Algérie | Aspects contractuels des marchés publics
Mentions des marchés
Le Décret modifie sur les mentions complémentaires, devant figurer dans un marché public, en adjoignant : l’actualisation à la clause de révision des prix, le développement durable aux clauses relatives à la protection de l’environnement ; et l’insertion professionnelle des personnes exclues du marché du travail et des handicapés aux clauses relatives à la main d’œuvre locale.
Le Décret a introduit par ailleurs deux nouvelles clauses parmi les mentions dites complémentaires, à savoir : la clause de secret et de confidentialité, et la clause d’assurances (art. 95).
Il indique également que : «dans le cas des marchés publics complexes, conclus sur la base de performances à atteindre, le service contractant peut intégrer dans le marché une clause incitative permettant d’obtenir du partenaire cocontractant un meilleur rapport qualité/prix/délai» (art. 97).
Prix, modalités de paiement et garanties
- Prix des marchés publics
Parmi les nouveautés apportées par le Décret, retenons que l’article 97 prévoit exceptionnellement la possibilité de fixer à titre provisoire le prix d’un marché public dans les cas suivants :
- marchés publics de maîtrise d’œuvre de travaux, conclus sur la base d’un coût d’objectif ;
- marchés publics conclus de gré à gré simple, dans le cas de l’urgence impérieuse ;
- prestations complémentaires, dans le cadre d’un marché de travaux.
Par ailleurs, selon l’article 98 du Décret, les prix des marchés publics conclus sous le mode du gré à gré simple ne sont plus actualisables contrairement à ce que prévoyait l’ancienne réglementation (art. 65 du décret présidentiel n°10-236).
Deux précisions sont aussi rapportées par l’article 103 concernant les indices de prix à prendre en considération dans les formules de révision des prix :
- dans le cadre des marchés de travaux, il peut être utilisé, en fonction de l’objet du marché, des index regroupant un certain nombre d’indices ;
- si à la date d’établissement du décompte général et définitif du marché, les indices de prix ou d’index ne sont pas encore publiés, le service contractant peut, exceptionnellement, réviser les prix concernés, lorsque ces indices ou index sont publiés.
- Modalités de paiement
Concernant ce volet, le Décret introduit un délai pour le commencement des remboursements des avances, en édictant en son article 116 que : «les remboursements des avances commencent, par déduction sur les sommes dues au titulaire du marché public, au plus tard lorsque le montant des sommes payées atteint trente-cinq pour cent (35%) du montant initial du marché».
Il prévoit par ailleurs la possibilité d’une libération partielle de la caution de restitution d’avances, comme corollaire du remboursement partiel desdites avances.
Il est à retenir également que l’article 122 du Décret prévoit une nouvelle formule de calcul des intérêts moratoires que fait courir le défaut de mandatement des acomptes ou du solde dans les délais fixés: «le défaut de mandatement dans le délai prévu ci-dessus, fait courir, de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du cocontractant, des intérêts moratoires calculés au taux d’intérêt directeur de la banque d’Algérie augmenté d’un (1) point, à partir du jour suivant l’expiration dudit délai jusqu’au quinzième (15) jour inclus suivant la date du mandatement de l’acompte».
- Garanties d’exécution
Les principales nouveautés du Décret en matière de garanties portent sur la caution de bonne exécution, et se résument ainsi :
- alors que l’ancienne réglementation renvoyait la détermination des marchés, dispensés de la caution de bonne exécution, à un arrêté interministériel, le Décret semble responsabiliser davantage le service contractant en reconduisant, en son article 130, cette dispense pour «certains marchés d’études et de services dont le service contractant peut vérifier la bonne exécution avant le paiement des prestations» ;
- les marchés de maîtrise d’œuvre de travaux ne sont pas concernés par la dispense de la caution de bonne exécution ;
- outre les cas de dispense de la caution de bonne exécution figurant déjà dans l’ancien texte, le Décret prévoit que : «le service contractant peut dispenser son partenaire cocontractant de la caution de bonne exécution pour les marchés conclus de gré à gré simple et ceux conclus avec des établissements publics».
Modification des marchés publics
Le Décret encadre de manière plus détaillée que dans l’ancienne réglementation les modifications contractuelles pouvant intervenir durant la vie d’un marché public, tout en maintenant l’interdiction pour celles-ci de porter sur l’objet ou l’étendue du marché.
Tout en consacrant l’avenant comme procédé, l’article 136 du Décret appréhende la question des modifications contractuelles par le biais des raisons qui les motivent :
– Modifications dictées par des prestations supplémentaires et/ou complémentaires
Le Décret prévoit la possibilité pour le service contractant, dans l’attente de la finalisation de l’avenant, d’émettre des ordres de service permettant d’ordonner l’exécution, dans des délais déterminés, de prestations supplémentaires et/ou complémentaires. Cette faculté peut jouer lorsque les quantités fixées dans un marché public ne permettent pas la réalisation de son objet, notamment dans le cas des marchés de travaux, à l’exception des cas qui relèvent de la responsabilité de l’entreprise.
