Actualité de la déductibilité des intérêts d’emprunt dans un contexte international
La déduction des intérêts d’emprunt a connu une intense actualité législative au cours de ces dernières années. Si la frénésie normative du législateur semble s’être calmée depuis quelques mois, la déduction des intérêts d’emprunt reste, malgré tout, une préoccupation essentielle des acteurs du private equity, notamment lorsque le financement s’inscrit dans un contexte international.
Les schémas abusifs listés par l’administration fiscale
L’administration fiscale française a récemment initié la publication de schémas jugés abusifs sur son site Internet1. Deux schémas mettent directement en cause la déduction d’intérêts d’emprunt.
Le premier d’entre eux consiste pour un groupe à déduire deux fois des intérêts d’emprunt. Les faits sont les suivants : une société française A s’endette auprès d’une banque pour capitaliser une société étrangère B (bénéficiant vraisemblablement du régime des intérêts notionnels belges). Cette société B prête ensuite la somme à une société C, filiale de A. L’Administration précise qu’elle remettra en cause le bénéfice du régime des sociétés mères aux dividendes versés par B à A sur le fondement de l’abus de droit. Une position plus nuancée pourrait sans doute être retenue au cas d’une structure de financement à l’étranger dotée d’une substance indéniable et consentant un grand nombre de prêts à des sociétés étrangères, le financement des entités françaises étant minoritaire.
Le second est le schéma d’obligations remboursables en actions (ORA), qui a donné lieu à une décision du comité de l’abus de droit (CAD)2 et à un jugement du tribunal administratif de Montreuil3. Il s’agit pour une société de réaliser une distribution de dividendes au profit de son actionnaire étranger, financée par l’émission d’ORA entièrement souscrites par l’actionnaire.
Pour l’Administration, les intérêts versés au titre des obligations souscrites par son actionnaire constituent en réalité des dividendes qui ne sont pas déductibles. L’Administration rejette donc leur déduction sur le fondement de l’abus de droit. Force est de constater que les redressements sur ce fondement sont devenus très courants.
Taux d’intérêt pratiqué sur une dette LBO
Lorsque le taux d’intérêt pratiqué par sur une dette consentie par une société liée est supérieur au taux prévu par l’article 39-1-3° du CGI, les intérêts excédentaires ne sont déductibles que pour autant que l’entreprise emprunteuse démontre que le taux pratiqué correspond au taux qu’elle aurait pu obtenir d’établissements indépendants dans des conditions analogues4. L’Administration a précisé dans sa doctrine que «s’agissant d’un emprunt, la preuve sera considérée comme apportée si l’entreprise justifie, par exemple, d’une offre de prêt à la date à laquelle cet emprunt a été contracté5».
A juste titre selon nous, le TA de Bordeaux a récemment rejeté cette interprétation restrictive en jugeant expressément que l’Administration ne pouvait «exiger une telle offre sans ajouter une condition non prévue par les dispositions précitées de l’article 212 du CGI6». Cette solution vaut aussi bien pour les financements nationaux que pour ceux octroyés par des prêteurs étrangers.
L’année 2015 réservera certainement d’autres discussions en raison notamment du projet BEPS de l’OCDE. Le sujet de la déductibilité des intérêts est donc loin d’être clos.
Notes
1. https://www.economie.gouv.fr/dgfip/carte-des-pratiques-et-montages-abusifs
2. Aff. n° 2010-12.
3. TA Montreuil, 15 mars 2012, n°1009892, Ingram Micro.
4. Article 212-I-a du CGI.
5. BOI-IS-BASE-35-20-10-20140415, n°110.
6. TA Bordeaux, 13 novembre 2014, n°1302599, SNC Siblu.
Auteurs
Thierry Granier, avocat associé, spécialisé en fiscalité internationale, intervenant en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition dans un contexte
international.
Benoît Foucher, avocat en matière de fiscalité internationale et dans les aspects fiscaux des financements structurés.