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Régularisation des avoirs à l’étranger mode d’emploi

Le gouvernement vient de répondre à la demande croissante de régularisation des avoirs non déclarés. Une nouvelle fenêtre s’ouvre: les sanctions pénales seront écartées, les impôts exigibles et les pénalités réduites.

Depuis 2009, plus de 800 accords d’échange d’informations ont été signés dans le monde. Près de 700 conventions fiscales ont été amendées pour intégrer la nouvelle norme prônée par l’OCDE et 228 nouvelles signées. La France, elle, a signé 29 accords d’échanges d’informations et dispose d’un des plus grands réseaux de conventions fiscales avec un total de plus de 113. Des conventions fiscales avec Hong-Kong et Panama ont été ainsi signées. Celles avec le Luxembourg, la Suisse, l’Autriche, l’île Maurice, Singapour ou encore Bahreïn notamment ont été amendées.

Ces accords prévoient une procédure d’échange d’informations aux fins fiscales, à laquelle le secret bancaire ne peut être opposé. Encore faut-il que les informations soient demandées, ce qui rend ces procédures moins efficaces, d’où la volonté affichée et réaffirmée des pays membres du G20 et plus récemment du G8 et des pays de l’Union européenne de passer à l’échange automatique. De manière bilatérale, ils peuvent revoir leurs accords existants. De manière multilatérale, ils sont encouragés à signer la convention multilatérale pour l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale. Cette convention prévoit notamment des procédures d’échange d’informations sur demande, automatique et spontané, entre les signataires.

Cette convention multilatérale de 1988, revue en 2011 sous l’égide de l’OCDE lors du G20 de Nice, compte aujourd’hui plus de cinquante pays signataires, dont la France, avec récemment, le Luxembourg, la Suisse et Singapour. D’autres États la respecteront, bientôt : les dix territoires d’outre-mer ou dépendance de la Couronne comme les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Jersey, Guernesey ou l’île de Man. Par ailleurs, un registre des trusts va être tenu au Royaume-Uni. De son côté, l’Union européenne n’est pas en reste au travers de la directive Épargne I et sa réforme concernant la déclaration automatique par l’établissement payeur des bénéficiaires d’intérêts à leur administration fiscale. De même, la directive sur la coopération administrative dans le domaine fiscal reprend, à partir de 1er janvier 2015, les nouveaux standards d’échange automatique et spontané notamment. On notera que le Luxembourg, le 10 avril dernier, a accepté d’introduire l’échange automatique au 1er janvier 2015, dans le cadre de la directive épargne (premiers échanges au 1er janvier 2016).

Force est de constater que la plupart des banques privées étrangères, en Suisse principalement, invitent fermement leurs clients à régulariser l’existence du compte dans leur État de résidence, avant la fin de l’année. L’information selon laquelle 5.000 contribuables auraient spontanément exprimé à l’administration le souhait de régulariser leur situation confirme l’effet d’aubaine pour le Trésor. Le ministre du Budget espère ainsi faire rentrer dans les caisses de l’État de l’ordre de 2,5 milliards d’euros, alors que 1,3 milliard d’euros avaient été collectés grâce à l’ancien programme.

En France, le programme de centralisation des demandes de régularisation avait été ouvert en 2009 et fut fermé le 16 octobre dernier. Dans le cadre de cette démarche spontanée, les sanctions pénales fiscales éventuelles n’étaient pas appliquées et cela permettait, selon l’implication du contribuable, une plus grande modulation des pénalités. Enfin, les premiers échanges étaient conclus sur une base anonyme, ce qui donnait ainsi au contribuable la nécessaire visibilité sur le traitement finalement appliqué. Dernièrement, le ministre du Budget avait déclaré qu’il n’y aurait «ni amnistie, ni cellule de régularisation.(…). Il doit y avoir un processus transparent, de droit commun». Or, ce processus démarre aujourd’hui et ce, jusqu’à la promulgation de loi contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière.

Le traitement fiscal de droit commun prévoit que ne pas déclarer un compte à l’étranger est susceptible de déclencher plusieurs impositions : un rappel d’ISF à partir de 2007 ; d’impôt sur le revenu, à partir de 2006, éventuellement des droits de succession, si le décès intervient après 1er janvier 2007, des intérêts de retard à 4,8% par an. L’administration fiscale cherchera aussi à savoir si le contribuable a hérité d’une situation qui a été créée par des ascendants dans un souci de protection d’actifs, de moyens de vie (à une époque troublée comme la Seconde Guerre mondiale), de fait (ascendants ayant épargné des revenus par ailleurs fiscalisés dans un autre pays) ou s’il a été le maître d’œuvre ou complice d’un montage visant à éluder l’impôt.

Les pénalités, assises sur le montant de l’impôt, peuvent se monter à 10% (bonne foi), 40% (manquement délibéré comme l’absence de déclaration), voire à 80% (manœuvres frauduleuses dans le dernier cas), selon les situations. Mais l’impôt n’est pas forcément l’addition la plus lourde. Omettre de déclarer le compte détenu à l’étranger dans sa déclaration de revenu, rend des amendes exigibles de 5% du solde du compte depuis 2011, donc 10% pour ceux n’ayant pas déclaré leur compte cette année. Pour la période antérieure et jusqu’en 2006, l’amende est de 1.500 euros ou 10.000 euros par an, selon que le pays en cause a signé ou pas une convention d’assistance administrative éligible avec la France. Enfin, en cas d’impossibilité de justifier de l’origine des sommes, un prélèvement de 60% du compte sur la valeur la plus élevée connue de l’administration des avoirs figurant sur le compte, au cours des dix années, peut être exigé par l’administration.

