Agent commercial : pas de manquement à l’obligation de non-concurrence en cas de représentation d’entreprises proposant des produits complémentaires
Un mandant, la société Guy Degrenne, avait cru pouvoir réduire la zone d’intervention de son agent commercial sans obtenir l’accord préalable, clair et exprès de ce dernier. Mal lui en pris car il fut assigné en raison de cette rupture partielle du contrat d’agent commercial pour faute grave et s’est vu réclamer, par son agent, à titre principal, 325 880 € d’indemnité compensatrice pour perte de clientèle et 82 000 € pour défaut de respect du préavis contractuel de cessation du contrat de six mois.
Le mandant avait alors reconventionnellement demandé à son agent des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de non-concurrence à laquelle il était tenu en vertu d’une clause spécifique de son contrat qui interdisait toute représentation de sociétés concurrentes sauf celles listées en annexe du mandat. Le mandant considérait que le fait d’avoir représenté, pendant l’exécution du contrat, deux sociétés commercialisant de la porcelaine de table et de cuisine était constitutive d’un tel manquement.
Sa demande a été rejetée (Cass. com., 10 novembre 2015, n°14-14.820).
La Chambre commerciale a en effet estimé tout d’abord que, si la société Guy Degrenne « avait commencé à développer quelques articles de porcelaine afin de répondre à la spécificité du marché hôtelier des arts de la table, où le réassort est effectué par collections complètes d’articles, son activité essentielle demeurait les couverts« . La Cour relève que « sa spécialité était différente » de celle des sociétés que l’agent avait concomitamment représentées et que « les produits de ces trois marques n’étant pas interchangeables, leur représentation [par l’agent] assurait une complémentarité que la mandante avait acceptée après avoir été informée par l’agent de l’intérêt commercial qu’elle pouvait en tirer« . Il en résulte que l’agent n’avait pas violé son obligation de non-concurrence.
De jurisprudence ancienne, le fait pour l’agent, à qui incombe une obligation de loyauté, d’accepter la représentation de produits concurrents en violation d’une clause expresse de non-concurrence ou de son obligation légale de non-concurrence prévue à l’article L.134-11 du Code de commerce, constitue une faute grave, privative d’indemnité.
Au cas particulier, la Cour souligne que les produits, dont l’agent avait accepté la représentation, n’étaient pas concurrents car ils n’étaient pas « interchangeables » mais seulement complémentaires. Il est intéressant de noter que pour renforcer son analyse, la Cour de cassation prend en compte l’activité essentielle des entreprises en cause et recherche la spécialité du mandant pour écarter la représentation concurrente de l’agent.
Auteur
Francine Van Doorne-Isnel, Avocat-counsel, spécialisée en droit commercial et droit de la distribution