Interdépendance contractuelle : un débat partiellement tranché
Par deux arrêts rendus le 17 mai dernier, une chambre mixte de la Cour de cassation vient de reconnaître par le même attendu de principe que « les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants » et que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ».
A l’origine d’un important contentieux, la question de l’interdépendance contractuelle (ou des contrats indivisibles) avait conduit en 1995 la Chambre commerciale à admettre l’indivisibilité entre le contrat principal et le contrat de financement, avec pour conséquence que la résiliation d’un des contrats emportait la caducité de l’autre.
Pour pallier ce risque, il est devenu fréquent de stipuler dans les contrats une clause de divisibilité ou d’indépendance, sur la portée de laquelle les chambres de la Cour de cassation étaient divisées : la Chambre commerciale n’hésitait pas à évincer une clause de divisibilité expresse si elle jurait avec l’indivisibilité des contrats déduite d’une appréciation concrète de l’économie du contrat ; la première Chambre civile, au contraire, donnait plein effet à la clause de divisibilité ou d’indépendance.
Dans les deux espèces soumises à la Chambre mixte, était en cause un ensemble de contrats comprenant un contrat de prestation de services (convention de partenariat pour des diffusions publicitaires ou contrat de télé-sauvegarde informatique) et un contrat de location financière du matériel nécessaire à l’exécution du premier contrat. Un même contractant avait conclu ces deux contrats, le premier avec un prestataire de services, le second avec un bailleur financier. Le contrat de prestation de services avait été résilié pour inexécution de ses obligations par le prestataire. Dans la première affaire, la cour d’appel de Paris, retenant l’interdépendance des contrats, avait écarté la clause de divisibilité stipulée par les parties et avait donc prononcé la résiliation du contrat de location. A l’inverse, dans la seconde affaire, la cour d’appel de Lyon avait refusé de reconnaître l’indivisibilité des deux conventions et d’écarter la stipulation d’indépendance figurant au contrat de location. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi dans la première espèce mais cassé l’arrêt d’appel dans la seconde.
Par ces décisions, la Cour de cassation fait désormais de l’interdépendance une qualification, non plus laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, mais soumise à son contrôle. Elle consacre, dans le même temps, une conception résolument objective de l’interdépendance. Elle fonde en effet la qualification de cette dernière sur deux éléments : l’existence de contrats concomitants ou successifs et le fait que ces contrats s’inscrivent dans une opération incluant une location financière. Par ailleurs, en affirmant que « sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance », elle va au-delà de la position défendue par la Chambre commerciale qui ne privait d’effet que les clauses d’indépendance stricto sensu.
Pour autant, la Chambre mixte ne tranche pas l’intégralité du débat suscité par l’interdépendance contractuelle. La référence expresse aux contrats « qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière » ne permet pas de conclure à la portée générale de la solution dégagée. Qu’en sera-t-il alors pour les ensembles contractuels ne comportant pas de location financière ou même pour les contrats de financement voisins ?
A propos de l’auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat au sein du département de doctrine juridique. En étroite relation avec les avocats du Cabinet intervenant dans ce domaine, elle suit et analyse les évolutions du droit pour formuler des conseils pratiques. Elle participe à l’élaboration des communiqués clients et publie des chroniques dans la presse.
Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 1er juillet 2013
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