Les apports de la loi « Macron » en matière de droit des propriétés intellectuelles
La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite loi « Macron » a beaucoup fait parler d’elle, sur de nombreux sujets, tels que la réforme des professions réglementées, l’urbanisme ou encore le droit de la concurrence (sur ce dernier point, voir le flash info).
Les dispositions intéressant le droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies ont été moins débattues et relayées. Pour autant, elles méritent d’être recensées et présentées. Elles concernent principalement trois sujets : le droit de la propriété industrielle, le droit de l’Internet et les télécommunications.
En matière de droit de la propriété industrielle, la loi du 6 août 2015 renforce les garanties offertes au salarié qui exerce une fonction inventive auprès de son employeur. En effet, dans ce cas de figure, l’invention appartient à l’employeur, qui doit accorder à son employé une rémunération supplémentaire lorsqu’un brevet d’invention est déposé. Dans ce cadre, l’article 175 de la loi modifie l’article L.611-7 du Code de la propriété intellectuelle, et introduit un devoir d’information du salarié consécutif à tout dépôt de brevet, et lors de la délivrance du titre. Ceci afin qu’il puisse, au besoin, faire valoir ses droits.
En matière de droit des nouvelles technologies, la loi intervient sur deux points importants. Tout d’abord, elle encadre les relations commerciales entre hôteliers et plateformes de réservation sur Internet (articles L.311-5-1 nouveau et suivants du Code de tourisme). Celles-ci doivent désormais obligatoirement conclure un mandat écrit pour formaliser les contrats ayant pour objet la location de chambres d’hôtel aux clients. La rémunération de la plateforme doit pouvoir être déterminée librement entre les parties. L’objectif de cette disposition est de mettre fin à la pratique des clauses de parité tarifaire.
Puis d’une manière plus générale, la loi consacre des obligations d’information nouvelles qui s’imposent aux sites Internet de mise en relation. Outre les mentions légales existant depuis la loi n° 2004-575 pour la confiance dans l’économie numérique, les plateformes doivent désormais délivrer une « information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne » (article L.111-5-1 et suivants du Code de la consommation). Ces obligations s’appliquent aussi bien à des sites permettant la commercialisation de biens ou de services que proposant des services d’échange ou de partage de biens. Des obligations supplémentaires existent dans les cas où les personnes mises en relation sont un professionnel et un consommateur, et lorsque deux consommateurs sont mis en relation. Le non-respect de ces nouvelles obligations, qui devront être précisées par décret, est passible d’une amende de 75.000 €, multipliée par cinq pour les personnes morales.
Enfin, c’est en matière de télécommunications que la loi du 6 août 2015 introduit le plus de nouveautés. Tout d’abord, elle apporte une nouvelle contribution en vue de la généralisation du raccordement de tous les foyers et entreprises françaises à un réseau de communications électroniques à très haut débit. Son article 11 modifie les textes applicables au Grand Paris en ce sens. Son article 114 organise son installation dans les copropriétés, tandis que son article 118 prévoit les modalités de raccordement à la fibre optique des logements et immeubles à usage d’activités. Dans ce cadre, les opérateurs peuvent obtenir, pour les zones raccordées, le statut de « zone fibrée » (article 117). Ce travail de développement du raccordement sera continué prochainement, puisque l’article 115 de la loi autorise le Gouvernement à intervenir par voie d’ordonnances en la matière.
Par ailleurs, la loi du 6 août 2015 renforce les obligations des exploitants de réseaux wifi ouverts au public. Ceux-ci doivent déjà, en vertu de l’article L.33-1 du Code des postes et des communications électroniques, déclarer l’existence de leur réseau. Désormais, s’ils ne le font pas, l’autorité de contrôle peut les inviter à le faire, puis y procéder d’office (article 121 de la loi). Par ailleurs, l’article 128 de la loi précise la loi n°2015-136 du 9 février 2015 (pour en savoir plus sur cette loi, vous pouvez consulter notre article dans la lettre des propriétés intellectuelles d’avril 2015) en indiquant que toute publicité pour un appareil de téléphonie mobile doit, en plus de mentionner l’usage recommandé du kit mains libres, représenter cet accessoire de manière visible.
Enfin, les pouvoirs de contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sont renforcés par les articles 120 et 122 de la loi : elle peut désormais contrôler les conventions conclues entre opérateurs, y compris les contrats d’itinérance ou encore de mutualisation des réseaux.
Et les réformes ne sont pas terminées, puisque le Gouvernement doit encore faire établir un rapport sur « l’impact de l’innovation ouverte sur le droit et la pertinence d’une adaptation des outils juridiques » (article 176 de la loi), et qu’il est par ailleurs habilité à mettre en place un identifiant électronique pour les démarches en ligne des entreprises (article 220), ainsi qu’à développer la facturation électronique entre les entreprises (article 222).
Auteurs
Anne-Laure Villedieu, avocat associée en droit de la propriété industrielle, droit de l’informatique, des communications électroniques et protection des données personnelles.
Hélène Chalmeton, juriste au sein du Département droit des affaires, en charge du knowledge management.