Open Data : Transposition de la directive du 26 juin 2013 concernant la réutilisation des informations du secteur public : fait !
Après l’expiration, le 18 juillet 2015, du délai imparti par l’Union européenne pour transposer la deuxième directive Open data (directive 2013/37/UE), le Gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi relatif à la réutilisation des informations du secteur public. Le 29 décembre 2015, grâce au jeu de la procédure accélérée, la loi n°2015-1779 du 28 décembre 2015 a été publiée au Journal officiel.
Elle systématise le partage de données publiques et améliore leur diffusion. Ainsi, son article 5 consacre le principe de gratuité de l’accès et de la réutilisation des informations (sous réserve de certaines exceptions). Ce faisant, le texte adopté va au-delà de ce qu’exige la directive qui pose le principe d’une tarification au coût marginal. Il est vrai qu’aujourd’hui les possibilités de mettre en ligne les données réduisent les coûts de mise à disposition à un niveau si faible que la tarification n’a plus véritablement de sens.
Les informations du secteur public mises à disposition sous forme électronique doivent l’être « si possible, dans un standard ouvert et aisément réutilisable, c’est-à -dire lisible par une machine » (article 2). Par ailleurs, l’Administration doit désormais publier dans un standard ouvert les conditions de réutilisation de ses informations publiques, le montant des redevances exigées, le cas échéant, et les bases de calcul de celui-ci (article 7).
Dans la même optique, les informations détenues par les établissements culturels, d’enseignement et de recherche sont désormais soumises au droit commun en matière de réutilisation : il n’est plus possible d’en refuser par principe la communication (article 3). Là encore, la directive 2013/37/UE n’impose pas cette évolution. Sur ce point, le rapport de la Commission mixte paritaire du 24 novembre 2015 a précisé que cela n’aurait pas pour effet de rendre communicables les travaux et documents de recherche inachevés, et encore non publiés. Mais cela n’est que l’esprit du texte, pas sa lettre. En pratique, des difficultés risquent de se poser si cette disposition n’est pas précisée notamment en ce qui concerne la communication de travaux scientifiques restés confidentiels et dont la divulgation pourrait les priver de toute protection ultérieure (et notamment au titre du droit de la propriété intellectuelle).
D’autres applications pratiques pourraient découler de cette ouverture de l’accès aux données scientifiques. Par exemple, le Conseil d’Etat a récemment jugé que la société Les laboratoires Servier ne pouvait pas se voir communiquer les fiches cliniques et échographiques détenues par l’Agence nationale de sécurité du médicament qui avaient servi de base de travail pour la rédaction d’un rapport rendu public sur son site Internet. Ces fiches devaient en effet être étudiées dans le cadre d’une expertise judiciaire prescrite dans le cadre du volet pénal de l’affaire du Médiator (CE, 30 décembre 2015, n°378268). Une deuxième décision du même jour consacrait une solution identique, s’agissant de la communication des données sources de deux études de la CNAMTS relatives à la spécialité Mediator (CE, 30 décembre 2015, n°372230). Il n’est pas certain qu’une telle solution, protectrice de l’impartialité de la procédure judiciaire, puisse perdurer après l’entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2015.
La possibilité de déroger au principe de gratuité et d’exiger une redevance en contrepartie de la communication de données publiques est encadrée, plus strictement que ne l’exige l’Union européenne (article 5). Les modalités de fixation de ces redevances seront fixées par décret en Conseil d’Etat, tout comme les catégories d’administrations admises à les exiger. La liste devrait être limitée, les recettes tirées de la perception de ces redevances étant à ce jour négligeables pour la majorité des administrations. Les contrats et actes administratifs existants à la date de publication de la loi, et prévoyant le versement de redevances de réutilisation, devront être mis en conformité avec les nouvelles règles avant le 1er décembre 2016.
Concernant les droits qui peuvent être octroyés à des tiers, la faculté d’accorder un droit d’exclusivité sur des données publiques est restreinte à certains cas de figure limitativement énumérés (article 4). La durée d’une telle exclusivité ne peut plus dépasser dix ans, sauf dérogations aménagées par le texte, et les accords d’exclusivité doivent, depuis la publication de la loi, être rendus publics sous forme électronique. Les accords d’exclusivité existants devront, quant à eux, être mis en conformité avec la loi du 28 décembre 2015 lors du premier réexamen prévu. Ceux qui ne seraient pas conformes au nouveau texte prendront fin à l’échéance du contrat, ou au plus tard le 18 juillet 2043 (article 10).
Les conditions d’octroi des licences sont également encadrées. Un accord de licence doit être établi si une redevance est exigée (article 6), mais peut aussi être conclu en cas de réutilisation gratuite. Il s’agit d’une nouveauté par rapport à la position traditionnelle de la Commission d’accès aux documents administratifs qui n’envisageait la conclusion d’une licence écrite qu’en cas de perception d’une contrepartie. Cela ne peut qu’avoir des vertus pédagogiques. La réutilisation des données publiques devrait ouvrir de nouveaux marchés, notamment fondés sur l’agrégation de données publiques au sein d’outils informatiques offrant des services à forte valeur ajoutée aux utilisateurs finaux.
Certaines questions restent toutefois en suspens, comme celle de l’intéraction entre l’ouverture des données publiques et la protection des données personnelles, ou encore celle de la protection des droits de propriété intellectuelle existants sur certains documents publics susceptibles de devoir être diffusés. Un début de réponse pourrait y être apporté prochainement dans le projet de loi pour une République numérique (voir notre article sur ce sujet). Reste à savoir si ce texte, ainsi que les autres à venir en 2016, n’introduiront pas de dissonances dans un dispositif qui semble, à ce jour, transposer fidèlement le droit de l’Union européenne.
Auteurs
Prudence Cadio, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et des Nouvelles Technologies.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.