Producteurs d’électricité ou de gaz, le règlement REMIT vous concerne !
26 avril 2016
La « transparence » des marchés financiers est un enjeu récurrent et dont la sensibilité s’est accrue avec la crise financière de 2008. Le secteur de l’énergie n’échappe pas à cette exigence depuis sa libéralisation qui a conduit au développement des transactions sur les marchés de gros et des flux transfrontaliers.
Si ces flux sont contrôlés par les régulateurs nationaux et l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (« l’ACER ») à travers les mécanismes d’allocation de capacités et désormais les « codes réseau », l’Union européenne a engagé plus récemment un effort pour mieux surveiller le fonctionnement des marchés de gros du gaz et de l’électricité, prévenir les abus et, le cas échéant, les sanctionner : c’est l’objet du règlement n° 1227/2011 du 25 octobre 2011 concernant l’intégrité et la transparence du marché de gros de l’énergie, dit règlement « REMIT », partiellement entré en vigueur le 28 décembre 2011.
La Commission de régulation de l’énergie (la« CRE ») s’est ainsi vu confier la surveillance des marchés de gros français de l’électricité et du gaz, sous l’égide de l’ACER (article 1er).
Le règlement REMIT définit et interdit les abus de marché, c’est-à-dire : d’une part, les opérations d’initiés (article 3) et, d’autre part, les manipulations de marché (article 5). Ces abus peuvent être sanctionnés par l’autorité de régulation nationale au terme d’une enquête (article 13). Le règlement instaure une surveillance des marchés, qui passe par l’enregistrement de presque tous les acteurs de marché auprès du régulateur national (article 9), de sorte que, au-dessus d’un seuil très bas, toutes les transactions fassent l’objet d’une déclaration transmise à l’ACER (article 8). Les acteurs du marché français doivent ainsi fournir à l’ACER les données relatives à leurs transactions sur les marchés de gros de l’énergie, y compris les ordres et, en outre, transmettre à la fois à l’ACER et à la CRE les informations relatives à la capacité et à l’utilisation des installations de production, de stockage, de consommation ou de transport d’électricité ou de gaz naturel, ou encore des informations relatives à la capacité et à l’utilisation des infrastructures de gaz naturel liquéfié. Enfin, le règlement prévoit une obligation de publication des informations qu’il définit comme « privilégiées » et qui sont détenues par les acteurs du marché (article 4).
Le « marché de gros de l’énergie » est défini comme tout marché dans l’Union sur lequel des produits énergétiques de gros sont négociés » (article 2, 6°), tandis qu’est un « acteur du marché » « toute personne, y compris les opérateurs de système de transport, qui effectue des transactions, y compris l’émission d’ordres, sur un ou plusieurs marchés de gros de l’énergie » (article 2, 7°). Les produits énergétiques de gros correspondent aux contrats et produits dérivés ci-après, indépendamment du lieu et de la façon dont ils sont négociés : « a) les contrats de fourniture d’électricité ou de gaz naturel avec livraison dans l’Union ; b) les produits dérivés en rapport avec l’électricité ou le gaz naturel produits, négociés ou livrés dans l’Union ; c) les contrats relatifs au transport d’électricité ou de gaz naturel dans l’Union ; d) les produits dérivés en rapport avec le transport d’électricité ou de gaz naturel dans l’Union. Les contrats de fourniture et de distribution d’électricité ou de gaz naturel destinés aux clients finaux ne constituent pas des produits énergétiques de gros. Cependant, les contrats de fourniture et de distribution d’électricité ou de gaz naturel à des clients finaux ayant une capacité de consommation supérieure au seuil de 600 GWh par an sont considérés comme des produits énergétiques de gros » (article 2, 4°).
Les producteurs d’énergie entrent ainsi dans le champ d’application du règlement REMIT et doivent donc à ce titre faire remonter leurs données à l’ACER, après s’être enregistrés auprès de la CRE.
La Commission européenne a adopté le règlement d’exécution n° 1348/2014 du 17 décembre 2014 concernant la déclaration des données en application de l’article 8 paragraphes 2 et 6 du règlement REMIT. Au titre de ce règlement, les producteurs d’électricité qui disposent d’une seule unité de production ayant une capacité inférieure ou égale à 10 MW ou des unités de production d’une capacité combinée inférieure ou égale à 10 MW et qui vendent leur électricité dans le cadre de contrats de livraison portant sur la seule énergie produite par ces petites unités, de même que les producteurs de gaz naturel qui exploitent une seule installation d’une capacité égale ou inférieure à 20 MW, s’ils sont bien des « acteurs du marché » au sens du règlement REMIT, bénéficient néanmoins d’un régime de faveur. D’une part, leurs contrats et les données sur les transactions associées ne sont assujettis à l’obligation de déclaration que sur demande motivée de l’ACER et de manière ponctuelle (article 4 §1 du règlement d’exécution). D’autre part, s’ils n’effectuent que des transactions relatives à ces contrats, ils n’ont pas l’obligation de s’enregistrer auprès de la CRE (article 4 §2).
L’enregistrement d’un acteur de marché comme « utilisateur CEREMP » doit d’abord être réalisé auprès de la CRE, en utilisant la plate-forme CEREMP de l’ACER. Il permet d’obtenir un identifiant unique.
L’utilisateur CEREMP doit ensuite s’enregistrer comme acteur de marché.
