Prélèvements sociaux indus : comment réclamer ?
15 décembre 2015
Les prélèvements sociaux (CSG, CRDS, etc.) frappent les revenus fonciers et les plus-values immobilières de source française des non-résidents. Dans un arrêt du 26 février dernier (De Ruyter), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré que les personnes qui relèvent du régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre de l’UE, de l’Espace économique européen (EEE) ou de la Suisse ne devraient pas être assujetties aux prélèvements sociaux français, dès lors que ces prélèvements financent le système français de Sécurité sociale.
Selon la Cour, le principe d’unicité de législation de sécurité sociale instauré par le règlement communautaire n°1408/71 doit s’appliquer, peu important l’origine professionnelle ou non des revenus. Il en résulte qu’un contribuable cotisant à raison de ses revenus professionnels (ou de remplacement) dans un Etat, ne peut être également soumis, sur ses revenus du patrimoine, à des prélèvements finançant la sécurité sociale d’un autre Etat-membre.
La CJUE apporte à cet égard plusieurs précisions intéressantes. L’application du règlement communautaire n’est pas subordonnée à l’exercice d’une activité professionnelle. En outre, l’existence de contrepartie en termes de prestations est dépourvue de pertinence aux fins d’application du règlement. Enfin, l’impossibilité pour la France de soumettre les revenus du patrimoine aux prélèvements sociaux français n’est pas remise en cause par le fait que l’autre Etat-membre (les Pays-Bas en l’occurrence) n’ait pas encore assujetti ces revenus aux cotisations sociales.
Cette solution a été reprise par le Conseil d’Etat dans une décision du 27 juillet dernier (n°334551), et bien qu’elle soit rendue pour l’application du règlement 1408/71, elle est transposable au nouveau règlement 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, qui consacre le même principe d’unicité de législation.
Par communiqué de presse du 20 octobre dernier, le ministère des Finances a pris acte de ces décisions, en ouvrant une possibilité de réclamation pour les contribuables qui ont par le passé acquitté à tort les prélèvements sociaux. La position du ministère est toutefois que le prélèvement de solidarité de 2%, dû avant le 1er janvier 2015, ne peut être réclamé, au motif qu’il ne financerait pas des branches de sécurité sociale. Or, cette affirmation paraît contestable : il est, en effet, possible de considérer qu’au moins une partie de ce prélèvement est bien affectée au financement de la sécurité sociale.
Par ailleurs, la situation va évoluer à la suite de l’entrée en vigueur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 qui va notamment prolonger l’assujettissement des non-résidents aux prélèvements sociaux, mais va réformer l’affectation de ces derniers, en vue de les faire échapper à la critique.
Qui est concerné par la possibilité de réclamation ?
L’administration fiscale indique, dans son communiqué, que la restitution sur le fondement de l’arrêt De Ruyter est désormais ouverte aux personnes affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre de l’UE ou de l’EEE, ainsi que de la Suisse.
La portée de la décision de la CJUE est, à notre sens, plus large. Elle devrait ainsi être transposable à l’hypothèse où, en application d’un accord bilatéral de sécurité sociale, une personne serait soumise uniquement à la législation d’un autre Etat que la France.
Par ailleurs, la possibilité de réclamation peut intéresser les retraités qui relèvent de la législation de sécurité sociale d’un autre Etat-membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse en application du règlement 883/2004.
Des réclamations à déposer avant la fin de l’année
Les contribuables n’ayant pas encore saisi l’administration fiscale pourront réclamer d’ici au 31 décembre prochain le remboursement des prélèvements sociaux acquittés à compter du 1er janvier 2013, à raison de revenus fonciers (en 2016, il ne sera en principe plus possible de demander le remboursement des prélèvements sociaux payés en 2013).
En raison de l’ambiguïté des textes s’agissant du délai de réclamation portant sur les prélèvements sociaux payés par voie de retenue à la source, il est conseillé de former une réclamation avant le 31 décembre de l’année suivant celle où le prélèvement a été opéré.
Une telle distinction paraît toutefois discriminatoire et l’administration précise d’ailleurs dans son communiqué de presse que les réclamations relatives aux prélèvements sociaux payés depuis le 1er janvier 2013 sont possibles jusqu’au 31 décembre prochain.
Des intérêts moratoires au taux de 4,80% par année sont à demander en plus de la restitution des prélèvements sociaux.
Les cessions réalisées en cette fin d’année 2015
Précisons, pour finir, que l’Administration a récemment indiqué que dans l’attente de l’entrée en vigueur de la nouvelle législation (sur l’affectation des prélèvements sociaux), elle n’exigerait pas le paiement des prélèvements sociaux à raison des ventes d’immeubles réalisées, fin 2015, par des personnes qui relèvent du régime de sécurité sociale d’un autre Etat membre de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse.
Auteurs
Xenia Lordkipanidzé, avocat councel, département fiscalité internationale.
Guillemette Peyre, avocat, en matière de droit social.
Prélèvements sociaux indus : comment réclamer ? – Article paru dans LeRevenu.com le 11 décembre 2015
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