Fiscalité de la SLP dans un contexte international
D’un point de vue juridique, la société de libre partenariat (SLP) est une société qui a tous les attributs normalement dévolus aux personnes morales. Elle relève, dans ses règles de fonctionnement, de la catégorie des sociétés en commandite simple.
La société et ses associés ont donc des personnalités distinctes. Pour ce qui est de son régime fiscal, la loi prévoit que, pour l’imposition de ses bénéfices et celle de ses associés, la SLP est assimilée à un fonds professionnel de capital investissement (FPCI) constitué sous la forme d’un fonds commun de placement (article 1655 sexies A du CGI).
Or, un FPCI est, par définition, un fonds dépourvu de personnalité morale. Toute la difficulté va donc résulter de la transposition qu’opère la loi d’un régime fiscal qui a été originellement prévu pour un fonds, entité sans personnalité morale, à une société, entité avec personnalité morale. Ces précisions liminaires ayant été apportées, les praticiens vont par conséquent être amenés à traiter des questions fiscales inédites avec cette société au statut innovant, et sans aucun doute ces questions prendront-elles de nouvelles dimensions dès lors qu’elles s’inscriront dans un contexte international. Rappelons à cet égard qu’un des objectifs essentiels de la SLP était précisément d’attirer en France de nouvelles catégories d’investisseurs étrangers par l’intermédiaire de ce véhicule. Il faudra donc qu’à terme, certaines zones d’incertitudes fiscales soient levées. L’objet de cet article n’est pas de traiter de l’intégralité du régime fiscal de la SLP dans l’ordre international, mais, plus modestement, de mettre en lumière certaines des problématiques fiscales identifiées à ce jour. Pour cela, nous distinguerons la fiscalité propre à la SLP de celle qui est applicable aux porteurs de parts non-résidents.
La fiscalité applicable à la SLP
A l’origine, la SLP devait être un véhicule d’investissement fiscalement transparent, ce qui aurait été un pas de géant pour la fiscalité française, notamment dans un contexte international. La transparence signifie en effet la négation, au regard des règles fiscales, de la personnalité de la société. Un revenu perçu par la SLP aurait été considéré comme ayant été directement perçu par l’associé (et donc immédiatement taxable entre les mains de cet associé, du moins d’un associé résident). Au cas particulier d’une SLP investissant à l’étranger, la convention fiscale applicable aurait été en principe la convention liant l’Etat de la source avec l’Etat de la résidence des associés.
Le législateur a préféré reculer pour calquer le régime d’imposition de la SLP sur celui des FPCI, pour autant que la SLP remplisse un certain nombre de critères et soit une SLP «fiscale». Schématiquement, la seule certitude aujourd’hui réside dans le fait que la SLP n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés (IS). Mais, selon nous, la SLP n’est ni fiscalement opaque, ni fiscalement translucide ou transparente : les flux reçus par la SLP ou les plus-values réalisées par celle-ci ne sont pas imposés à son niveau et ils ne seront pas imposés entre les mains des associés tant que la SLP ne réalisera pas de répartition d’actifs ou de distribution de dividendes. Ce régime hybride suscite ainsi des questions en ce qui concerne tant l’imposition de la SLP elle-même que celle des porteurs de parts.
- La SLP ne devrait pas être un résident fiscal au sens conventionnel
La plupart des conventions fiscales conditionnent la qualité de résident à l’assujettissement à l’impôt. Dans la mesure où la SLP est exonérée d’IS, elle ne pourra généralement pas être regardée comme un «résident fiscal» au sens de la plupart des conventions fiscales.
Cette qualification a une importance lorsque la SLP a des associés non-résidents ou lorsque la SLP a investi hors de France et que le pays de la source doit déterminer si un flux est ou non assujetti à retenue à la source. Dans ce dernier cas, selon l’analyse que mènera le pays de la source au regard de son droit interne sur la nature de la SLP elle-même, il pourra appliquer uniquement son droit interne ou, le cas échéant, appliquer la convention qui le lie avec le pays de résidence des porteurs de parts de la SLP.
- La SLP ne devrait pas pouvoir être regardée comme un OPCVM ou un partnership au sens conventionnel
Certaines conventions fiscales prévoient des règles particulières pour les OPCVM et les partnerships. A titre de rappel, les stipulations conventionnelles relatives aux OPCVM peuvent être regroupées en deux grandes catégories : celles qui traitent des revenus de source étrangère perçus par des OPCVM français qui visent soit à limiter la retenue à la source, soit à accorder les avantages conventionnels collectivement pour les porteurs de parts français et celles qui ont pour objectif d’accorder des limitations de retenue à la source lors de la redistribution des revenus. Cependant, dans la mesure où les conventions sont d’interprétation littérale (pour autant que cette interprétation littérale ne soit pas contraire à leur objet et à leur but), la SLP ne devrait pas pouvoir bénéficier des stipulations relatives aux OPCVM dans la mesure où cette société est un fonds professionnel spécialisé, et non un OPCVM.
