Fin du contrat de location-gérance : l’épineuse question de la restitution faisant suite à l’annulation d’une convention
En cas d’annulation d’un contrat de location-gérance, le bailleur du fonds de commerce ne peut prétendre à une indemnité correspondant au profit tiré par le locataire de l’exploitation du fonds de commerce.
C’est le principe rappelé par la Cour de cassation au visa de l’article 1304 du Code civil relatif à l’action en nullité ou en rescision des conventions (Cass. 3e civ., 3 décembre 2015, n°14-22.692).
Pour s’opposer à la demande de restitution du profit tiré de la location-gérance, à savoir le bénéfice fiscal et le profit exceptionnel après réintégration à l’actif des redevances de location-gérance que le bailleur du fonds était condamné à restituer, le locataire gérant avait fait valoir dans son pourvoi que l’obligation de restitution consécutive à l’annulation d’un contrat ne s’appliquait qu’aux prestations effectivement fournies et qu’en raison de la nullité entachant le contrat de location-gérance dès l’origine, le bailleur ne pouvait obtenir une indemnité correspondant au profit retiré de l’exploitation du fonds.
Ce moyen reprenait les termes d’une décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 10 décembre 2014 à propos de l’annulation d’un contrat de production d’œufs de dindes à couver.
Dans cette affaire, la Cour d’appel avait condamné la société cocontractante de l’exploitant agricole à lui verser, en conséquence de l’annulation du contrat litigieux, une certaine somme au titre des bénéfices réalisés sur la vente des œufs produits.
Rappelant que l’annulation d’un contrat a pour conséquence de remettre les parties dans leur état antérieur, la Cour de cassation avait alors censuré l’arrêt en énonçant que seules devaient être prises en considération les prestations fournies par chacune des parties en exécution du contrat (Cass. 1re civ., 10 décembre 2014, n°13-23.903).
Il ne faut pas, à notre avis, conclure au vu de ces deux décisions à l’absence de restitution. En effet, la Cour de cassation rappelle bien qu’il convient de remettre les parties dans leur état antérieur et que doivent être prises en considération les prestations fournies par chacune d’elles à l’occasion de l’exécution du contrat annulé.
Dans un arrêt du 24 juin 2009 concernant l’annulation d’un bail, la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait ainsi censuré une décision qui avait refusé l’indemnisation de la jouissance des lieux par le locataire (Cass. 3e civ., 24 juin 2009, n°08-12.251).
Les décisions de 2014 et 2015 ne sont pas contradictoires. Elles mettent en revanche en exergue le caractère primordial de la qualification de l’indemnisation demandée (bénéfices réalisés et profit) pour apprécier le bien-fondé des revendications.
Toute la difficulté réside ensuite dans l’appréciation de la contrepartie financière d’une prestation rendue.
Dans l’arrêt de 2014, l’expert judiciaire en charge d’estimer l’indemnisation du travail effectué par l’exploitant agricole avait pris pour référence la convention collective des exploitants d’élevage de la Sarthe, référence contestée puisque l’exploitant agricole n’était pas salarié.
Toutefois, la Cour de cassation n’avait pas accueilli cette contestation car, sous le couvert du grief de violation de la loi, le cocontractant tentait de critiquer l’évaluation souveraine faite par la Cour d’appel des prestations contractuelles fournies par l’exploitant.
Avec la réforme du droit des obligations, applicable à compter du 1er octobre 2016 (ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, articles 3 et 9), le principe de la restitution dans un contrat de prestations de service est désormais légalement posé.
Demeurera cependant la difficulté de son estimation. L’article 1352-8 du Code civil dispose en effet que : « La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie. »
Auteur
Brigitte Gauclère, avocat Counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier.