Application du taux réduit de TVA aux livres numériques : faut-il tourner la page ?
Saisie d’un recours en manquement à l’encontre de la France et du Luxembourg initié par la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de condamner l’application du taux réduit de TVA aux livres numériques.
Depuis le 1er janvier 2012, les livres fournis par téléchargement (« livres numériques » ou « livres électroniques ») bénéficient en France d’un taux réduit de TVA au même titre que les livres sur support physique1. Cette mesure vise à assurer l’égalité de traitement fiscal des livres et à favoriser l’innovation dans la diffusion des savoirs et de la culture.
Dans deux arrêts en date du 5 mars 2015, la CJUE a considéré que le taux réduit de TVA ne pouvait s’appliquer qu’à la fourniture de livres sur support physique (CJUE, 5 mars 2015, aff. C-479/13, et aff. C-502/13). Si le livre électronique nécessite bien, aux fins d’être lu, un support physique, tel qu’un ordinateur ou une tablette, ce support n’est pas fourni avec le livre.
La Cour confirme par la même occasion que la fourniture d’un livre numérique constitue un service électronique, pour lequel la Directive TVA exclut toute possibilité d’appliquer un taux réduit.
Force est de constater que la décision de la Cour aboutit à une solution paradoxale pour les opérateurs du marché, puisqu’elle les conduit à appliquer le taux réduit de TVA à la fourniture d’un livre sur support papier ou sur tout autre support physique tel qu’un CD, alors que le téléchargement du même contenu devrait être soumis au taux normal.
Depuis, la France a initié un mouvement de revendication, auquel se sont joints d’autres Etats membres, pour dénoncer auprès de la Commission la discrimination dont fait l’objet le livre numérique.
Ces revendications ne sont pas restées lettre morte puisque le président de la Commission européenne a annoncé qu’il présenterait en 2016 une réforme destinée à aligner le taux de TVA des livres électroniques sur celui des livres sur support papier, au nom du principe de neutralité technologique. Cette initiative est sans doute facilitée par l’obligation, depuis le 1er janvier 2015, d’appliquer aux services électroniques le taux de TVA de l’Etat de consommation, ce qui élimine le risque de concurrence entre les Etats membres.
En attendant, en France, le taux réduit est toujours à la page puisque les entreprises du secteur peuvent continuer à l’appliquer à la commercialisation de livres en téléchargement, sous couvert de l’article 278-0 bis A, 3° du CGI dont le Gouvernement n’a pas annoncé l’abrogation…
Note
1 Taux de 7% jusqu’au 31 décembre 2012 en application de l’article 278 bis, 6° du Code général des impôts (CGI) puis 5.5% depuis le 1er janvier 2013 en application de l’article 278-0 bis A, 3°du CGI.
Auteurs
Ariane Beetschen, avocat associée en matière de TVA et autres taxes indirectes, et de taxe sur les salaires, dans tous les secteurs d’activités, avec une dominante industrielle et commerciale.
Marion Taylor, avocat en matière de TVA, et autres taxes indirectes, et de taxe sur les salaires.