De même, la SLP ne devrait pas pouvoir bénéficier des clauses relatives aux partnerships. A titre d’exemple, l’article 4 § 3 de la convention franco‑américaine stipule qu’«aux fins d’application de la présente Convention, un élément de revenu, bénéfice ou gain perçu par l’intermédiaire d’une entité considérée comme fiscalement transparente en vertu de la législation fiscale de l’un ou l’autre des Etats contractants, et qui est constituée ou organisée : dans l’un ou l’autre des Etats contractants (…) est réputé perçu par un résident d’un Etat contractant dans la mesure où cet élément de revenu est traité, par la loi fiscale de cet Etat, comme le revenu, bénéfice ou gain d’un résident». Or, il convient de ne pas confondre «transparence» et «non-assujettissement à l’impôt». Quand bien même la SLP ne serait pas assujettie à l’IS, un revenu de source étrangère perçu par une SLP ne devrait pas pour autant être considéré par le droit fiscal français comme étant le revenu des porteurs de parts. Selon notre droit interne, ces revenus ne sont en effet imposés chez les porteurs que lors de la répartition d’actifs.
La fiscalité applicable aux porteurs non-résidents
Au sein des distributions de dividendes, il convient de distinguer celles qui relèvent du régime de droit commun de celles qui bénéficient du régime de la répartition d’actifs. Il convient également de réserver le cas de la cession des parts de la SLP.
- La distribution d’un dividende
Quand bien même la SLP ne serait pas soumise à l’IS, la retenue à la source prévue à l’article 119 bis 2 du CGI devrait être applicable lorsque la SLP réalise une distribution de simples revenus (tels que redistribution de dividendes ou distribution d’intérêt perçus par la SLP). Selon les situations, cette retenue à la source s’élève soit à 21%, soit à 30% des revenus distribués. Là encore se posera la question de l’application éventuelle d’une convention fiscale en vue de réduire ou d’éliminer cette retenue à la source française. Cette question dépendra de la rédaction conventionnelle de la clause dividendes. Si les stipulations conventionnelles font référence à la distribution d’un dividende par un «résident» d’un Etat contractant, la clause ne sera pas applicable et la retenue à la source de droit interne s’appliquera sans limitation. Si, au contraire, la convention ne fait pas référence à cette condition d’assujettissement à l’impôt, le taux conventionnel devrait alors s’appliquer.
- La répartition d’actifs
Aux termes de l’article 244 bis B alinéa 3 du CGI, les répartitions d’actifs éalisées par une SLP sont soumises à une retenue à la source de 45%, sous condition de détention d’une participation substantielle dans la société cible. Le seuil de détention de 25% caractérisant cette participation substantielle de la société cédée est apprécié au niveau du porteur d’actions de la SLP, de manière directe et indirecte via la SLP, et non au niveau de la SLP elle-même.
Dès lors, et sous réserve de la législation propre aux Etats et territoires non coopératifs (ETNC), une répartition d’actifs ne serait imposable que si, d’une part, les porteurs détiennent directement ou indirectement, à travers la SLP, une participation substantielle dans la société cédée et, d’autre part, que les stipulations d’une convention fiscale ne font pas obstacle à cette imposition. Or, la plupart des conventions devraient faire obstacle à l’application du prélèvement du 244 bis B du CGI : soit parce que la convention retire le droit d’imposer à la France les plus-values de ce type ; soit parce que la convention, quand bien même elle permettrait l’imposition des cessions de participations substantielles, ne permet l’imposition qu’en cas de cession de titres d’une société résidente (Italie, Espagne) et la SLP ne devrait pas qualifier comme «société résidente» ; soit enfin parce que la répartition d’avoirs, sans annulation de parts, n’est pas une aliénation au sens conventionnel.
- La cession de parts de SLP
La cession de participation substantielle dans une SLP ne devrait pas entrer dans le champ d’application de l’article 244 bis B du CGI dans la mesure où cet article vise, par renvois, la cession de titres d’une société soumise à l’IS.
Dès lors, en dépit de certaines zones d’ombre, le régime fiscal de la SLP nous semble avoir atteint un des objectifs premiers qui lui avait été assigné, savoir être un véhicule d’investissement performant d’un point de vue fiscal dans le but de concurrencer les structures d’investissement étrangères. Il revient désormais à l’administration fiscale française qui, espérons-le, commentera ce régime, de confirmer notamment ce traitement performant dans un contexte international.
Auteurs
Thierry Granier, avocat associé, en matière de fiscalité internationale,
Benoît Foucher, avocat en matière de fiscalité internationale et dans les aspects fiscaux des financements structurés.