leurs fonctions reste la propriété de l’entreprise. Ils doivent autant que possible limiter l’usage personnel de l’outil informatique, singulièrement lorsque les messages ou e-mails « privés » qu’ils sont amenés à émettre ou à réceptionner sont injurieux ou insultants à l’endroit de l’employeur ou de managers, ou contiennent des informations susceptibles de porter atteinte aux intérêts de l’entreprise qui les emploie. Il ne s’agit alors plus de règles de droit, mais tout simplement de bon sens.
Auteur
Rodolphe Olivier, avocat associé en droit social
Consultation d’e-mails par l’employeur : rappel des principes – Article paru dans L’UsineDigitale le 11 mai 2017
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