Algérie | Les dispositions relatives aux relations de travail dans la loi de finances complémentaire pour 2015
6 octobre 2015
De nouvelles dispositions juridiques recadrant les relations de travail entre l’employé et l’employeur ont été apportées par la loi de finances complémentaire pour 2015, ci-après « la LFC 2015« . Cette loi, publiée au journal officiel n°40 du 23 juillet 2015, vient ainsi modifier la loi n°90-11 relative aux relations de travail, ci-après « la loi n°90-11« , et prévoit également des changements en matière d’emploi de main d’oeuvre étrangère et d’affiliation des salariés à la CNAS ainsi que de paiement de cotisations sociales.
Les principales mesures en termes de relations de travail peuvent être résumées comme suit :
1- En matière d’amendements de la loi n°90-11
Sanction en termes de recrutement ne respectant pas l’obligation d’âge légal
La LFC 2015, dans son article 54, a modifié et complété les dispositions des articles 140 et 149 de la loi n°90-11.
Ainsi, le nouveau texte de loi prévoit qu’hormis les cas d’un contrat d’apprentissage établi conformément à la législation en vigueur, tout recrutement d’un travailleur n’ayant pas atteint l’âge prévu par la loi est puni d’une amende de 10.000 à 20.000 DZD.
Cette sanction a été durcie puisqu’elle est portée à dix fois plus que ses anciens montants, qui variaient entre 1.000 et 2.000 DZD avant la publication de la LFC 2015 et qui semblaient être non dissuasives et dérisoires.
Nous rappelons que, conformément à l’article 15 de la loi n°90-11, l’âge minimum requis pour un recrutement ne peut en aucun cas être inférieur à seize ans, sauf dans le cadre de contrats d’apprentissage établis conformément à la réglementation en vigueur.
Sanctions en termes d’octroi de salaire inférieur au SNMG
En addition aux sanctions mentionnées ci-dessus, la LFC 2015 prévoit également dans son article 54 que tout employeur qui rémunère un salarié à un salaire inférieur au Salaire National Minimum Garanti (SNMG) ou au salaire fixé par la convention collective, est puni d’une amende de 10.000 à 20.000 DZD.
En cas de récidive, la peine est de 20.000 à 50.000 DZD, multipliée par autant de fois qu’il y a de travailleurs concernés.
Ces peines reprises sous le présent titre ont également été multipliées par dix par rapport aux anciennes peines.
2- En matière de conditions d’emploi de main d’oeuvre étrangère
En termes de délivrance des permis de travail et des autorisations temporaires de travail
Nous soulignerons ici que la LFC 2015, dans son article 30, a augmenté la taxe applicable à la délivrance de l’autorisation temporaire de travail et le permis de travail aux étrangers. Cette augmentation serait justifiée par l’augmentation du coût de traitement des demandes de l’accroissement du nombre des demandes à traiter.
Ainsi, ce droit de timbre qui était de 5.000 DZD, est dorénavant de 10.000 DZD et doit être versé à la recette des impôts.
La LFC 2015 prévoit que ce droit est de 1.000 DZD dans le cas de conjoints féminins étrangers de citoyens algériens.
Le renouvellement de ces documents donne lieu également au paiement d’une majoration de 50% aux montants sus-indiqués.
La LFC 2015 énumère trois catégories qui ne sont pas soumises au droit de timbre relatif à la délivrance et au renouvellement des permis de travail et des autorisations temporaires de travail et qui sont :
- les travailleurs étrangers non soumis aux autorisations temporaires de travail et aux permis de travail en vertu d’un traité ou d’une convention conclue par l’Algérie avec l’Etat de pays d’origine du travailleur étranger ;
- les travailleurs étrangers bénéficiaires du statut de réfugié ou d’apatride ;
- les travailleurs étrangers intervenant dans le cadre d’un détachement ou d’une mission de courte durée de trois mois dans l’année au maximum.
En termes de sanction
– Sanctions relatives à la non détention de permis de travail :
L’article 55 de la LFC 2015, modifiant l’article 19 de la loi n°81-10 du 11 juillet 1981 relative aux conditions d’emploi des travailleurs étrangers, ci-après « la loi n°81-10 », prévoit un relèvement des sanctions applicables aux contrevenants qui occuperaient un travailleur étranger soumis à l’obligation du permis de travail ou de l’autorisation temporaire de travail et qui, selon la n°81-10 susvisée :
- ne serait pas muni de ces documents ;
- ou serait en possession d’un titre périmé ;
- ou serait employé dans une fonction autre que celle mentionnée sur lesdits documents.
En effet, ces sanctions varient maintenant entre 10.000 DZD et 20.000 DZD par infraction constatée au lieu, comme précédemment (avant la publication de la LFC 2015), d’être compris entre 5.000 et 10.000 DZD.
Ces montants ont donc été doublés.
– Sanctions relatives à la non transmission de l’avis de résiliation du contrat de travail ou de l’état nominatif annuel des personnels étrangers :
Les amendes relatives à la non transmission par l’employeur de l’avis de résiliation du contrat de travail ou de l’état nominatif annuel des personnels étrangers, et ce conformément aux délais prescrits par la loi n°81-10, ont été augmentées de cinq fois plus puisqu’elles variaient, avant la publication de la LFC 2015, entre 1.000 et 2.000 DZD et qu’elles sont portées maintenant à entre 5.000 et 10.000 DZD.
