Ruptures du contrat de travail et transaction : les écueils à éviter
15 juillet 2013
Quand une transaction peut-elle intervenir ? Quelles sont les précautions à prendre s’agissant de sa négociation et de son contenu ? La transaction est-elle possible dans tous les cas de rupture du contrat de travail ?
Le principe est connu : une mauvaise transaction vaut mieux qu’un bon procès. Encore faut-il que la transaction ne soit pas entachée de nullité et ne donne elle-même pas lieu à contestation ultérieure. D’où la nécessité pour le salarié et l’employeur de sécuriser la transaction. Voici les réponses aux principales questions que l’employeur et le salarié doivent se poser lorsqu’ils veulent mettre un terme définitif à leur(s) différend(s) consécutivement à la rupture du contrat de travail.
La transaction doit conduire :
- à priver le salarié de la possibilité de contester par la suite la rupture de son contrat de travail et/ou de présenter des demandes en lien avec la conclusion, l’exécution ou la rupture dudit contrat ;
- à permettre à l’employeur de reprendre définitivement la provision qu’il a pu passer en comptabilité ;
- plus généralement à clôturer le(s) litige(s) né(s) de la rupture du contrat de travail.
La transaction est-elle adaptée à tous les modes de rupture du contrat de travail ?
Classiquement, la signature d’une transaction, lorsqu’il s’agit de régler les conséquences de la rupture du contrat de travail d’un salarié, intervient à l’occasion d’un licenciement.
La signature d’une transaction est cependant envisageable à l’occasion de tout autre mode de rupture du contrat de travail, qu’il intervienne à l’initiative du salarié (démission, prise d’acte aux torts de l’employeur, départ à la retraite), de l’employeur (mise à la retraite) ou des deux (rupture conventionnelle du contrat de travail), même s’il existe dans certains cas une forme d’incompatibilité et/ou des réserves. Par exemple, la rupture conventionnelle suppose un accord des parties et un climat apaisé entre elles alors que la transaction a précisément pour objet de mettre un terme à un litige né ou à naître entre elles, ce qui suppose par définition l’existence d’un conflit (cf. Pierre Bonneau : « Rupture conventionnelle et transaction : une délicate combinaison »).
De la même manière, certaines juridictions ont estimé qu’une transaction pouvait être conclue à la suite d’une prise d’acte (hypothèse selon laquelle le salarié rend la rupture de son contrat imputable à son employeur motif pris des manquements graves de ce dernier à ses obligations) sous réserve qu’elle se limite à régler les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail sans se prononcer sur l’imputabilité de cette rupture. Certaines difficultés peuvent également apparaître pour justifier que des sommes réglées par exemple à un salarié démissionnaire ou partant de sa propre initiative à la retraite, présentent un caractère indemnitaire et ne s’analysent pas en un élément de salaire.
A quel moment intervient la transaction ?
La transaction vient régler les conséquences d’une rupture du contrat de travail déjà consommée.
En cas de licenciement, la transaction ne pourra intervenir avant que la lettre de licenciement – obligatoirement notifiée par courrier recommandé AR sous peine de nullité de la transaction elle-même – ait été présentée au domicile du salarié et plus encore, si l’on veut être très prudent, avant que le salarié s’il n’est présent à son domicile lors du passage des services postaux, ait retiré son courrier à La Poste et en ait pris connaissance.
Lorsque le salarié effectue un préavis, rien ne s’oppose à ce que la transaction soit négociée puis signée lors de ce préavis, quand bien même certains détracteurs ne manquent pas de soutenir qu’en pareil cas, le salarié se trouve encore sous la subordination de son employeur, et se présente donc en position de faiblesse juridique par rapport à celui-ci.
La négociation de la transaction doit par ailleurs intervenir au moment opportun. Les parties doivent être en mesure de se parler sereinement (ce qui ne sera par définition pas évident lors des jours voire des semaines qui vont suivre la rupture du contrat de travail) et le salarié doit disposer de l’ensemble de ses aptitudes pour discuter avec son employeur et mesurer les conséquences de la signature, par lui, de la transaction. L’accord des parties (et en particulier celui du salarié) ne doit pas non plus intervenir dans des conditions caractérisant un vice du consentement (dol ou violence par exemple). Tout est donc ici question de contexte et de situation personnelle et/ou professionnelle dans laquelle se trouve le salarié au moment des discussions.
