CDD : Peut-on utiliser une signature numérisée ?
17 février 2023
Le contrat à durée déterminée doit être établi par écrit. L’exigence d’un écrit n’est remplie que si le contrat porte la signature de chacune des parties. Faute de signature, le contrat à durée déterminée est réputé conclu pour une durée indéterminée, et ce peu important que la signature manquante soit celle du salarié ou celle de l’employeur.
Quid lorsque la signature de l’employeur est présente mais découle d’une mention manuscrite numérisée ? C’est la question qu’est venu trancher l’arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 2022 (n° 21-19.841).
Un salarié conteste la signature numérisée de son employeur apposée sur son contrat de travail
Les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 14 décembre 2022 sont les suivants : un salarié, engagé en CDD saisonnier, prend acte de la rupture de son contrat de travail estimant que le lien de confiance avec son employeur est rompu du fait de la transmission pour signature d’un contrat de travail comportant une signature de l’employeur photocopiée et non manuscrite.
Il saisit le Conseil de Prud’hommes d’une demande de requalification de son contrat en CDI.
Le salarié fait valoir qu’une signature manuscrite scannée n’est, ni une signature originale, ni une signature électronique et n’a donc aucune valeur juridique.
Selon lui, en l’absence de signature régulière, le contrat à durée déterminée ne peut être considéré comme ayant été établi par écrit et, en conséquence, doit être réputé conclu pour une durée indéterminée.
En conséquence, il demande le paiement d’une indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, des dommages-intérêts pour licenciement abusif et une indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.
Cette argumentation n’a pas convaincu les juges.
La signature manuscrite numérisée n’est pas assimilable à une signature électronique
Quelle valeur juridique donner au fameux «copier-coller» d’une capture de signature ?
La Cour de cassation considère tout d’abord sans surprise que l’apposition d’une signature sous forme d’une image numérisée ne peut être assimilée à une signature électronique.
Pour rappel, l’article 1366 du Code civil pose le principe d’une équivalence probatoire entre l’écrit papier et l’écrit sous forme électronique en indiquant que «l’écrit sous forme électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité».
L’article 1174 du Code civil reprend les mêmes exigences lorsqu’un écrit est exigé pour la validité d’un contrat.
A l’inverse, la signature manuscrite numérisée ne saurait, ainsi que le souligne la Cour de cassation, constituer une signature électronique au sens du Code civil.
Mais pour la Cour de cassation cette signature n’est toutefois pas sans valeur.
La signature manuscrite numérisée est suffisante dès lors qu’elle permet d’identifier son auteur
Dans l’arrêt du 14 décembre 2022, la Cour de cassation a considéré que l’apposition sur le contrat de travail de la signature numérisée de l’employeur n’affectait pas la validité formelle du contrat.
Toutefois, les juges n’assimilent pas de plein droit la signature scannée à une signature originale.
Deux conditions sont requises :
-
- d’une part, la signature doit permettre d’identifier parfaitement son auteur ;
-
- d’autre part, ce dernier doit être habilité à signer le contrat de travail.
La Cour de cassation s’inscrit ici dans la lignée de sa jurisprudence antérieure.
Dans un arrêt rendu à propos d’une lettre de licenciement, la chambre sociale avait en effet estimé que l’apposition d’une signature numérisée n’équivalait pas à une absence d’écrit (Cass. soc., 17 mai 2006, n°04-46.706).
Une solution similaire a également été rendue en matière de recouvrement URSSAF à propos de la signature scannée apposée sur la lettre d’observations (Cass. 2e civ., 18 mars 2021, n°19-24.117).
Cette solution pragmatique mérite d’être saluée, d’autant que les praticiens ont été récemment contraints de recourir massivement à ce type de procédés dans le contexte particulier de la crise sanitaire, faute de mieux.
En juger autrement aurait été synonyme de grande insécurité juridique. Il n’en demeure pas moins que l’usage d’une signature numérisée peut donner lieu à débats, notamment en ce qui concerne l’identification de son auteur.
Aussi, il est conseillé aux employeurs de privilégier autant que possible, un mode de signature sécurisé, c’est-à dire soit une signature manuscrite, soit une signature électronique en bonne et due forme.
Caroline Froger-Michon, Avocat associé et Aurélie Parchet, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
A lire également
Sous-traitance : l’attestation de vigilance de l’URSSAF est indispensable... 7 mars 2016 | CMS FL
Falsification de factures personnelles : le licenciement pour faute grave est ju... 12 mars 2019 | CMS FL
Le transfert des contrats de travail continue de nourrir la jurisprudence... 15 mai 2023 | Pascaline Neymond
Organisation matricielle : attention à la responsabilité pénale de la sociét... 28 octobre 2021 | Pascaline Neymond
L’accès aux messages instantanés du salarié par l’employeur... 30 octobre 2020 | CMS FL Social
Bring Your Own Device : quels enjeux pour les employeurs ?... 17 janvier 2014 | CMS FL
L’usage de la langue française est-il toujours obligatoire ?... 3 août 2015 | CMS FL
Mobilité internationale : point d’actualité pour les employeurs étrangers d... 17 avril 2018 | CMS FL
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente
Commentaires