Bofip et intégration fiscale : les solutions les plus marquantes
Dans une mise à jour du Bofip en date du 15 avril dernier, l’administration commente les aménagements au régime de l’intégration fiscale issus de la loi de finances pour 2019 et apporte par ailleurs plusieurs précisions intéressantes, concernant notamment les opérations de restructuration affectant les sociétés du groupe.
1. Composition du groupe
L’administration admet déjà que dans le cas où une société du groupe (mère intégrante ou filiale) détient ses propres actions, le calcul du pourcentage de détention à 95 % de son capital s’opère abstraction faite de ces actions. Il est en outre désormais précisé qu’il doit également être fait abstraction des actions dont les droits de vote ne peuvent pas être exercés à l’assemblée générale de la société en application des dispositions de l’article L 233-31 du Code de commerce parce qu’elles sont possédées par une ou plusieurs sociétés dont cette société détient directement ou indirectement le contrôle (BOI-IS-GPE-10-20-10 n° 10 et BOI-IS-GPE-10-20-20 n° 30).
Les mêmes solutions sont adoptées, dans le cadre d’une intégration horizontale, pour l’appréciation du taux de détention du capital de l’entité mère non résidente, (BOI-IS-GPE-10-30-50 n° 90).
2. Distribution et produits de participation
- Participation ouvrant droit au régime mère-fille
On sait que, pour les besoins de la déclaration 2058-A bis, la société intégrée doit retenir « le bénéfice imposable de l’exercice et de l’impôt sur les sociétés comme si elle était imposée séparément ». Cette déclaration permet en particulier de déterminer la participation des salariés.
En matière de quote-part de frais et charges sur les produits de participation ouvrant droit au régime mère-fille, deux taux coexistent : le taux normal de 5 %, ou celui de 1 % réservé aux dividendes reçus d’une société du groupe ou d’une société européenne (UE ou, sous certaines conditions, EEE) qui pourrait être intégrée si elle était établie en France et, à l’égard des sociétés non membres d’un groupe intégré (ce qu’est supposée être la société intégrée pour les besoins du formulaire 2058 A bis précité) à raison d’une participation (ouvrant droit au régime mère-fille) dans une société soumise à un impôt équivalent à l’IS dans un Etat européen qui pourrait faire partie d’un groupe intégré avec la société mère française si celle-ci était membre d’un tel groupe. Mais il faut que la société française ne soit pas membre d’un groupe uniquement « du fait de l’absence des options et des accords à formuler » pour l’intégration fiscale. Le Bofip en conclut, ce qui ne va pas de soi, que c’est le taux de 5 % qui s’applique pour les besoins de la déclaration 2058 A bis car, si les sociétés en cause remplissent bien les conditions pour être membres d’un groupe, elles sont, selon l’administration, placées dans la même situation que les sociétés qui pourraient être intégrées mais qui n’ont pas donné leur accord en ce sens (BOI-IS-BASE-10-10-20, n° 165).
- Participations n’ouvrant pas droit au régime des sociétés mères
Pour les exercices ouverts depuis le 1er janvier 2019, les produits de participation détenus depuis plus d’un exercice et n’ouvrant pas droit au régime mère-fille sont retranchés du résultat d’ensemble à hauteur de 99 % de leur montant. L’administration précise que cette fraction de 99 % est calculée d’après le montant des produits de participation crédit d’impôt compris lorsque la société bénéficiaire les a comptabilisés crédit d’impôt compris (BOI-IS-GPE-20-20-20-10, n°80 et 100).
3. Résultat individuel et résultat d’ensemble
- Suppression de la neutralisation de la quote-part de frais et charges (QPFC) sur les plus-values
La loi de finances pour 2019 a supprimé la neutralisation de la QPFC en cas de cessions intragroupe de titres de participation, pour les résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, tout en maintenant la neutralisation des plus-values et moins-values de cession de titres intragroupe.
Les commentaires administratifs expliquent comment sont imposées, en pratique, les QPFC constatées au cours d’exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, le but étant d’éviter toute double imposition de la QPFC. Le même principe de non double imposition de la QPFC s’applique lorsqu’une plus-value neutralisée au titre d’un exercice ouvert avant le 1er janvier 2019 vient à être déneutralisée au cours d’un exercice postérieur à cette même date (BOI-IS-GPE-20-20-60 n° 220), étant précisé que les cas de déneutralisation de la plus-value et ceux afférents aux QPFC ne sont pas nécessairement identiques.