Attention à l’absence de confidentialité des échanges entre l’employeur et le salarié
La pratique montre que les discussions intervenant entre le salarié et son employeur donnent souvent lieu, entre eux, à des échanges de mails ou de courriers dans lesquels sont consignés les engagements pris par l’un ou par l’autre. Il arrive même que l’employeur adresse le projet de transaction par mail au salarié.
De tels échanges sont dangereux et doivent autant que possible être évités. Dans l’hypothèse en effet où aucun accord transactionnel n’interviendrait au final :
- le salarié se retrouverait en possession de documents émanant de son employeur et matérialisant l’envie de ce dernier de trouver une issue transactionnelle. Il pourrait produire ces éléments devant la juridiction prud’homale, ce qui serait susceptible d’affaiblir la position de l’employeur, chargé de démontrer que le licenciement prononcé à son initiative est parfaitement justifié ;
- l’employeur pourrait de son côté produire les éléments faisant ressortir que le salarié était enclin à accepter une offre financière bien moins importante que les dommages et intérêts qu’il est susceptible de réclamer auprès du juge prud’homal.
Le contenu de la transaction
La transaction se renfermant dans son objet, les points d’achoppements et les litiges entre les parties au contrat de travail qui n’y sont pas visés et réglés peuvent donner lieu à contestation ultérieure.
Les transactions ne portent, trop souvent, que sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences financières, sans que ne soient par ailleurs abordés les autres points de désaccords portant, par exemple, sur la réalisation ou non par le salarié d’heures supplémentaires, l’existence ou non d’un harcèlement moral, la caractérisation ou non d’une discrimination, les conditions – de délai et/ou de forme – entourant la dispense d’une obligation de non-concurrence, etc.
Quand bien même il se verrait octroyer une indemnité transactionnelle dont le quantum serait élevé le salarié, après avoir signé la transaction, pourra présenter judiciairement d’autres revendications salariales ou indemnitaires.
La transaction doit donc éteindre toutes les sources de conflits nés ou à naître entre les parties, en lien avec la conclusion, l’exécution et la rupture du contrat de travail les ayant liées.
Par ailleurs, pour éviter ou à tout le moins minimiser les risques ultérieurs de redressement social (pour l’employeur) et fiscal (pour le salarié) les parties doivent également s’appliquer dans la rédaction de l’accord transactionnel, s’agissant en particulier de la caractérisation des préjudices donnant lieu à l’octroi de dommages et intérêts transactionnels.
L’intérêt pour les parties de se faire assister et de prendre conseil
Pour produire ses effets et permettre aux parties de solder leurs litiges respectifs, la transaction doit obéir à plusieurs exigences importantes qui, si elles ne sont pas réunies, peuvent donner lieu à un contentieux qu’elle était pourtant chargée d’éteindre définitivement. Les parties ont donc intérêt, tout au long du processus transactionnel, à se faire assister par un Conseil. La présence en particulier des avocats, outre qu’elle permettra de sécuriser juridiquement l’opération, garantira aux parties que leurs discussions (surtout si les négociations n’aboutissent à aucun accord) resteront secrètes, les échanges entre avocats étant par nature confidentiels.
A propos de l’auteur
Rodolphe Olivier, avocat associé. Il anime l’équipe contentieuse et intervient plus particulièrement dans les litiges pendants devant le conseil de prud’hommes (tous types de litiges), le tribunal d’instance (contestation de désignations de délégués syndicaux, élections professionnelles, représentativité syndicale, reconnaissance d’unité économique et sociale, référendum des salariés à la suite de la signature d’accords collectifs…), le tribunal de grande instance (dénonciation et mise en cause d’accords collectifs, demande de suspension de la procédure consultative auprès du comité d’entreprise, demande d’annulation de plans de sauvegarde de l’emploi, grèves, contestation d’expertise CHSCT ou CE…), le tribunal des affaires de sécurité sociale (urssaf, affiliation, accident du travail, maladie professionnelles, faute inexcusable,…), le tribunal de police et tribunal correctionnel (discrimination syndicale, délit d’entrave, contraventions à la durée du travail, harcèlement moral…) et le tribunal administratif et cour administrative d’appel (contestation des décisions de l’Inspection du travail ou du Ministre…).
Article paru dans Les Echos Business du 15 juillet 2013
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