Commercialisation et FIA, faut-il redéfinir la notion de placement ?
Dans la continuité du programme d’adaptation de sa réglementation à la directive AIFM, l’AMF a récemment mis à jour son Instruction 2008-04 (l’«Instruction») sur les règles de bonne conduite lors de la commercialisation de parts ou actions d’OPCVM ou de fonds d’investissement alternatifs («FIA»)(1).
A cet égard, la faculté offerte, en application de la directive AIFM, aux gérants de FIA («GFIA») de commercialiser les titres émis par les véhicules dont ils assument la gestion amène (à nouveau) à s’interroger sur le périmètre de l’activité de placement.
Le placement, qui se définit comme la recherche de souscripteurs ou d’acheteurs pour le compte d’un émetteur ou d’un vendeur de titres financiers, est un service d’investissement couvert par la directive MIF. Son périmètre a fait l’objet d’interprétations par les régulateurs français et européens. Ainsi, le FAQ de la Commission européenne sur la directive MIF a précisé que cette activité n’était pas applicable à la commercialisation d’OPCVM(2).
En France, la pratique s’est saisie avec soulagement de la position 2012-08 de l’AMF en matière de commercialisation de produits financiers en vertu de laquelle, la présentation par un conseiller en investissement financiers («CIF») de parts ou actions d’OPC (au sens de la réglementation existante avant la transposition de la directive AIFM) et/ou de titres de créances structurés émis par des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement dont le siège est situé dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, ne serait pas constitutive d’une activité de placement dès lors que le CIF ne prendrait aucun engagement sur un montant de souscription de titres par ses clients(3).
Aujourd’hui, il est permis de s’interroger sur les limites de ces deux interprétations à l’aune de la directive AIFM : en effet, un GFIA conduit-il une activité de placement, et requiert-il par conséquent un agrément pour cette activité, à l’occasion de la commercialisation des titres émis par un FIA dont il assume la gestion ?
Tout d’abord, la position 2012-08 ne semble viser que les FIA de droit français.
En outre, dans le cas des FIA par nature(4), la pratique antérieure (par exemple celle concernant la distribution de parts de SCPI) et les interprétations précitées devraient conduire à considérer que par essence, un GFIA ne requiert pas d’agrément pour conduire des activités de placement s’agissant de la commercialisation des FIA par nature dont il assume la gestion.
S’agissant des FIA par objet dont le GFIA est également le représentant légal, la «confusion» entre la personne juridique des FIA et celle du GFIA lorsque ce dernier recherche des investisseurs pour le compte de ces véhicules permet d’exclure une relation d’intermédiation caractérisant le placement.
En revanche, dès lors que le GFIA limite son activité à la seule gestion des actifs d’un FIA par objet sans en être le représentant légal, l’absence de confusion entre leur personnalité juridique à l’occasion de la distribution des titres des FIA ne permet plus d’exclure la conduite d’une activité de placement.
Autrement dit, le GFIA qui réalise un placement privé d’actions d’une SAS utilisée comme FIA conduit bien une activité d’intermédiation dans l’intérêt de celle-ci. Cette constatation devrait requérir du GFIA l’obtention d’un agrément placement dans le cadre de la directive MIF, directive dont il ne peut justement se prévaloir dès lors qu’il est agréé en vertu de la directive AIFM. Pour autant, la directive AIFM prévoit expressément qu’un GFIA peut commercialiser des FIA.
En conséquence, au regard de l’Instruction, la position AMF 2012-08 devrait être étendue pour clairement couvrir les FIA de droit étranger et préciser qu’un GFIA peut, par essence, distribuer des titres de FIA sans qu’une telle activité ne lui impose d’obtenir un agrément pour la conduite d’activités de placement.
Notes
1. L’AMF définit la commercialisation comme couvrant la publicité, le démarchage, le conseil et le placement sur un instrument financier.
2. Question/Réponse n°263 relative à l’annexe 1 à la directive 2004/39/EC («directive MIF»).
3. Voir également, la décision de la commission des sanctions de l’AMF le 28 octobre 2013. C’est, à dire, les FIA dont le régime est visé au code monétaire et financier («CMF»).
A propos de l’auteur
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable services financiers. Il est spécialisé en droit bancaire et financier, incluant notamment les aspects de structuration et de gestion des fonds de placement et d’investissement et de réglementation bancaire et financière.
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 20 Janvier 2014