Régimes fiscaux des acteurs économiques des centres commerciaux
Les centres commerciaux sont une source de recettes fiscales très importante pour les collectivités locales qui accueillent de tels ouvrages. Cela ouvre des appétits difficiles à satisfaire avec des impositions toujours croissantes et diversifiées
Les centres commerciaux sont des ensembles immobiliers au sein desquels cohabitent différents intervenants dont les régimes juridiques et fiscaux justifient ou rendent nécessaire la recherche de solutions spécifiques au regard des besoins de gestion des centres.
Schématiquement, cohabitent au sein d’un centre commercial les propriétaires (bailleurs ou exploitants) et les locataires exploitants.
Les copropriétaires (sauf cas des centres commerciaux détenus par un unique propriétaire) sont regroupés de par la loi au sein d’un ou plusieurs syndicats de copropriétaires. Le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes conformément à la mission qui lui est assignée par l’article 14 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965.
Les syndicats de copropriétaires peuvent constituer entre eux des unions, celles-ci sont prévues par l’article 29 de la loi de 1965. Les unions sont dotées de la personnalité civile et leur objet est d’assurer la création, la gestion et l’entretien d’éléments d’équipements communs, ou de services d’intérêt commun. Il est possible de créer une union composée d’un seul syndicat de copropriétaires et d’autres membres, tels que des sociétés de construction-vente, des sociétés dites d’attribution, ou bien encore d’autres copropriétaires.
Si dans une copropriété classique, l’exercice de cette mission ne pose pas en principe de difficulté (selon l’administration fiscale, les syndicats de copropriété sont dans l’exercice de leurs missions de simples mandataires des copropriétaires et non des organismes sans but lucratif — Rép. Coussain 29 juillet 1991), il peut en aller différemment au sein d’un centre commercial dès lors que l’administration des parties communes (mails, parkings, voies d’accès selon les cas, etc.) peut amener le syndicat à effectuer des actes qui pourront être analysés comme commerciaux et ainsi caractériser une activité lucrative rendant passible le syndicat des impôts du Commerce.
Telle est la position du Conseil d’Etat (notamment arrêts du 30 décembre 2009 n°294933 et 294934 9e et 10e s.-s., Syndicat de copropriétaires Saint-Vincent Langevin et du 7 décembre 2001 n°212273 sect., Syndicat de copropriétaires des Réaux) qui examine ainsi la situation du syndicat au regard des critères classiquement retenus par la jurisprudence et l’administration qui permettent d’apprécier la non-lucrativité des collectivités privées autres que les sociétés exerçant une activité commerciale.
Afin d’éviter de tels risques et en fonction des projets dont le syndicat ne souhaite pas se saisir directement ou qu’il ne peut développer sans risques fiscaux, il peut être recouru à des structures de type sociétaire constituées par les copropriétaires, qui recevront par exemple la jouissance de certaines parties communes, sur la base, en général, de baux de location nue conclus avec le syndicat et exerceront alors sur les surfaces en question, les activités commerciales concernées. Mais là encore, la prudence est de mise au regard du régime fiscal de certains copropriétaires notamment lorsque certains d’entre eux sont constitués sous la forme de sociétés non soumises à l’IS et particulièrement sous la forme de sociétés civiles non soumises à l’IS, forme sociale qui peut se révéler peu adaptée à la participation à des structures sociétaires commerciales.
Compte tenu par ailleurs de la complexité de l’organisation, au regard du droit de l’urbanisme, de certains centres commerciaux, peuvent également intervenir certaines structures juridiques spécifiques telles que les AFUL (ou associations foncières urbaines libres) qui ont principalement pour objet la réalisation de travaux collectifs qu’elles mettent à disposition au profit de leurs membres. Il peut s’agir ainsi de la construction, de la gestion, de l’entretien et du remplacement des infrastructures telles que routes, éclairages publics, espaces verts qui entourent souvent les centres commerciaux, l’ensemble de ces travaux étant en principe financé par les cotisations de leurs membres, propriétaires de parcelles. Si les associations syndicales autorisées ont la nature juridique d’établissements publics, les AFUL en revanche ont la qualité de personnes morales de droit privé et l’administration fiscale ne les assimile pas à des organismes à but non lucratif en ce qu’elles relèvent du code de l’urbanisme.
