L’extension du crédit interentreprises à un « crédit partenaire »
La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron) étend le périmètre du crédit interentreprises en autorisant, sous certaines conditions, l’octroi de prêts à court terme entre sociétés partenaires.
Ce dispositif législatif, issu d’un amendement des députés vise moins à bouleverser le monopole bancaire qu’à « étendre une exception qui existe déjà puisqu’à l’intérieur d’un groupe, ce crédit entre filiales ou entre entreprises est possible »1.
En effet, si jusqu’alors, les opérations de crédit pouvaient être autorisées entre sociétés appartenant à un même groupe (article L.511-7.3 du Code monétaire et financier (CMF)), les opérations entre sociétés sans lien capitalistique étaient cantonnées aux « crédits interentreprises »2, prenant principalement la forme de crédit client, de crédit vendeur ou de crédit fournisseur (ci-après, les crédits fournisseurs). La pratique, en particulier à l’aune de la doctrine du Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (prédécesseur de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR), avait cependant étendu cette exception au-delà de son périmètre strict.
Un nouveau paragraphe 3 bis ajouté à l’article L.511-6 du CMF ouvre désormais le champ du crédit interentreprises en offrant aux micro-entreprises, PME et ETI, d’accéder à une source de financement à court terme, consentie par un partenaire commercial endossant le rôle de prêteur. L’un des arguments avancés à cette nouvelle étape de désintermédiation bancaire est le peu d’intérêt que manifesterait le secteur bancaire pour ce type de crédit à court terme. En somme, la loi Macron instaure un crédit « partenaire », dont les contours et notamment la condition de préexistence de « liens économiques le justifiant » restent à préciser.
Dans l’attente des précisions et des limitations que devra apporter le pouvoir règlementaire sur les modalités de ce financement3, le volet législatif arrête déjà certaines conditions tenant à la qualité des parties, à la relation qu’elles doivent entretenir et au crédit lui-même.
Tout d’abord, seule une société par actions ou une société à responsabilité limitée, dont les comptes font l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes (CAC) pourra octroyer un prêt. Cette limitation vise à exclure les prêteurs de taille modeste dont la solidité financière n’est pas encore avérée. Ce prêt devra être consenti « à titre accessoire » à l’activité principale du prêteur au bénéfice d’une société de taille limitée, l’emprunteur ne pouvant être qu’une micro entreprise, une PME ou une ETI.
Ensuite, le prêteur et l’emprunteur devront entretenir des « liens économiques » justifiant le prêt. Cette formule sibylline s’entend d’une relation d’affaires existante, comme la relation nouée entre une société donneuse d’ordre et son sous-traitant évoquée lors des débats parlementaires. Il est permis ici de se demander si, par effet de contraste, cette condition pesant sur la nouvelle exception ne pourrait pas remettre en cause les crédits fournisseurs bénéficiant de la tolérance de l’ACPR.
Enfin, la durée du prêt devra être inférieure à deux ans. Le prêt devra par ailleurs faire l’objet d’un acte écrit, soumis au régime des conventions réglementées4. Le montant du prêt consenti devra être indiqué dans le rapport de gestion de la société prêteuse et faire l’objet d’une attestation du CAC selon des modalités à définir par décret en Conseil d’État.
Le législateur précise que l’octroi du prêt ne saurait avoir pour effet d’imposer à un partenaire commercial des délais de paiement ne respectant pas les plafonds légaux des articles L.441-6 et L.443-1 du Code de commerce. Par ailleurs, dans le souci de prévenir toute « financiarisation » de ce prêt, la loi interdit expressément, à peine de nullité, toute acquisition par un organisme de titrisation ou assimilé, prohibition en phase avec l’esprit du texte et le caractère nécessairement exceptionnel que doit avoir le « crédit partenaire » pour le prêteur.
Notes
1 Assemblée nationale, XIVe législature, session ordinaire de 2014-2015, première séance du lundi 9 février 2015. Amendement n° 1480.
2 Bonneau T., Droit bancaire, LGDJ, 11e édition, 1er septembre 2015, n°275 et s..
3 Le décret attendu du Conseil d’État devrait apporter des limitations supplémentaires. Voir l’interview de Me Laurent Mion ; parmi ces limitations, il ressort des travaux parlementaires que le prêteur devra se trouver en position de trésorerie excédentaire, v. Garrouste, F., Dossier Trésorerie des entreprises, les PME en quête de crédit court terme, l’Agefi Hebdo, 16 juillet 2015, n°478.
4 Articles L.225-38 à L.225-40 ou articles L.223-19 et L.223-20 du Code de commerce.
Auteurs
Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.
Benjamin Guilleminot, avocat, Financements Structurés
Benoît Fournier, avocat, Financements Structurés