Biens professionnels et groupe de sociétés : la Cour de cassation donne tort à l’administration
La limite d’exonération de l’article 885 O ter du CGI, correspondant aux seuls actifs sociaux professionnels, ne s’applique qu’à la société de tête.
Un contribuable détenant des droits sociaux constitutifs de biens professionnels n’est autorisé à exonérer, aux termes de l’article 885 O ter du CGI, que la fraction de la valeur de sa participation correspondant aux éléments du patrimoine social nécessaires à l’activité professionnelle de la société.
Dans la situation d’un groupe de sociétés, la question a récemment été posée au juge de cassation de savoir si cette limite s’applique aux seuls actifs de la société faîtière ou doit s’étendre à ceux détenus par ses filiales et sous-filiales.
L’affaire concernait la participation détenue par un couple dans une société exerçant une activité d’agent immobilier. Cette société détenait une filiale exerçant une activité d’administrateur de biens et de syndic qui elle-même détenait, via un ultime niveau d’interposition, des biens immobiliers loués nus à des tiers.
L’administration fiscale considérait que l’article 885 O ter du CGI devait s’appliquer à chacun des échelons du groupe de sorte que les droits sociaux de la société faîtière ne pouvaient pas être exonérés pour leur valeur correspondant aux immeubles sous-jacents.
La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 20 octobre dernier (n°14-19.598) a donné tort à l’administration fiscale en considérant que :
- l’article 885 O ter du CGI est d’interprétation stricte ;
- le terme «société» mentionné à cet article renvoie uniquement à la société dont les droits sociaux sont qualifiés de biens professionnels (c’est-à -dire celle dont les titres sont détenus directement par le contribuable) ;
- de sorte que l’examen prévu par cet article se limite aux actifs de cette société à l’exclusion de ceux détenus par ses filiales et sous-filiales.
Cette solution n’est pas sans rappeler la décision du Conseil constitutionnel (2012-662 DC) portant sur le projet de loi de finances pour 2013. Rappelons en effet que ce projet de loi comportait une modification de l’article 885 O ter du CGI conduisant à imposer dans le patrimoine du titulaire de droits sociaux la valeur correspondant aux éléments du patrimoine social non nécessaires à l’activité professionnelle de la société, quel que soit le nombre de niveaux d’interposition entre la société et les biens non nécessaires à son activité. Le Conseil constitutionnel avait déclaré cette disposition contraire à la Constitution en estimant que les actifs non-professionnels sous-jacents ne pouvaient pas être considérés comme étant à la disposition du contribuable de sorte qu’ils étaient sans lien avec ses facultés contributives.
L’arrêt rendu dernièrement par la Cour de cassation ne manquera pas d’être revendiqué par les contribuables souhaitant parvenir à l’exonération totale de leur participation détenue dans une société holding éligible dont les filiales et/ou sous filiales seraient titulaires d’actifs qu’elles n’affectent pas à leur activité professionnelle.
L’exonération recherchée ne semble toutefois pas systématique. En effet, l’application de l’article 885 O ter du CGI au seul niveau de la holding exige, pour parvenir à son exonération totale, de pouvoir considérer que la participation qu’elle détient dans la filiale (titulaire des actifs non professionnels) constitue un actif nécessaire à sa propre activité professionnelle.
Rappelons que dans ses commentaires1, l’administration indique que sont susceptibles d’être exonérés les actifs qui présentent une «utilité professionnelle» pour la société qui les détient.
Au cas particulier, ce point semble avoir été arbitré au stade de l’appel dans un sens favorable au contribuable compte tenu de la complémentarité de l’activité de la filiale (administrateur de biens et syndic) avec celle de sa mère (agent immobilier).
Il résulte de ce qui précède que la question du caractère « utile » de la participation détenue par la holding dans le capital de sa filiale nécessitera une analyse précise de chaque situation.
Note
1 BOI-PAT-ISF-30-30-40-20-20120912, §20.
Auteur
Matias Labé, avocat en droit fiscal