Il n’en demeure pas moins que l’administration entend assujettir là encore les AFUL à l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ainsi qu’a la cotisation foncière des entreprises (et le cas échéant à la CVAE) lorsqu’elles développent des activités lucratives. Il en va ainsi notamment selon l’administration, lorsque les services rendus par I’AFUL à ses membres leur permettent de réaliser une économie de charges, nonobstant le fait que l’AFUL présente concomitamment un caractère d’intérêt collectif et qu’elle n’a pas vocation à réaliser des bénéfices.
Les exploitants, quant à eux, qu’ils soient propriétaires ou locataires, sont également amenés à se regrouper afin de défendre leurs intérêts matériels et moraux mais surtout afin d’organiser des actions collectives d’animation. Il peut s’agir de l’animation du centre pour certaines périodes (fêtes, soldes, journées de promotion), de l’organisation des locations dites précaires des mails, de la gestion, en accord avec les copropriétaires et leurs structures représentatives, des éventuelles heures de stationnement dans les parkings, ou bien encore de la mise en place de systèmes de promotion commerciale collective.
Ces groupements de commerçants sont le plus souvent constitués sous la forme d’associations régies par la loi de 1901 ou sous la forme de groupements d’intérêt économique.
Les associations de commerçants sont au terme d’une jurisprudence constante considérées comme soumises à l’impôt sur les sociétés au taux de droit commun et aux mêmes obligations fiscales que la majorité des entreprises, dès lors que leurs activités procurent à leurs adhérents un profit matériel direct ou indirect (Inst. 25 novembre 1980, 4 H-5-80 ; D. adm. 4 H-1161 n°41 et 42, 1er mars 1995 ; BOI-I5-CHAMP-10-50-10-30 n°110 et 120). Il en va de même, sauf exceptions particulières, en matière de TVA. Les associations de commerçants sont enfin soumises dans les mêmes conditions à la CET.
Les GIE constitués par les commerçants afin de rendre à leurs membres un certain nombre de services présentent l’avantage de constituer des structures fiscalement translucides (ce qui signifie que leurs résultats fiscaux bénéficiaires ou déficitaires sont appréhendés directement par leurs membres) pour autant cependant que conformément aux dispositions de l’article 239 quater du CGI, ils soient constitués et fonctionnent dans les conditions prévues aux articles L. 251-1 à L. 251-23 du code de commerce.
Or, le GIE a pour but de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroître leurs résultats. Son activité doit ainsi se rattacher à l’activité économique de ses membres et ne peut avoir qu’un caractère auxiliaire par rapport à celle-ci, sans s’y substituer ni constituer une activité autonome. A défaut, le GIE est soumis à l’iS. Cette ligne de partage n’est jamais aisée à respecter dans le cadre des activités pouvant être déployées au sein d’un centre commercial, ce qui fait que le choix du GIE se révèle en réalité assez peu courant.
A propos de l’auteur
Laurent Chatel, avocat associé. Il intervient plus particulièrement en matière de taxe professionnelle et désormais de CET (CFE et CVAE) pour les entreprises et les collectivités locales, cotisation minimale assise sur la valeur ajoutée, taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties, taxe sur les locaux de bureaux, commerciaux et entrepôts en Ile-de-France, taxe d’habitation des entreprises et des personnes physiques, Taxe Locale sur la Publicité Extérieure (TLPE) et Taxe sur les Surfaces Commerciales (TASCOM).
Article paru dans la revue Option Droit & Affaires du 18 septembre 2013
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