- Cessions de biens à un prix inférieur à leur valeur réelle
Est désormais inscrit dans la loi le principe de neutralité des cessions de biens (autres que celles portant sur un élément de l’actif immobilisé) ou des prestations de services réalisées pour un prix inférieur à leur valeur réelle mais au moins égal à leur prix de revient. L’administration apporte des commentaires très attendus sur la situation des prêts et avances entre sociétés d’un même groupe fiscal (n° 290 du BOI-IS-GPE-20-20-40) : il est ainsi admis que, lorsque la société emprunte pour prêter, le taux d’emprunt peut être supérieur ou inférieur au taux de prêt. En particulier, lorsqu’une société membre d’un groupe s’est endettée à un taux donné pour financer un prêt consenti à une autre société du même groupe à un taux inférieur mais conforme au taux de marché (en considération des caractéristiques du second prêt et de la société emprunteuse), la différence entre les deux taux ne donnera pas lieu à une réintégration au résultat fiscal de la société prêteuse. Lorsque la société n’est pas en mesure de « tracer » le prêt qu’elle consent par un emprunt dédié, elle est autorisée à estimer le prix de revient de la prestation de prêt d’après le taux Euribor 3 mois communiqué par la Banque de France.
- Abandons de créances et subventions intragroupe
La loi de finances pour 2019 a supprimé la neutralisation des abandons de créances et subventions intragroupe pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019. L’administration donne des indications sur la situation d’un abandon de créance, par hypothèse neutralisé, qui avait été assorti d’une clause de retour à meilleure fortune se dénouant à une époque où la règle n’est plus celle de la neutralisation. L’apport le plus important de ces commentaires (BOI-IS-GPE-20-20-40) est que l’administration pose comme principe que le retour à meilleure fortune doit être traité de façon symétrique à l’opération initiale.
4. Opérations de restructuration et de sortie du groupe
- Absorption de la société mère
A compter des exercices clos le 31 décembre 2018, il n’y a pas cessation du groupe en cas d’absorption, à la suite d’une fusion placée sous le régime de faveur, de la société mère par une autre société du groupe qui exerce l’une des options pour la constitution d’un groupe intégré. Cette solution est étendue au cas où la société mère est absorbée par une société intermédiaire ou par une société étrangère du même groupe, ou par l’entité mère non résidente détenant la mère dans le cas d’une intégration horizontale. L’opération doit être placée sous un régime fiscal comparable à celui prévu à l’article 210 A du CGI et l’absorbante doit exercer une des options pour l’intégration fiscale par l’intermédiaire d’un établissement en France de cette société (BOI-IS-GPE-40-10 n° 107).
Par ailleurs, on relèvera avec intérêt que l’administration a supprimé de sa base Bofip la solution par laquelle elle considérait que le dispositif prévu par l’article 223 L, 6-c du CGI ne pouvait pas s’appliquer en cas d’absorption de la société mère au cours du premier exercice au titre duquel elle avait opté pour être mère d’un groupe fiscal (BOI-IS-GPE-50-10-20 n° 175). Rien ne semble donc s’opposer à l’application du dispositif de continuité alors même que la société intégrante est absorbée au titre du premier exercice d’intégration.
- Opérations de restructuration intervenant le premier ou le dernier jour de l’ouverture de l’exercice
Autre solution favorable à signaler : lorsque les titres d’une filiale font l’objet d’un apport réalisé au premier jour de l’exercice, l’administration admet que cette entité puisse entrer dans le groupe de la société bénéficiaire dès l’exercice ayant enregistré l’apport (BOI-IS-GPE-10-20-10 n° 200). Ce qui permet ainsi le passage d’un groupe intégré à un autre sans que la filiale dont les titres sont apportés n’ait à s’acquitter personnellement de l’impôt sur les sociétés au cours d’un exercice de transition.
Dans le cas inverse, lorsque les titres d’une filiale intégrée sont apportés le dernier jour de l’exercice, ou lors de la fusion ou de la transmission universelle de patrimoine (TUP) non rétroactives d’une filiale intervenant le dernier jour d’un exercice, il est admis que cette filiale soit maintenue dans le groupe au titre de cet exercice, sous réserve que toutes les autres conditions prévues à l’article 223 A du CGI soient remplies (BOI-IS-GPE-10-20-10 n° 230).
5. Impact du Brexit
Commentant les dispositions de la loi de finances pour 2019 visant à atténuer les conséquences du Brexit, l’administration admet notamment que l’entité mère non résidente, la société étrangère ou la société intermédiaire établie au Royaume Uni soit considérée comme satisfaisant les conditions d’éligibilité jusqu’à la clôture de l’exercice clos le 31 décembre 2020 ou en cours à cette date. Il en est ainsi à condition qu’au titre de l’exercice de retrait et de l’exercice clos le 31 décembre 2020 ou en cours à cette date, la société respecte, selon le cas, les conditions pour être entité mère non résidente, société étrangère ou société intermédiaire, autres que celle d’être établie dans un État membre de l’UE ou dans un autre État partie à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (BOI-IS-GPE-50-60-40 n° 10 et n° 60).
Article paru dans Option Finance le 01 juin 2020
Auteurs
Amélie Nithart, fiscaliste
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