Procès-verbal des élections professionnelles : n’oubliez pas d’annexer les bulletins blancs et nuls !
23 mars 2016
Intervenant en bout de course, à la fin d’un processus électoral long et jalonné d’étapes, la rédaction des procès-verbaux des élections doit également faire l’objet d’une vigilance particulière.
Après la modification du formulaire Cerfa proposée par le Ministère du Travail, intégrant la mention des heures d’ouverture et de fermeture du scrutin sur le procès-verbal des élections, il était possible de penser que la question des vices concernant l’élaboration desdits PV était épuisée (voir La jurisprudence sur la rédaction des PV des élections : suite… et fin ?).
Toutefois, par un arrêt du 25 janvier 2016 (n° 14-29.796), la Cour de cassation soulève une nouvelle difficulté, relative à l’absence d’annexion des bulletins blancs ou nuls, dont elle considère qu’elle peut être de nature à entraîner l’annulation des élections.
En l’espèce, une petite entreprise comptant 22 électeurs, avait procédé à l’organisation de l’élection de son unique délégué du personnel titulaire. Au premier tour, un seul candidat s’était présenté, sous l’étiquette CFDT, mais n’avait pas été élu, faute de quorum.
En effet, sur les 22 électeurs inscrits, seuls 13 avaient participé au vote. Et parmi les 13 suffrages, 3 enveloppes avaient été trouvées vides. Ces 3 scrutins avaient déclarés blancs ou nul, et comptabilisés comme tels au procès-verbal. Seuls 10 suffrages étant considérés comme valablement exprimés au 1er tour, le quorum qui était fixé à 11 (22 / 2) n’était pas atteint, et un second tour avait donc été organisé.
Or, au second tour, le salarié présenté par la CFDT, ayant bénéficié de 6 suffrages, avait été battu par un candidat libre, qui en avait lui totalisé 13.
Le syndicat avait alors saisi le tribunal d’instance d’une demande d’annulation des élections, au motif que les 3 bulletins blancs et nuls n’avaient pas été annexés au procès-verbal des élections.
Déboutée en première instance, l’organisation syndicale obtient gain de cause devant la Cour de cassation.
Les bulletins blancs et nuls doivent mentionner la cause de leur annulation, être contresignés par les membres du bureau de vote, puis annexés au PV des élections
Aux termes de l’article L. 66 du Code électoral, les bulletins blancs ou nuls «sont annexés au procès-verbal ainsi que les enveloppes non réglementaires et contresignés par les membres du bureau», chacun de ces bulletins devant «porter mention des causes de l’annexion».
Au cas particulier, les enveloppes vides avaient bien été contresignées par les membres du bureau, mais ne portaient pas la mention de la cause de leur annulation. Qui plus est, elles n’avaient pas été annexées au procès-verbal, mais avaient été conservées par l’employeur.
Le tribunal d’instance avait refusé d’annuler les élections en considérant que la conservation par l’entreprise des bulletins contresignés équivalait à une annexion et que, bien que la cause de la nullité ne soit pas mentionnée sur les enveloppes, «rien ne permettait de penser que les mentions portées au procès-verbal seraient fausses».
Le raisonnement n’était pas aberrant. Et ce d’autant moins que le dernier alinéa de l’article L. 66 du Code électoral, précisant que «si l’annexion n’a pas été faite, cette circonstance n’entraîne l’annulation des opérations qu’autant qu’il est établi qu’elle a eu pour but et pour conséquence de porter atteinte à la sincérité du scrutin», semble faire peser la charge de la preuve d’une intention de fausser le scrutin sur le demandeur.
L’annulation est encourue si le vice constaté est de nature à affecter la sincérité du scrutin
La Cour de cassation se montre cependant moins exigeante à l’égard du syndicat demandeur – et corrélativement plus sévère à l’égard de la procédure électorale – en cassant le jugement, au visa de l’article précité, au motif que le Tribunal «n’était pas en mesure d’exercer son contrôle».
Ceci étant, si elle ne recherche pas l’intention malhonnête qui semblait prescrite par l’article L. 66, la Haute juridiction n’en fait pas moins preuve d’un peu de pragmatisme et reste conforme à sa jurisprudence traditionnelle selon laquelle une irrégularité de procédure n’entraîne pas automatiquement la nullité du scrutin, mais seulement si elle est de nature à en avoir affecté la sincérité.
Au cas particulier, la Cour prend soin de relever que, non seulement les bulletins déclarés blancs ou nuls n’étaient pas annexés au procès-verbal des élections, mais encore :
- d’une part, que les enveloppes conservées par l’employeur ne comportaient pas la mention du motif de leur mise à l’écart ;
- et, d’autre part, qu’un seul vote valable supplémentaire aurait permis d’atteindre le quorum.
L’on peut donc penser que la Cour aurait approuvé la décision de première instance si, en tout état de cause, le quorum n’avait pas pu être atteint.
De la même manière, l’annulation aurait sans doute pu être écartée si les membres du bureau de vote avaient précisé la mention «trouvée vide» sur les enveloppes qu’ils avaient contresignées, bien que celles-ci n’aient pas été annexées, mais conservées par l’employeur.
Il est également possible d’imaginer, par analogie avec la décision retenue par la Cour s’agissant de la mention des horaires d’ouverture et de clôture du scrutin, que l’élection aurait été préservée si un huissier avait assisté au dépouillement et dressé un constat faisant état des enveloppes vides…
En conclusion, l’employeur a tout intérêt à être vigilant et à rappeler aux membres du bureau de vote la procédure particulière d’annexion des bulletins blancs et nuls, ce d’autant plus que, là encore, ni le formulaire Cerfa proposé par l’Administration, ni sa notice, ne rappellent cette obligation. A bon entendeur…
Auteurs
Raphaël Bordier, avocat associé, département droit social.
Aurore Friedlander, avocat, département droit social
Procès-verbal des élections professionnelles : n’oubliez pas d’annexer les bulletins blancs et nuls ! – Article paru dans Les Echos Business le 23 mars 2016
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