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L’URSSAF à l’assaut du travail dissimulé

L’URSSAF à l’assaut du travail dissimulé

L’URSSAF fait de la lutte contre le travail illégal l’une de ses priorités. Elle affiche d’ailleurs dans son dernier rapport d’activité sa volonté de poursuivre le renforcement de ses contrôles dans tous les secteurs d’activité, «en améliorant de manière continue la qualité de ciblage des entreprises à contrôler et en orientant ses contrôles vers des situations identifiées à risque».

Une détermination constatée en pratique devant l’accroissement du nombre de redressements et de poursuites pénales à l’initiative de l’URSSAF sur le terrain du travail dissimulé, qui constitue une forme du travail illégal.

L’appréhension par l’URSSAF de situations de «salariat déguisé»

Il est des cas dans lesquels les investigations de l’URSSAF révèlent des situations manifestes d’emploi de salariés non déclarés, d’absence de déclaration d’une partie des heures de travail accomplies ou de la rémunération versée.

Ces situations constituent à l’évidence le délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié, caractérisé par le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement à l’obligation d’effectuer certaines formalités telles que la déclaration préalable à l’embauche ou la délivrance des bulletins de paie et, plus généralement, de procéder aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales auprès de l’URSSAF et de l’administration fiscale (article L. 8221-5 du Code du travail).

Mais il est aussi des cas plus sophistiqués dans lesquels une opération de prestation de services ou de sous-traitance, en apparence régulière, recèle en réalité une situation de salariat.

Allant au-delà de la qualification juridique donnée à l’opération par les parties, l’URSSAF examine en détail les conditions d’exécution de certaines opérations afin de leur redonner leur véritable nature.

Les agents de l’URSSAF portent ainsi aujourd’hui une attention toute particulière aux contrats de prestations de services, en cherchant à démontrer au moyen d’un «faisceau d’indices» le lien de subordination qui unit le prestataire au donneur d’ordres.

Sont ainsi susceptibles d’être requalifiés en salariat les contrats conclus avec des prestataires «indépendants» qui, loin de l’être dans les faits, reçoivent des instructions précises de leur donneur d’ordres et participent à l’activité quotidienne de leur unique client, sans apport d’un savoir-faire particulier.

Le sont également, les contrats de prestations de services conclus avec d’anciens salariés qui continuent après la rupture de leur contrat de travail – par exemple pendant leur retraite – à collaborer avec leur ancien employeur, en exécutant les mêmes missions.

Le sont encore les relations nouées entre une entreprise cliente et les salariés d’un prestataire dans l’hypothèse où ils sont dans les faits intégrés à son organisation, traités comme ses propres salariés – travail dans les locaux, respect des horaires, inclusion dans l’organigramme, carte de visite, adresse e-mail – leur intervention étant facturée au temps passé.

Enfin, l’URSSAF n’hésite plus à requalifier en salariat les interventions de salariés effectuées en vertu de mises à disposition intra-groupe.

Dans chacune de ces situations, en l’absence d’accomplissement des formalités d’embauche, de déclaration et de paiement de cotisations sociales, le travail dissimulé est reconnu.

La plus grande prudence s’impose donc dans la rédaction et l’exécution de contrats de prestations de services et de conventions de mise à disposition.

Pour lutter contre toutes les formes de travail dissimulé, l’URSSAF dispose de moyens d’enquête spécifiques

Notamment, les inspecteurs de l’URSSAF peuvent se faire présenter et obtenir une copie immédiate de tous les documents commerciaux et de tous ceux justifiant l’accomplissement des déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations, des déclarations préalables à l’embauche, de la remise de bulletins de salaire, ainsi qu’obtenir l’identité et l’adresse des employeurs et de toute personne occupée dans l’entreprise.

Ils sont également habilités à auditionner en tout lieu tout employeur ou toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée l’être ou l’avoir été par un employeur, ou toute personne susceptible de fournir des informations utiles (article L. 8271-6-1 du Code du travail).

Les URSSAF peuvent enfin compter sur les informations obtenues des DIRECCTE, de la DGFIP et de la DGCCRF entre autres et, sous réserve de l’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS) et les services de renseignement.

Le travail dissimulé donne lieu à l’application de sanctions lourdes

L’URSSAF est à même de requalifier en salaires l’intégralité des sommes versées aux travailleurs dissimulés et d’assujettir ces sommes aux cotisations et contributions sociales, en les assortissant de majorations de retard.

Ces redressements sont alourdis par des sanctions propres au travail dissimulé.

Premièrement, les redressements peuvent s’étendre, en sus de l’année civile en cours, aux 5 années civiles antérieures – contre 3 années habituellement – et sont assortis d’une pénalité de 25%.

Deuxièmement, lorsque l’URSSAF ne dispose pas d’informations permettant de reconstituer les revenus réels du travailleur dissimulé, elle a la faculté d’asseoir son redressement sur une rémunération fictive égale à 6 fois le SMIC mensuel par mois de travail dissimulé.

Troisièmement, en cas de procès-verbal constatant une situation de travail dissimulé, l’employeur perd les exonérations et réductions de cotisations sociales dont il a bénéficié pendant la période de travail dissimulé (ex : réductions Fillon).

Sur un autre plan, l’URSSAF a la faculté d’établir un procès-verbal de travail dissimulé qu’elle transmet au Parquet en vue de poursuites pénales.

Jusqu’à présent réservée aux cas flagrants de travail illégal, il semble que l’URSSAF fasse un usage de plus en plus répandu de cette faculté, lourde de conséquences compte tenu des sanctions encourues, à savoir :

  • à titre principal, une peine de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende pour les personnes physiques ou de 225.000 € d’amende pour les personnes morales ;
  • des peines complémentaires, telles que la perte des aides publiques, l’exclusion des marchés publics, ou encore l’inscription sur la « liste noire » des entreprises condamnées pour travail illégal prochainement diffusée sur le site Internet du Ministère du travail (Décret n° 2015-1327, 21 octobre 2015).

S’il est parfois contestable, l’usage de ces pouvoirs particuliers de contrôle et de sanction à des situations de plus en plus variées s’avère en tout cas « payant » pour les URSSAF, puisque les redressements opérés au titre du travail illégal au cours de l’année 2014 ont représenté plus de 400 millions d’euros, soit près du tiers des redressements opérés sur l’année.

 

Auteurs

Xavier Cambier, avocat en droit social

Marie Sevrin, avocat en droit social

 

L’URSSAF à l’assaut du travail dissimulé – Article paru dans Les Echos Business le 9 novembre 2015
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