L’administration est susceptible, en outre, de saisir le procureur pour délit de fraude fiscale. Le projet de loi actuellement en discussion relatif à la lutte et à la grande délinquance économique et financière vise à renforcer l’arsenal répressif et les moyens d’investigation. Par exemple, il sera considéré comme circonstance aggravante de commettre la fraude «en bande organisée», au moyen de banquiers ou d’avocats par exemple, ou en ayant recours à des comptes bancaires ou des entités détenus à l’étranger. Dans ce cas, le contribuable serait passible de sept ans d’emprisonnement et d’une amende pénale pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros. Des techniques spéciales d’enquête seront permises comme l’infiltration, la garde à vue ou les écoutes, avec la possibilité pour l’administration de s’appuyer sur des informations d’origine illicite (fichiers volés).

Comment, dans ces conditions, procéder aujourd’hui à une régularisation ? La nouvelle procédure est centralisée à la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF). Ce service est implanté dans le 17e arrondissement de Paris et se voit chargé du contrôle de la fiscalité des contribuables les plus fortunés. Il ne s’agit donc plus d’un service du ministère de l’Économie. Certains contribuables ont déclaré leur compte spontanément, pour la première fois dans la déclaration 2012, confiants qu’ils étaient dans l’ouverture d’un cadre dans l’année, et soucieux d’éviter la pénalité de 5% du compte, pour non déclaration, pour cette année. D’autres auraient déposé un dossier de demande de régularisation anonyme à l’administration centrale, mais suffisamment précis pour faire les recoupements lors de la régularisation réelle. Ces contribuables pourront se placer dans le nouveau cadre de régularisation.

Les impôts éludés sont dus dans les conditions de droit commun. La pénalité de 40% pour manquement délibéré (80% pour manœuvres frauduleuses), assise sur le montant de l’impôt exigible, serait ramenée à 15% pour les contribuables passifs, ceux ayant, par exemple, hérité des avoirs ou d’une situation donnée, et à 30% pour les contribuables dits actifs dans la dissimulation. La pénalité plus lourde, car assise sur le montant du compte pour non déclaration du compte, est réduite à 1,5% au lieu de 5% pour les contribuables dits « passifs » et à 3% pour les autres.

Des questions importantes, qui ne manqueront pas d’être clarifiées, demeurent. Ainsi, en cas de situation nuancée sur le comportement du contribuable, y aura-t-il un cadre préétabli de discussion ? En pratique, une multitude de situations existent. En ce qui concerne la pénalité spécifique pour non déclaration, l’exigibilité de 1,5 ou 3% constituera-t-elle une pénalité unique au titre de la non déclaration du compte ou annuelle (depuis 2011), sur toute la période régularisée comme cela devrait être probable ? Ou, au contraire, sera-t-elle due deux fois (2011 et 2012), avec les pénalités forfaitaires annuelles pour les années antérieures ?

Par ailleurs, quel sera le niveau d’exigence de justification de la source des avoirs ? Dans les cas où il s’avère difficile, comme souvent, de retracer avec précision l’origine des sommes – pour des raisons historiques, de transferts de banque à banque, voire en l’absence totale de justificatifs formels-, les droits de 60% assis sur le montant du compte seront-ils exigés ? Une déclaration sur l’honneur du contribuable accompagnée de faisceaux d’indices, le cas échéant, suffira-t-elle ? La réponse à cette question est lourde de conséquences financières.

Enfin, des précisions sont attendues sur le traitement fiscal applicable à la régularisation d’avoirs détenus au travers de structures juridiques (fondations, trusts etc.) dont la liquidation devrait être exigée comme elle l’était dans le passé. Il serait souhaitable que le régime fiscal appliqué tant à la détention qu’au démantèlement de la structure ne s’avère pas plus pénalisant que le droit commun.

En pratique, il semble utile que le contribuable repentant commence à préparer l’évaluation fiscale de la régularisation et ses déclarations fiscales rectificatives, depuis 2006 (impôt sur le revenu) et 2007 (ISF et éventuellement en cas d’exigibilité de droits de succession), documents à déposer auprès de la DNVSF. La nécessaire sécurité fiscale, bénéfique au Trésor comme au contribuable, devrait être assurée par une circulaire, à publier dans les meilleurs délais, afin de donner au contribuable une visibilité suffisante, en particulier pour les questions encore pendantes.

 

A propos de l’auteur

Michel Collet, avocat associé. Il intervient le plus souvent pour la structuration et la mise en place de transactions internationales principalement en matière de M&A, Financements Structurés, Financement d’Actifs, et Investissements Immobiliers. Il assiste et représente également des particuliers en matière de gestion fiscale internationale de patrimoniale (ISF, succession, impôt sur le revenu, régularisation) et de contentieux fiscal. Il conseille des collectivités en matière fiscale.

 

Article paru dans Le Revenu.com le 19 juin 2013, mis à jour le 21 juin 2013, mis à jour le 2 juillet 2013

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