Si l’on prend l’exemple des producteurs, ceux dont les installations de production, qu’elles soient nouvelles ou déjà en activité, se trouvent au-dessus des seuils précités, et notamment ceux qui vendent leur électricité à EDF ou à une entreprise locale de distribution dans le cadre des tarifs d’achat ou en tant que lauréats d’un appel d’offres, doivent s’enregistrer auprès de la CRE en fournissant les informations déterminées par la décision n° 01/2012 du 26 juin 2012 de l’ACER. Le formulaire d’enregistrement comprend cinq sections : Section 1 « Les informations générales relatives à l’acteur de marché ainsi que les différents codes de l’acteur de marché (code EIC, code BIC, code LEI, code GS1) lorsqu’ils existent » ; Section 2 « Les informations individuelles concernant des personnes physiques mandatées par l’acteur de marché (responsable trading, responsable décisions opérationnelles, contact communication) » ; Section 3 « Les informations relatives à/aux actionnaire(s) ultime(s) de contrôle » ; Section 4 « Les informations relatives à la structure de groupe (acteurs de marché liés : maison mère, filiale, autre) » ; Section 5 « Les informations relatives à d’éventuelles parties déléguées pour la collecte des données de l’acteur auprès de l’ACER ».
Une fois enregistré, l’acteur de marché doit déclarer les contrats puis les données associées aux contrats, dans le cadre de la « collecte de données » prévue à l’article 8 du règlement REMIT, dans les conditions posées par le règlement d’exécution.
En pratique, les dates limites d’enregistrement et de début de collecte de données différaient en fonction du type de contrat soumis à déclaration (« reporting » en anglais), en vertu du règlement d’exécution. Ainsi, les acteurs de marché réalisant des transactions portant sur des « contrats standard » sur une place de marché organisée ont dû procéder à leur enregistrement avant le 7 octobre 2015, tandis que les autres acteurs avaient jusqu’au 7 avril 2016.
C’est la CRE qui garantit, dans le cadre de sa mission de surveillance des transactions, le respect des articles 3, 4, 5, 8, 9 et 15 du règlement REMIT, selon l’article L.131-2 du code de l’énergie. C’est par ailleurs le Comité de règlement des différends et des sanctions de la CRE (le « CoRDiS ») qui est compétent, aux termes de l’article L.134-25 du même code, pour infliger des sanctions en cas de manquement aux règles définies par ces articles, dans les conditions fixées par les articles L.134-27 et suivants. Ainsi, dans l’hypothèse où un acteur aurait omis de procéder à son enregistrement à la date prescrite, le CoRDiS devrait le mettre en demeure de satisfaire à cette obligation et c’est seulement dans l’hypothèse où cette mise en demeure ne serait pas suivie d’effet que l’acteur du marché pourrait faire l’objet d’une sanction, proportionnée à la gravité du manquement. Dans le cas d’un défaut d’enregistrement ou d’un défaut de transmission des données, deux sanctions sont prévues : l’interdiction temporaire n’excédant pas un an de l’exercice de tout ou partie des activités professionnelles des personnes concernées et, si le manquement n’est pas constitutif d’une infraction pénale, une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à la situation de l’intéressé, à l’ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés. Toutefois, ce dernier montant ne peut excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé lors du dernier exercice clos, porté à 5 % en cas de nouvelle violation des obligations de transmission d’informations ou de documents. A défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 100.000 euros, portés à 250.000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation.
Les acteurs de marché peuvent consulter utilement les différents documents publiés (en anglais) sur le site Internet de l’ACER ainsi que (en français) sur celui de la CRE.
Auteurs
Christophe Barthélemy, avocat associé en droit de l’énergie et droit public.
Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit de l’énergie et droit public.
A lire également
Consommations de data à l’étranger : attention aux factures !... 19 février 2016 | CMS FL
Certificats d’économies d’énergie: attention aux sanctions... 1 juin 2018 | CMS FL
Nouveauté : la cession des contrats d’achat d’électricité à des organism... 23 novembre 2016 | CMS FL
Loi hydrocarbures et actualité minière 8 mars 2018 | CMS FL
Quand l’Autorité de régulation des communications électroniques et des ... 2 juin 2016 | CMS FL
Publication de l’ordonnance sur les réseaux fermés de distribution... 27 février 2017 | CMS FL
Le régime indemnitaire applicable au raccordement aux réseaux publics des ouvr... 7 juin 2018 | CMS FL
Les Carbon CfD, un outil au service du développement de la filière hydrogène ... 1 février 2023 | Estelle Bouquet
Articles récents
- L’action en nullité d’un accord collectif est ouverte au CSE
- Complémentaire santé : vigilance sur la rédaction des dispenses d’adhésion
- Précisions récentes sur la portée de l’obligation de sécurité de l’employeur dans un contexte de harcèlement
- La jurisprudence pragmatique du Conseil d’Etat en matière de PSE unilatéral : Délimitation du périmètre du groupe (Partie I)
- Détachement, expatriation, pluriactivité : quelques nouveautés en matière de mobilité internationale
- Avenant de révision-extinction d’un accord collectif : « Ce que les parties ont fait, elles peuvent le défaire »
- Dialogue social et environnement : la prise en compte des enjeux environnementaux à l’occasion des négociations collectives d’entreprise
- L’accès de l’expert-comptable du CSE aux informations individuelles relatives aux salariés lors de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise
- Conférence : Sécuriser vos pratiques pour limiter les risques juridiques dans l’entreprise (risque pénal, congés payés, RPS)
- Le recours à un client mystère : une méthode de contrôle loyale à condition d’être transparente