Nullité de la clause de non-concurrence : conditions d’indemnisation du salarié étendues
27 octobre 2015
Dans le prolongement de la jurisprudence établie concernant la sanction de la nullité des clauses de non-concurrence dépourvue de contrepartie financière, la Cour de cassation a confirmé dans un arrêt du 7 juillet 2015 qu’il convenait de réparer le salarié dont le contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence nulle, peu importe que ce dernier n’ait pas respecté l’obligation prévue par cette dernière.
La Cour rappelle que la stipulation dans le contrat de travail d’une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, qui doit être réparée par l’octroi de dommages-intérêts.
Rappel des conditions de validité d’une clause de non-concurrence
En l’absence de prescriptions légales, la jurisprudence a défini les conditions de validité des clauses de non-concurrence, subordonnée aux critères cumulatifs suivants :
- être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise ;
- être limitée dans le temps et dans l’espace,
- tenir compte des spécificités d’emploi du salarié
- et comporter une contrepartie financière. La jurisprudence considère à ce titre qu’une contrepartie financière dérisoire équivaut à une absence de contrepartie.
La contrepartie financière de la clause de non-concurrence est justifiée par la limitation apportée à la liberté du salarié d’exercer une activité professionnelle après la rupture de son contrat de travail.
Dans l’hypothèse où la clause de non-concurrence ne respecte pas l’une de ces conditions, elle est alors jugée nulle et non écrite. Il s’agit d’une nullité relative dont le salarié peut se prévaloir.
Indemnisation du préjudice du salarié qui a respecté une clause de non-concurrence nulle.
La Cour de cassation jugeait de manière constante que le salarié qui avait respecté la clause de non-concurrence illicite était fondé à demander une réparation dans la mesure où une telle clause lui a nécessairement causé préjudice (Cass. soc., 4 juillet 2006). Dans ce cas, les dommages et intérêts étaient évalués souverainement par les juges du fonds.
L’employeur qui s’opposait à la demande de paiement de dommages-intérêts de son ancien salarié devait prouver que ce dernier n’avait pas respecté la clause de non-concurrence (Cass. soc., 26 octobre 2010).
Un tel argument en défense n’apparait plus suffisant au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation.
La Cour de cassation étend le droit à réparation du salarié dans le cas où il n’a pas respecté la clause de non-concurrence illicite.
Cette nouvelle jurisprudence donne lieu à une forte résistance des cours d’appel comme l’attestent les derniers arrêts rendus sur cette question. Néanmoins, il convient de relever que la Cour de cassation confirme sa position à l’occasion de chacun des pourvois qui lui sont soumis par les salariés déboutés de leur demande.
Ainsi, à l’occasion de deux arrêts rendus en 2014, la Cour de cassation a considéré que le salarié avait droit à une indemnisation de la clause de non-concurrence (ou assimilée) nulle en l’absence de contrepartie financière alors même qu’il ne l’avait pas respectée en créant une société concurrente (Cass.soc. 24 septembre 2014) ou en étant embauché par une société exerçant une activité similaire à celle de son ancien employeur (Cass.soc. 13 novembre 2014). Pour la Cour de cassation, lorsque le contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence nulle, cette dernière cause nécessairement un dommage au salarié, sans que l’intéressé n’ait à justifier d’un préjudice spécifique.
En 2015, la Cour de cassation a également censuré deux arrêts de Cour d’appel qui, pour débouter de la demande de dommages et intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence, avaient retenu que le salarié ne justifiait pas d’un préjudice dès lors que :
- l’employeur avait délié le salarié de la clause et que l’intéressé n’avait jamais été tenu de respecter la clause après la rupture de son contrat de travail (Cass.soc. 28 janvier 2015)
- le salarié n’avait pas respecté les interdits posés par la clause, de sorte qu’il ne justifiait pas d’un préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts (Cass.soc. 7 juillet 2015).
L’émergence d’un nouveau principe ?
La Cour de cassation retient comme principe dans ces arrêts que la simple stipulation d’une clause de non-concurrence cause, à elle seule, le préjudice au salarié. La Cour procéderait ainsi à un déplacement de l’analyse du préjudice : ce n’est plus le respect de la clause nulle mais la rédaction d’une clause nulle qui doit donner lieu à indemnisation.
Dorénavant, l’argumentation développée par l’employeur consistant à relever que le salarié n’était pas tenu ou n’a pas respecté la clause de non concurrence illicite est inopérante. La Chambre sociale étend donc la réparation du préjudice subi par le salarié qui, devient quasiment automatique lorsque la clause de non concurrence est dépourvue de contrepartie financière.
Une nouvelle illustration de la vigilance qui s’impose lors de la rédaction d’une clause de non-concurrence dans un contrat de travail et de l’opportunité de contrôler la validité des clauses en vigueur.
Dans cette perspective, rappelons que l’employeur, ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à la clause de non concurrence au cours de l’exécution du contrat de travail (Cass.soc.11 mars 2015). La révision ou la suppression de la clause suppose par conséquent généralement la conclusion d’un avenant au contrat de travail.
A lire également : Des conditions de renonciation à la clause de non-concurrence
Auteur
Maïté Ollivier, avocat en droit social
Nullité de la clause de non-concurrence : conditions d’indemnisation du salarié étendues – Article paru dans Les Echos Business le 26 octobre 2015
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