Bien calculer la valeur locative des usines
En raison du contrôle systématique de l’administration fiscale, il est nécessaire de se pencher sur la gestion des immobilisation foncières.
Savoir calculer avec précision la valeur locative foncière des sites industriels devient un argument crucial face aux inspecteurs des impôts. Depuis la suppression de la taxe professionnelle, en 2010, la détermination de la valeur locative, qui sert d’assiette à la taxe foncière et à la cotisation foncière des entreprises (CFE), est devenue l’un des principaux points de vérification lors des contrôles fiscaux. Les agents de l’administration ont cependant tendance à survaloriser la valeur foncière et, par conséquent, à surestimer la taxation…
Si la valeur foncière est par principe déterminée par le cadastre sur la base des déclarations d’achèvement adressées par le propriétaire des immeubles, il faut distinguer suivant que le bâtiment présente ou non un caractère industriel. Les locaux non industriels sont évalués d’après la méthode comparative consistant à appliquer à ces surfaces un tarif de référence (en cours de réforme). Les inspecteurs des impôts ne s’attachent qu’aux anomalies flagrantes, comme l’absence totale d’un local.
Contrôle systématique pour les sites industriels
En revanche, pour les immeubles industriels, le contrôle est devenu quasi systématique. En effet, selon l’article 1499 du Code général des impôts (CGI), la valeur locative des sites industriels est déterminée en appliquant au prix de revient des immobilisations passibles de la taxe foncière un taux d’intérêt en fonction de l’année d’entrée desdits biens au bilan. L’enjeu majeur est donc d’identifier, parmi la multiplicité des investissements comptabilisés à l’actif de l’entreprise, ceux qui entreront dans la base d’imposition. Or la pratique de l’administration repose sur une méthode consistant à retenir sans discernement l’intégratlité des immobilisations de l’entreprise. Selon l’article 1381-1 du CGI, entrent dans les bases d’imposition «les installations destinées à abriter des personnes ou des biens ou à stocker des produits ainsi que les ouvrages en maçonnerie présentant le caractère de véritables constructions». Mais l’article 1382-11 du même code exclut «les outillages et autres installations et moyens matériels d’exploitation des établissements industriels». L’exclusion vise donc les immobilisations intégrées directement et matériellement dans le processus de fabrication, de transformation ou de manutention et servant spécifiquement à l’exercice de l’activité professionnelle. Qu’elles soient attachées ou non à perpétuelle demeure aux murs. Il est donc primordial d’identifier les actifs à exclure de la base d’imposition.
Ceux-ci peuvent en effet avoir été immobilisés dans des comptes réservés normalement aux constructions ou aux agencements des constructions, de sorte qu’une distinction par comptes comptables, comme cela est pratiqué par les inspecteurs de l’administration fiscale, ne permet pas de les catégoriser correctement pour apprécier la valeur foncière imposable en taxe foncière et en CFE.
De plus, la procédure de redressement contradictoire ne s’applique pas en fiscalité locale, contrairement à l’impôt sur les sociétés ou à la TVA. Ainsi, les garanties habituelles dont bénéficient les contribuables sont absentes, ce qui a souvent pour effet de renverser la charge de la preuve lors des débats. Dans la pratique, une fois qu’elle a repris l’intégralité des investissements comptabilisés par l’entreprise sans distinction sur la nature des investissements, l’administration fiscale oblige le contribuable à apporter la démonstration contraire dans sa réponse à la proposition de rectification.
C’est pourquoi les entreprises industrielles doivent se préparer aux contrôles de la valeur foncière de leurs usines en effectuant une revue exhaustive de leurs immobilisations. Il faut pour cela réaliser une analyse sur mesure de chaque investissement pour déterminer ceux devant entrer dans la base foncière et ceux pouvant en être exclus. Il appartiendra alors à l’inspecteur des impôts de contester, avec un argumentaire approprié, la qualification retenue par l’entreprise. Cette identification cruciale doit être effectuée avec l’aide des équipes comptables en charge des immobilisations, mais également avec les responsables travaux et les ingénieurs des bureaux d’études ayant participé à la construction de l’usine.
Par expérience, cette revue technique des immobilisations conduit, dans le cadre d’un audit ou d’un contrôle fiscal, à une minoration des rehaussements pouvant aller jusqu’à l’abandon pur et simple de tout redressement, voire à des dégrèvements. Combien de fois avons-nous constaté l’existence au bilan d’immobilisations qui auraient dû être sorties comptablement depuis longtemps? Comme des réfections de toiture qui, vu leur nombre au bilan, devraient faire ressembler l’usine une pagode chinois…
Auteurs
Cathy Goarant-Moraglia, avocat associé en fiscalité locale
Laurent Chatel, avocat associé en matière CET (CFE et CVAE) pour les entreprises et les collectivités locales