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Fermeture de site : la recherche d’un repreneur est obligatoire

La loi de sécurisation de l’emploi impose la recherche d’un repreneur en cas de projet de licenciement collectif conduisant à la fermeture d’un établissement. Quelques conseils.

Un large spectre d’entreprises concernées

L’article L. 1233-90-1 du code du travail, renvoie à « l’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-71 », bien connu des praticiens puisqu’il définit le périmètre du congé de reclassement et de la revitalisation des bassins d’emploi. Il s’agit des entreprises d’au moins 1.000 salariés, ainsi que celles appartenant à un groupe assujetti à l’obligation de mettre en place un comité de groupe français ou un comité de groupe européen. Le même périmètre est retenu par la proposition de loi dite de « reprise de sites rentables ».

Le gouvernement a justifié ce choix par l’impact sur l’emploi et l’économie locale des plans de sauvegarde pour l’emploi (PSE) concernés. Mais, concrètement, cela signifie que de très petites sociétés françaises pourront être tenues de respecter cette obligation, au seul motif qu’elles appartiennent à un groupe de plus de 1.000 salariés au niveau européen. Cette extension apparaît manifestement disproportionnée pour cette nouvelle obligation, d’une tout autre portée que le congé de reclassement.

Les contours incertains de l’établissement

La loi ne prévoit aucune définition de l’établissement concerné, de telle sorte qu’il pourrait même s’agir d’un simple « site ». En outre, de façon surprenante, la loi ne prévoit aucun seuil. Dans la plupart des cas, le seuil de 10 salariés des « grands » licenciements économiques devrait s’imposer. La proposition de loi de « reprise de sites rentables » entend remédier à cette carence en visant les projets de fermeture d’établissement employant au moins 50 salariés, que des licenciements soient ou non envisagés. Mais la commission des Affaires sociales a déposé un amendement visant à supprimer ce seuil. Notons qu’en l’état aucun régime spécifique n’est prévu lorsque la fermeture d’un site intervient dans le cadre d’un regroupement d’activités sans projet de suppression d’emplois.

La mise en œuvre de l’obligation : la teneur floue des actions à effectuer

Il s’agit d’une obligation de moyens et non pas de résultat. Un conseil externe sera utile pour assister l’employeur dans sa démarche de recherche et la documenter, notamment vis-à-vis de l’expert du comité et de l’administration. L’objet de la reprise ne sera pas forcément l’activité, mais plutôt les emplois, outils et compétences du site. Cette approche élargit les possibilités de reprise et permet de contourner d’éventuels problèmes de concurrence entre l’employeur et un éventuel repreneur.

Quant aux mesures à mettre en œuvre, on ne peut que recommander aux employeurs de s’inspirer des futures obligations de la proposition de loi, en réalisant un bilan économique, social et environnemental et en communicant les informations nécessaires aux entreprises candidates. La recherche d’un repreneur doit démarrer au plus tard lors de l’ouverture de la procédure d’information et de consultation et prendre fin au terme de la nouvelle procédure d’information-consultation (cf. : infra). Le projet de loi dit « de reprise de sites rentables » prévoit quant à lui un délai de recherches fixe de trois mois, qui pourrait être amendé au cours des discussions parlementaires. In fine, l’employeur peut refuser une proposition de reprise peu sérieuse ou contraire aux intérêts de l’entreprise.

Le contrôle du processus par le comité d’entreprise

L’implication du comité d’entreprise est un moyen d’associer les salariés à la démarche et d’en contrôler l’effectivité. Dans le cas d’une entreprise multi-établissements, le comité central d’entreprise sera le principal intéressé, mais le comité d’établissement devra aussi y être associé. La consultation passe d’abord par l’information, qui doit intervenir, au plus tard, dès l’ouverture de la double procédure d’information et de consultation relative au projet de licenciement économique. La loi actuelle, contrairement à la proposition de loi, ne prévoit pas la communication des données au comité d’entreprise, ni son accès à la data room, mais il est informé des offres de reprise formalisées, qui sont présumées confidentielles.

Le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance de l’expert-comptable missionné sur le projet de licenciement économique pour analyser le dispositif de recherche d’un repreneur et les projets de reprise. A ce titre, pour répondre aux préoccupations liées à la recherche d’une offre de reprise sérieuse, le repreneur devra présenter des garanties raisonnables de pérennité de l’activité et de maintien de l’emploi. Au terme du processus, le comité d’entreprise peut formuler des propositions et doit émettre un avis avant l’expiration des nouveaux délais de 2, 3 ou 4 mois selon le nombre de licenciements envisagés (article L. 1233-30 du code du travail).

L’absence temporaire de sanction

Actuellement, la loi ne prévoit pas de procédure particulière de contrôle, ni de sanction spécifique à cette obligation. Toutefois, l’absence ou l’insuffisance de recherche constituera un élément défavorable susceptible d’être pris en compte par l’administration (DIRECCTE) pour l’appréciation du projet.

La proposition de loi prévoit quant à elle que le tribunal de commerce pourrait infliger une pénalité maximale de 20 fois la valeur mensuelle du SMIC (soit 27.000 €) par emploi supprimé, en tenant compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés pour la recherche d’un repreneur. Il est permis de s’interroger sur la cohérence d’une telle sanction dès lors qu’elle porte sur une obligation de moyens et non de résultat.

 

A propos des auteurs

Nicolas Callies, avocat associé. Il est spécialisé dans la réorganisation de grands groupes industriels et d’établissements financiers, dans l’accompagnement lors de négociation avec les partenaires sociaux dans des contextes de crise, dans l’assistance à l’occasion de la négociation annuelle obligatoire et de négociation de statut collectif, d’accords seniors, GPEC, droit syndical… dans les contentieux collectifs (contestation désignation d’expert, élections professionnelles…), l’épargne salariale (négociation d’accords d’intéressement, de participation et plan d’épargne dans de grands groupes), la formation en matière sociale des directeurs d’agence d’un établissement financier et de directeurs de magasin et responsables régionaux d’un groupe de distribution, le contentieux prud’homaux, le statut des dirigeants et l’assistance lors des contrôles URSSAF et contentieux sécurité sociale.

Alice Mannes, avocat

 

Article paru dans Les Echos Business du 23 septembre 2013

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