La résiliation du contrat d’édition d’une œuvre de collaboration suppose l’unanimité des coauteurs
Dans un arrêt en date du 14 octobre 2015, publié au Bulletin, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle une règle simple en matière de droit d’auteur, mais lourde de conséquences. Il s’agit du principe posé par l’article L.113-3 du Code de la propriété intellectuelle selon lequel « l’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs », étant précisé que « les coauteurs doivent exercer leurs droits d’un commun accord ».
En l’espèce, un compositeur de musique avait assigné son éditeur en résiliation de divers contrats d’édition, portant notamment sur deux œuvres musicales créées en collaboration avec un parolier. Cette demande était fondée sur l’inexécution par l’éditeur de son obligation d’exploitation permanente et suivie des œuvres. Le compositeur avait obtenu la résiliation de 34 contrats aux torts exclusifs de son éditeur, dont ceux portant sur les deux œuvres de collaboration et ce, malgré l’opposition du parolier à cette demande de résiliation.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel : elle reproche à la Cour, non pas d’avoir prononcé la résiliation puisque l’article L.113-3 précise bien qu' »en cas de désaccord, il appartient à la juridiction civile de statuer« , mais de l’avoir fait en considérant que l’opposition du parolier « ne vaut que pour ses propres liens contractuels avec la société éditrice et ne fait pas obstacle au prononcé de résiliation à l’égard [du compositeur] » (Cass. Com., 14 octobre 2015, n°14-19.214).
Elle voit, avec raison, dans la solution retenue par la Cour d’appel une violation du texte de loi, lequel consacre une indivision sur l’œuvre de collaboration, et la nécessaire unanimité des coauteurs dans le cadre de l’exploitation de cette œuvre. Le contrat d’édition sur une telle œuvre doit être conclu par chaque coauteur, à défaut de quoi l’exploitation sera contrefaisante ; de la même manière, la résiliation valable du contrat d’édition doit l’être du commun accord des coauteurs, sauf à ce qu’une décision du juge permette de passer outre le refus de l’un d’entre eux.
Une exception à cette règle est apportée par le dernier paragraphe de l’article L.113-3 qui énonce : « Lorsque la participation de chacun des coauteurs relève de genres différents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter séparément sa contribution personnelle, sans toutefois porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune« . Or, la jurisprudence considère traditionnellement que les contributions du parolier et du compositeur de musique, regroupées dans une œuvre de collaboration, constituent un ensemble indivisible et non pas des participations relevant de genres différents (par exemple : Cass 1re civ., 3 avril 2001, n°98-18.476 ; CA Paris, 20 juin 2008, n°05/16247).
En l’occurrence, le désaccord du parolier –facteur bloquant de la résiliation– ne pouvait être mis de côté comme il l’avait été, et la Cour de cassation assène le coup : la juridiction aurait dû trancher clairement ce désaccord.
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Julie Tamba, avocat en droit de la Propriété Intellectuelle et droit commercial