Abus de position dominante : Dénigrement de la qualité d’un produit concurrent
En 2014, l’Autorité de la concurrence avait sanctionné à hauteur d’1,6 millions d’euros le leader sur le marché des yaourts et fromages frais en Martinique, la Société Nouvelle des Yaourts de Littée (SNYL), pour dénigrement constitutif d’un abus de position dominante envers un fabricant concurrent, la Laiterie de Saint-Malo (LSM) (Décision n°14-D-08 ; voir Lettre Concurrence/Economie d’octobre 2014).
Entre décembre 2007 et décembre 2009, des analyses bactériologiques commandées par la SNYL portant sur la composition des produits laitiers de son concurrent avaient conclu à leur qualité insuffisante. La SNYL avait communiqué ces résultats, d’une part, aux distributeurs martiniquais qui avaient procédé au retrait des produits concernés et, d’autre part, au syndicat professionnel du secteur, duquel avait été exclu la LSM pour non-respect de la réglementation en vigueur.
La cour d’appel de Paris a confirmé l’analyse de l’ADLC selon laquelle ces études bactériologiques, qui ne distinguaient pas entre les yaourts et les fromages frais pourtant soumis à des réglementations sanitaires différentes, avaient abouti à des « résultats inéluctablement faussés » mettant en cause la conformité des produits de la LSM. Elle a elle aussi estimé que la SNYL s’était rendue coupable d’une pratique particulièrement grave en entretenant volontairement une confusion, à propos de la date limite de consommation (DLC) apposée sur les produits de son concurrent, entre un usage professionnel et le cadre réglementaire applicable, en l’occurrence, moins contraignant puisque laissant aux fabricants le soin de déterminer la DLC de leurs produits, ce qui avait contribué à jeter le discrédit sur son concurrent en instillant un doute sur la qualité de ses produits.
En dépit de la gravité des faits reprochés, la Cour d’appel a décidé de réduire de 20% le montant de la sanction infligée par l’ADLC au titre de circonstances atténuantes tenant à la complexité et à l’incertitude entourant la réglementation sur la DLC applicable en outre-mer à l’époque des faits : en effet la pratique, par les entreprises exportant en outre-mer leur produits, de la double DLC (outre-mer et métropole) pouvait légitimement conduire à s’interroger sur l’application de la législation puisqu’un même produit était considéré comme propre à la consommation outre-mer, alors qu’il ne l’était plus en métropole. Interrogation légitime et pertinente selon la Cour puisqu’une loi du 3 juin 2013 est venue mettre fin à cette pratique de double DLC.
CA Paris 24 septembre 2015 n°2014/16108 Produits laitiers frais aux Antilles
Auteurs
Denis Redon, avocat associé en droit de la concurrence.
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique.