Refonte du dispositif ISF-PME par le PLFR 2015 : précisions relatives aux souscriptions directes et via une société holding
Le dispositif « ISF-PME », qui offre aux contribuables une réduction d’ISF plafonnée et conditionnelle égale à 50 % des sommes investies au capital de PME européennes, est sur le point d’être remanié pour être mis en conformité avec la règlementation européenne. La réforme modifierait notamment le périmètre des PME et des souscriptions éligibles. Le nouveau dispositif entrerait en vigueur à compter du 1er janvier 2016, que les souscriptions soient réalisées en direct ou par l’intermédiaire d’une société holding.
Le dispositif ISF-PME actuellement en vigueur, et prévu à l’article 885-0 V bis du CGI, est soumis à deux règles européennes d’encadrement qui limitent le montant des souscriptions éligibles pour les PME bénéficiaires :
- les sociétés qui remplissent cumulativement les conditions d’éligibilité visées au I et II de l’article 885-0 V bis du CGI ainsi que les conditions spéciales imposées par la règlementation européenne relative au capital-investissement (la société est en phase d’amorçage, de démarrage ou d’expansion, elle n’est pas qualifiable d’entreprise en difficulté et elle ne relève pas de certains secteurs d’activité) peuvent bénéficier d’un financement – aidé par l’octroi aux souscripteurs d’un avantage fiscal – plafonné à 2,5 millions d’euros par période glissante de douze mois ;
- à défaut de respecter les conditions spéciales de la règlementation capital-investissement, la règlementation de minimis (Règlement UE n°1407/2013 du 18 décembre 2013) s’applique et limite le montant total des souscriptions à 200 000 euros par période glissante de trois exercices fiscaux.
L’adoption en 2014 d’un règlement général d’exemption par catégorie n°651/2014 et de nouvelles lignes directrices en faveur de l’accès des PME au financement des risques nécessitait une remise à plat du dispositif de réduction d’ISF.
L’encadrement européen replacé au cœur du dispositif ISF-PME
Longtemps attendue, la mise en conformité du dispositif ISF-PME avec ce nouveau cadre européen du financement des risques se concrétise par l’article 13 du projet de loi de finances rectificative pour 2015. La voie choisie par le Gouvernement consiste notamment à rattacher aux conditions même d’éligibilité des PME certaines conditions qui n’impactaient jusqu’à présent que le montant des souscriptions que ces PME étaient en droit de recevoir.
Le nouveau régime de réduction d’ISF-PME serait ainsi soumis à un régime unique et à un plafond de souscriptions égal à 15 millions d’euros pour l’ensemble des PME éligibles. Le non-respect d’une seule des conditions par la PME aurait pour effet d’écarter le contribuable du bénéfice de la réduction d’ISF et non plus de limiter le montant des souscriptions ouvrant droit à réduction d’impôt, comme c’était le cas pour les conditions « capital-investissement » jusqu’à présent.
Autrement dit, à l’heure actuelle le non-respect des conditions d’encadrement européen du dispositif reste sans conséquence pour le redevable, seule la PME bénéficiaire des versements devant dans cette hypothèse reverser à l’Etat l’avantage excédentaire. Avec la réforme, le non-respect d’une seule des conditions qu’elle soit ou non issue des règles européennes relatives au financement des risques pourrait entraîner la remise en cause de la réduction d’ISF perçue par le souscripteur.
Un recentrage des PME éligibles sur les jeunes entreprises
Le nouveau régime serait recentré sur les jeunes entreprises innovantes puisqu’il viserait uniquement les PME européennes de moins de sept ans. En effet, à la date de l’investissement initial la société devrait soit n’exercer son activité sur aucun marché soit l’exercer sur un marché depuis moins de sept ans, décomptés à partir de la première vente commerciale.
Une société de plus de sept ans pourrait cependant rester éligible si l’investissement est destiné à financer l’introduction de l’entreprise sur un nouveau marché géographique ou de produits et si son montant est supérieur à 50 % du chiffre d’affaires annuel moyen réalisé par la société au cours des cinq années précédentes.
Par ailleurs, le nouveau dispositif exclurait les entreprises en difficultés du périmètre des sociétés éligibles. Cette condition n’est pas nouvelle, mais elle ne devait être respectée sous le régime actuel que par les PME désireuses de bénéficier du plafond de 2,5 millions d’euros autorisé par la règlementation capital-investissement.
Enfin, le montant total des versements (et de l’ensemble des aides en faveur de l’accès des PME au financement des risques) ne devrait pas excéder 15 millions d’euros par PME éligible sur toute la durée de vie de l’entreprise. Avant la réforme, la règlementation européenne limitait ce plafond à 2,5 millions d’euros ou 200 000 euros, mais il était apprécié par période glissante (douze mois pour les règles Capital-Investissement et trois exercices pour la règlementation de minimis).
Ainsi, dans le cadre de la réforme, le respect des conditions prévues par les règles européennes visant à promouvoir les investissements en faveur du financement des risques ne permettrait plus seulement d’obtenir un plafond d’investissement plus élevé mais conditionnerait l’octroi même du bénéfice de la réduction.
Un recentrage de la réduction d’ISF sur de nouveaux investisseurs
L’article 13 du projet de loi de finances rectificative pour 2015 a également pour effet de restreindre les souscriptions éligibles. En effet, jusqu’à présent les contribuables avaient la possibilité de réinvestir à plusieurs reprises, à raison de plusieurs augmentations de capital, dans une même société et de bénéficier d’une année sur l’autre ou au titre de la même année (dans la limite du plafond fixé à 45 000 € par an) du dispositif ISF-PME.
Le projet d’article limite l’éligibilité des souscriptions dans une société dont le souscripteur est déjà associé ou actionnaire à certains cas précis. Ainsi, pour pouvoir réinvestir dans une société dont le souscripteur est déjà détenteur de titres, les conditions cumulatives suivantes devraient être remplies :
- le redevable devrait avoir bénéficié au titre de son premier investissement de la réduction ISF-PME ;
- de possibles investissements successifs devraient avoir été prévus dans le plan d’entreprise de la société bénéficiaire ;
- cette société ne devrait pas être devenue liée à une autre société (c’est-à-dire notamment en cas de détention de plus de 50 % des droits de vote).
Cette nouvelle limitation devrait considérablement réduire les possibilités pour les dirigeants actionnaires de réduire leur ISF en investissant au capital de leur propre société.
Auteurs
Stéphane Bouvier, avocat en droit fiscal
Pauline Combes, avocat, Département fiscal.