Ces sanctions seront toujours doublées en cas de récidive.
3- En matière d’affiliation CNAS et de paiement de cotisations sociales
Sanction en termes de défaut d’affiliation de salariés et nouvelles autres mesures de régularisation
– Sanctions pour défaut d’affiliation de salariés :
Une des mesures importantes concerne les sanctions encourues pour défaut d’affiliation des salariés par l’employeur, qui ont été renforcées et durcies. Jusqu’ici, l’employeur défaillant n’était passible que d’une pénalité d’un montant de 1.000 DA par travailleur non affilié, montant majoré de 20% par mois de retard.
Dorénavant, tout employeur qui n’a pas procédé dans les délais réglementaires à l’affiliation de ses employés est passible d’une amende de 100.000 à 200.000 DZD par travailleur non affilié, et d’une peine d’emprisonnement de deux à six mois ou de l’une de ces deux peines1.
En cas de récidive, la LFC 2015 prévoit que l’employeur sera redevable d’une amende de 200.000 à 500.000 DZD par travailleur non affilié et d’une peine d’emprisonnement de deux à vingt quatre mois.
Cependant, ces dispositions ne s’appliquent pas à l’employeur qui souhaite régulariser sa situation envers la CNAS et qui procède, dans un délai de soixante jours à compter de la date de publication de la LFC 2015, à l’affiliation de l’ensemble des travailleurs non déclarés qu’il emploie.
L’affiliation faite dans ce délai lui permettra d’être exonéré de toutes majorations ou pénalités de retard, et ce dès versement des cotisations principales dues.
– Autres mesures de régularisation : « l’échéancier de paiement »
Une autre possibilité de facilités de paiement est offerte aux employeurs débiteurs envers la CNAS et les personnes exerçant une activité non salariée, et qui sont donc redevables de cotisations sociales.
En effet, la LFC 2015 permet à ceux qui introduisent une demande d’échéancier de paiement des cotisations antérieures auprès de l’organisme de sécurité sociale compétent, et ce avant le 31 mars 2016, d’être exonérés des majorations et pénalités de retard à l’issue du versement de la dernière échéance due.
Le bénéfice de cet échéancier est subordonné au paiement de l’encours des cotisations de sécurité sociale.
Le non respect de l’échéancier de paiement des cotisations dues entraine la perte du droit à l’exonération des majorations et pénalités de retard.
Ces échéanciers de paiement ont pour objectif, tel qu’indiqué par le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale2, de faciliter aux entreprises le paiement de leurs dettes en matière de cotisations à la sécurité sociale.
L’opération de recouvrement qui sera menée en 2015 aurait pour but d’améliorer sensiblement les réserves des caisses de la sécurité sociale.
Affiliation volontaire
Une autre mesure phare de cette LFC 2015 prévoit que toute personne active occupée, non assujettie à la sécurité sociale, peut s’affilier volontairement à la sécurité sociale et ce auprès du régime des salariés, afin de bénéficier des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité, moyennant le versement mensuel d’une cotisation à sa charge au taux de 12%, assise sur une assiette dont le montant est égal au SNMG soit un montant de 2.160 DZD3.
Le même article prévoit que ces dispositions s’appliquent pour une période transitoire dont la durée ne peut excéder trois ans, qui est accordée pour la formalisation par le bénéficiaire par l’un des moyens légaux de ses relations de travail ou activités lui procurant la qualité d’assujetti à la sécurité sociale.
L’article stipule également que toute déclaration d’assujettissement à la sécurité sociale intervenant conformément à l’article 60 ouvre droit à la personne concernée à un rachat de cotisation de retraite qui est à la charge du bénéficiaire, et ce au titre de la période transitoire mentionnée ci-dessus.
Conformément à l’article 61 de la LFC 2015, les ayants droit des personnes actives occupées affiliées volontairement à la CNAS peuvent également bénéficier des prestations en nature de l’assurance maladie et maternité.
Par conséquent, ces personnes se trouvant dans une situation de non assujettissement à la sécurité sociale n’auront plus qu’à se rapprocher de la CNAS afin de verser leurs cotisations pour une phase transitoire de trois ans, et ils pourront ainsi bénéficier d’une couverture sociale pour eux et leur famille.
En effet, ces mesures d’affiliation volontaire visent, tel qu’indiqué par le directeur général de la sécurité sociale au Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale4, « à inciter les personnes exerçant dans le secteur informel estimées à près d’un million, de s’affilier volontairement à la sécurité sociale afin de bénéficier d’une couverture sociale pour eux-mêmes et leurs ayants droit ».
Ce responsable a également souligné que l’impact de ces mesures en termes de recouvrement de cotisations peut dépasser annuellement les deux milliards de dinars, précisant que ces nouvelles mesures permettront à l’Algérie de s’inscrire comme l’un des pays précurseurs dans le domaine de l’élargissement de la protection sociale au secteur informel.
Notes
1 Article 59 de la LFC 2015
2 Source : www.aps.dz (en date du 1er mars 2015)
3 Article 60 de la LFC 2015
4 Source : www.aps.dz (en date du 19 août 2015)
Auteurs
Amine Sator, Local Partner CMS Bureau Francis Lefebvre Algérie
Manel Ben Barkat, avocat CMS Bureau Francis Lefebvre Algérie
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