L’assurance chômage « version Macron » se dévoile
17 juillet 2019
La loi n°2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a confié aux partenaires sociaux la mission de réformer en profondeur le régime d’assurance chômage en moins de quatre mois.
Tenus par un document de cadrage très ambitieux, les partenaires sociaux ne sont pas parvenus à conclure une convention d’assurance chômage conforme aux attentes du Gouvernement, qui a donc repris la main. Après une nouvelle période de concertation, le Premier ministre, Édouard Philippe, et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont présenté le 18 juin 2019 le projet de réforme de l’assurance chômage. Focus sur les principales mesures annoncées.
NB : Les décrets n’ayant pas encore été publiés, les mesures présentées ici sont susceptibles d’être modifiées à la marge.
Des conditions d’indemnisation plus strictes
Contre quatre mois d’activité cumulés sur les derniers 28 mois auparavant, il faudra, à compter du 1er novembre 2019, l’équivalent de six mois d’activité sur les derniers 24 mois pour bénéficier du versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).
S’agissant du rechargement des droits, celui-ci ne sera désormais possible qu’à la condition d’avoir travaillé six mois, soit l’équivalent du nouveau seuil d’ouverture des droits à indemnisation sans rechargement, contre un mois actuellement.
En termes de montants d’indemnisation, le Gouvernement s’est engagé à ce qu’au 1er avril 2020, il ne soit plus possible de gagner davantage en percevant l’ARE qu’en travaillant. Il entend ainsi modifier notamment les règles de calcul de l’allocation afin qu’elle :
- soit calculée sur le revenu mensuel moyen du travail et non plus sur la base des seuls jours travaillés ;
- ne puisse jamais dépasser le montant du salaire net mensuel moyen perçu par le salarié avant la période de chômage ;
- ne puisse être inférieure à 65 % du salaire net mensuel moyen.
Afin d’inciter plus rapidement au retour à l’emploi, le Gouvernement a prévu d’instaurer une dégressivité des allocations chômage pour les hauts revenus, à l’exception des demandeurs d’emploi de 57 ans et plus.
Ainsi, dès le 1er novembre 2019, les salariés qui percevaient avant la rupture de leur contrat de travail un revenu supérieur à 4 500 euros bruts, verront leur indemnisation réduite de 30 % à compter du début du 7e mois. Les périodes de carence seront exclues de ce calcul.
En tout état de cause, un plancher, fixé à 2 261 euros net, sera instauré. Cette mesure ne devrait s’appliquer qu’aux personnes dont le contrat sera rompu postérieurement à cette date, à l’exclusion des allocataires en cours d’indemnisation.
Cette mesure fait l’objet de vives critiques de la part des partenaires sociaux qui estiment qu’elle :
- marque la première étape vers une remise en cause du caractère assurantiel et universel du régime d’assurance chômage ;
- et surtout, est particulièrement punitive pour les entreprises et les allocataires concernés puisqu’elle accentue la déconnexion entre le montant des contributions et celui de l’allocation servie.
Une lutte renforcée contre les contrats courts par l’instauration d’un bonus/malus sur les contributions
Pour lutter contre la précarité et l’enchaînement des contrats à durée déterminée (CDD) ou des missions d’intérim, et alors que les partenaires sociaux s’y refusaient, le Gouvernement a décidé de mettre en place un système de bonus-malus sur les contributions d’assurance chômage. Il sera applicable aux entreprises de plus de onze salariés, au 1er janvier 2021.
Le dispositif prévu vise sept secteurs d’activité qui, selon le ministère, représentent à eux seuls 34 % des ruptures de contrats de travail, à savoir :
- fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;
- autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ;
- hébergement et restauration ;
- production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets et dépollution ;
- transports et entreposage ;
- fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques ;
- travail du bois, industrie du papier et imprimerie.
Concrètement, le dispositif prendra en compte toutes les fins de contrats donnant lieu à inscription sur les listes de demandeurs d’emploi, en y incluant les missions d’intérim. Seront néanmoins exclus les contrats d’apprentissage, de professionnalisation, d’insertion ou encore les démissions.
S’agissant du travail temporaire, les fins de contrats de mise à disposition n’entreront dans le champ du bonus-malus qu’au niveau de l’entreprise utilisatrice, si son activité relève de l’un de ces secteurs d’activité concerné.
Un taux de séparation, correspondant au ratio entre le nombre de salariés ayant travaillé pour l’entreprise inscrits à Pôle emploi et l’effectif de l’entreprise, sera calculé pour chaque entreprise et comparé au taux de séparation médian calculé pour le secteur.
L’entreprise, dont le taux de séparation sera supérieur au taux médian se verra appliquer un malus, c’est-à-dire qu’elle paiera des cotisations majorées. À l’inverse, celle dont le taux sera inférieur au taux médian bénéficiera d’un bonus et verra ses cotisations minorées.
En conséquence, selon les pratiques de l’entreprise, le montant de la cotisation d’assurance chômage, actuellement de 4,05 %, pourra varier entre 3 et 5 %.
En outre, toujours dans cet objectif de lutte contre la précarité, le Gouvernement envisage d’appliquer une taxe forfaitaire de 10 euros sur tous les CDD d’usage, dès le 1er janvier 2020.
Quelques nouveaux droits pour les salariés
Le décret prévu entérinera, au 1er novembre 2019, l’une des mesures phares annoncées par le candidat Macron : la possibilité pour les salariés démissionnaires, qui ne relevaient pas des situations de « démission légitime » déjà existant, de bénéficier de droits à l’assurance chômage.
Le salarié qui souhaite bénéficier de ce droit, devra demander, préalablement à sa démission un conseil en évolution professionnelle (CEP) qui lui permettra d’établir un projet de reconversion professionnelle. Comme annoncé, le salarié devra justifier d’au moins cinq ans d’ancienneté dans l’entreprise.
Le décret devrait prévoir d’autres mesures en faveur des demandeurs d’emploi inscrits sur les listes :
- tous auront droit, dans les quatre premières semaines suivant leur inscription à Pôle emploi, à deux demi-journées d’accompagnement ;
- tous ceux qui ont reçu une « proposition d’emploi stable », mais doivent préalablement mettre à niveau leurs compétences, bénéficieront d’une formation sur-mesure correspondant à cette proposition ;
- ceux qui sont en situation de cumul ou d’alternance prolongée entre emploi et chômage, appelés travailleurs précaires, bénéficieront d’un accompagnement dédié ;
- tous bénéficieront de nouvelles aides concrètes pour répondre à une offre d’emploi.
Enfin, s’agissant des entreprises, elles seront assistées par Pôle emploi afin de remédier à leurs difficultés de recrutement dès lors qu’une offre d’emploi sera restée sans réponse plus de 30 jours après son dépôt. Cette aide pourra prendre la forme, par exemple, d’un travail sur le contenu de l’offre, d’une pré-sélection de candidats, d’actions de formation préalable au recrutement, etc.
Soumis au Conseil d’Etat, les décrets devraient être publiés avant la fin du mois de juillet.
Auteurs
Louis Paoli, avocat, droit social
Laure Guilmet, avocat, droit social
Article paru dans Les Echos Exécutives le 17 juillet 2019
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