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Cadre dirigeant : statut à utiliser avec modération

Les cadres de haut niveau peuvent bénéficier d’un statut qui leur est propre tant en raison de l’étendue de leurs responsabilités que de l’exercice de leur activité professionnelle. Cependant, la jurisprudence et parfois la convention collective fixent les conditions du statut dont le non-respect peut s’avérer lourd de conséquences pour l’entreprise.

Une définition précise du cadre dirigeant est donnée par la loi. Le code du travail prévoit des dispositions spécifiques en matière d’aménagement du temps de travail des salariés cadres. Trois catégories sont distinguées : les cadres occupés selon un horaire collectif, les cadres dirigeants et les autres cadres ne relevant pas des deux catégories précitées avec lesquels peuvent être conclues des conventions de forfait en heures ou en jours.

Ce faisant, une définition précise du cadre dit « dirigeant » est apportée. C’est donc le salarié auquel sont confiées les responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, qui est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoit une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunérations pratiqués par l’entreprise.

Un régime pragmatique et souple dans son principe
Le régime du cadre dirigeant ne présente qu’avantage et ceci à double titre.

  • D’une part, les salariés concernés s’affranchissent de l’application des règles prévues en matière de durée du travail. Ainsi, les cadres dirigeants sont exclus de la réglementation sur la durée du travail : durée légale et heures supplémentaires, durée maximale de travail hebdomadaire et quotidienne, réglementation sur le travail de nuit, le travail à temps partiel, repos hebdomadaires et quotidiens, les jours fériés. Leur restent applicables les dispositions relatives aux congés.
  • D’autre part, la jurisprudence précise que la qualité de cadre dirigeant ne requiert en principe (voir ci-après toutefois), ni accord particulier entre l’employeur et le salarié ni que ce dernier se voit appliquer les coefficients parmi les plus élevés de la convention collective applicable.

Position pragmatique des juges, dont on ne peut que se réjouir, qui s’en tiennent à la situation de fait reposant sur une stricte analyse des conditions d’exercice effectif des fonctions et responsabilités du salarié. Par conséquent, statut pragmatique pensé au plus près de la réalité de l’activité professionnelle des cadres de très haut niveau, le statut de cadre dirigeant ne présente qu’avantage et souplesse.
Pour autant et tant à l’épreuve de la jurisprudence que des dispositions conventionnelles applicables, la prudence doit être de mise car le recours à ce statut n’est pas exempt de risques pour l’entreprise.

Le cadre dirigeant … doit diriger
Par deux décisions du 31 janvier 2012, la Cour de cassation est venue préciser les limites de l’exercice. Les hauts magistrats estiment tout d’abord que les critères légaux, s’ils sont cumulativement constatés (grande autonomie d’exercice, haut niveau de responsabilité, rémunération élevée), se suffisent à eux-mêmes et le fait que l’entreprise soit de petite taille ne suffit pas à exclure la qualité de cadre dirigeant dès lors que les autres critères sont réunis.
Le juge doit appliquer les critères légaux, il ne saurait en ajouter, la taille de l’entreprise n’en faisant pas partie. Cette position, dont on ne peut que se réjouir, permet d’écarter le critère de la taille de l’entreprise pour ouvrir droit au statut.

Pour autant, par une seconde décision, la Cour de cassation rappelle que le cadre dirigeant … doit diriger. Dans cette décision, la Cour écarte le statut car si le salarié satisfaisait aux trois critères légaux, il ne participait pas effectivement à la direction de l’entreprise.
Par ce postulat général, dont on peut se demander s’il n’ajoute pas aux critères légaux, la Cour de cassation entend bomer le bénéfice du statut à ceux des salariés cadres qui participent effectivement à la direction de l’entreprise.

Une vision restrictive du cadre dirigeant
La position de la jurisprudence définit strictement le champ des bénéficiaires du statut en reprenant les exigences du texte et en tirant les conséquences qu’il implique en termes de pouvoir de direction.

Une telle décision vient toutefois jeter le trouble sur le régime du cadre dirigeant. Qu’est-ce que participer effectivement à la direction de l’entreprise lorsque l’on est salarié et non mandataire social ? On peut penser que dirige effectivement une entreprise celle ou celui qui assure un commandement sur d’autres salariés, assiste aux réunions des organes de direction, dispose d’une délégation de pouvoirs et/ou de signature … A l’inverse, le cadre ne sera pas considéré comme dirigeant.

Satisfaire aux critères légaux et participer à la direction de l’entreprise : conditions nécessaires et suffisantes ? Pas forcément.
Si la loi n’ a pas posé comme principe l’exigence d’un écrit pour valider un statut résultant d’une situation de fait, les juges précisent que lorsque la convention collective prévoit que le statut de cadre dirigeant doit être formalisé par écrit, le contrat de travail ou un avenant à ce dernier doit l’indiquer.

La contractualisation du statut quand la convention collective le commande n’est donc pas une option mais une condition de validité du statut qui s’ajoute à celles prévues par la lo.

Des conséquences radicales en cas de statut inapproprié
Les conséquences de la disqualification du statut sont radicales : si les conditions ne sont pas remplies, l’employeur ne peut se prévaloir du statut appliqué, le salarié est soumis au droit commun de la durée du travail et peut prétendre au paiement des heures supplémentaires éventuellement réalisées.

Une analyse in concreto et des réflexes conventionnels sont indispensables
Compte tenu des conséquences attachées à la disqualification du statut, la prudence s’impose. Ainsi, au-delà des conditions posées par la loi, le salarié cadre concerné participe-t-il effectivement à la direction de l’entreprise et participe-t-il à ses organes de direction ? Bénéficie-t-il de prérogatives allant bien au-delà d’un cadre dit « supérieur » ?

Dans l’affirmative, feuilleter la convention collective pour examiner ce qu’elle prévoit éventuellement sera l’indispensable réflexe à avoir. A défaut, un statut alternatif devra être préféré.

 

A propos de l’ouvrage

Vincent Delage, avocat associé. Spécialisé en droit social, Vincent intervient notamment en matière de gestion des relations individuelles et collectives de travail tout comme en matière d’épargne salariale. Il conseille également ses clients sur le statut des dirigeants (mandataires sociaux et cadres dirigeants) et assure la mise en œuvre et le suivi des aspects sociaux des restructurations et réorganisations d’entreprises.

 

Article paru dans Les Echos Business du 10 mai 2013

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