Le Décret précise dans le cas de prestations complémentaires avec de nouveaux prix, que le service contractant peut émettre des ordres de services avec des prix provisoires.
En tout état de cause, le service contractant est tenu d’établir un avenant et de le soumettre à l’examen de la commission des marchés compétente, lorsque le montant total des prestations supplémentaires, complémentaires et en diminution atteignent 10% du montant initial du marché.
A noter que les prestations qui ne sont pas confiées par ordre de service ne peuvent faire l’objet d’une régularisation par avenant.
– Modifications dictées par l’impératif de continuité d’un service public
Le Décret reconduit le principe de pareilles modifications en les assujettissant néanmoins à des conditions additionnelles.
En effet, en vertu de son article 136, lorsque les circonstances le justifient, le service contractant peut conclure un avenant à un marché de prestations de services ou d’acquisition de fournitures dont l’objet a été réalisé, pour prendre en charge les dépenses indispensables à la continuité d’un service public déjà établi, après décision du responsable de l’institution publique, du ministre ou du wali concerné, à la condition que :
- les circonstances à l’origine de cette prorogation n’aient pas pu être prévues par le service contractant et n’aient pas été le résultat de manœuvres dilatoires de sa part ;
- l’avenant intervienne en tout état de cause avant la réception définitive du marché ;
- le délai de l’avenant ne puisse dépasser trois (3) mois ; et
- les quantités en augmentation ne puissent dépasser le taux de 10% du montant initial du marché.
Par ailleurs, le Décret impose au service contractant de justifier tant au plan éthique, qu’au plan économique le recours aux avenants lorsque ceux-ci dépassent certains pourcentages du montant initial du marché. En effet, l’article 136 indique en son dernier paragraphe que : «lorsque la valeur de l’avenant afférent à une augmentation des prestations ou la valeur cumulée de plusieurs avenants, à l’exception des sujétions techniques imprévues précitées, dépasse quinze pour cent (15%) du montant initial du marché, dans le cas des marchés de fournitures, études et services et vingt pour cent (20%) dans le cas des marchés de travaux, le service contractant doit justifier auprès de la commission des marchés compétente que les conditions initiales de mise en concurrence ne sont pas remises en cause et que le lancement d’une nouvelle procédure, au titre des prestations en augmentation, ne permet pas de réaliser le projet dans les conditions optimales de délai et de prix».
A l’instar de l’ancienne réglementation, le Décret énumère les cas dans lesquels l’avenant peut être conclu et soumis à l’organe de contrôle externe des marchés compétent en dehors des délais contractuels d’exécution. Et si le Décret reprend littéralement au premier paragraphe de son article 138 les deux premiers cas déjà prévus dans l’ancien texte (article 105 du décret abrogé), il n’est plus question en son troisième tiret de «l’avenant ayant pour objet de clôturer définitivement le marché».
En effet, le troisième cas est désormais ainsi formulé : «(…) – lorsque, exceptionnellement l’avenant ayant pour objet l’ajustement des quantités définitives du marché, ne peut être passé dans les délais contractuels».
Le Décret précise en outre que cet avenant peut être passé même après la réception provisoire du marché mais en tout état de cause, avant la signature du décompte général et définitif.
Le Décret introduit une dernière nouveauté en la matière en précisant que : «Les incidences financières en devises découlant de la mise en œuvre de clauses contractuelles autres que celles relatives à la modification des quantités des prestations, doivent faire l’objet d’un certificat administratif établi par le service contractant. Une copie de ce certificat est transmise à la Banque d’Algérie et à la banque commerciale concernée» (art. 136).
Résiliation des marchés publics
Outre ce que prévoyait l’ancienne réglementation, le Décret offre au service contractant de nouvelles options de résiliation du marché. Il s’agit en particulier de :
- la résiliation partielle du marché, qui nous semble pouvoir être particulièrement envisagée dans le cadre de marchés passés avec des GME ;
- la résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général, même sans faute du cocontractant. Notons que sans définition de l’intérêt général, la mise en application de cette possibilité prévue à l’article 150 du Décret, peut donner lieu à certains abus et génèrera en tout état de cause de nombreux contentieux.
Par ailleurs, en reconduisant en son article 152 l’ancienne disposition selon laquelle «le service contractant ne peut se voir opposer la résiliation du marché public lors de la mise en œuvre, par ses soins, des clauses contractuelles de garanties et des poursuites tendant à la réparation du préjudice qu’il a subi par la faute de son cocontractant», le Décret met à la charge du cocontractant défaillant les surcoûts induits par le nouveau marché.
Auteurs
Samir Sayah, Directeur de CMS Bureau Francis Lefebvre Algérie, spécialisé dans l’assistance juridique et fiscale aux investisseurs étrangers souhaitant concrétiser leurs projets algériens
Amine Bensiam, avocat, spécialisé en droit des investissements et de droit des marchés publics.